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EAN : 9781112188442
388 pages
(30/11/-1)
3/5   1 notes
Résumé :
nc
Que lire après Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoievski (1913)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Trois textes sur trois auteurs. Je ne dirai rien du premier, sur Pascal, magnifiquement écrit comme les autres, mais qui est le moins profond, juste un éloge, un encensement et même une sanctification. le deuxième, sur Ibsen, est le plus ardu, le plus long et le plus intéressant à méditer. Ardu parce que Suarès ne recule devant aucune contradiction, la logique lui importe peu : entre la raison et le coeur, il prend sans ambiguïté le parti du coeur. Il s'intéresse dans ce texte à l'évolution morale d'Ibsen, il se met parfois dans sa peau. Ce qui importe, pour ne pas perdre de temps, c'est de comprendre que Suarès fait une grande distinction entre la morale et la religion : « La manie de confondre la religion dans la morale n'est pas le fait d'un esprit bien libre. Que toutes deux se soutiennent, il est vrai ; mais inégalement. L'une se passe fort bien de l'autre, — qui est la religion. La morale ne lui rendra pas la pareille : elle ne peut. C'est à la vie même que se lie la religion ; elle procède de l'instinct le plus radical dans l'homme, le désir de vivre. » Dès ce texte, on sent bien, même s'il n'est jamais cité, que la pensée de Nietzsche se trouve en toile de fond et qu'il l'a parfaitement assimilée, tout en s'en détachant. La morale est une question de volonté, elle procède de la religion au sens large, le désir qui se fait volonté ; et la morale publique est toujours imposée par la volonté du plus fort (ou du groupe le plus fort, puisque Suarès considère que la démocratie est une religion), mais ce qui prime c'est toujours l'amour qui passe par la douleur et se transforme en charité. On pourrait dire d'une certaine façon que Suarès fait un aller-retour dans l'au-delà du bien et du mal.
« En Dostoïevski, j'admire un Nietzsche racheté », écrit-il à la fin du dernier texte consacré à l'auteur russe. Là aussi, un admirable texte ; on ne saurait plus joliment résumer ce que l'on ressent après une visite dans l'univers de Dostoïevski que le fait Suarès en une phrase : « J'ai vécu avec lui dans la ville ardente et morne, où les ivrognes et les mystiques se donnent le bras, où de funèbres hypocrites baisent aux lèvres des rebelles candides ; où la pire corruption, qui est triste, engraisse de son fumier l'innocence subtile ; où la luxure est un raisin à pépins de remords, et où les vierges ont une odeur qui tente le péché. » Suarès connait bien mieux les auteurs dont il parle que moi, mais je suis à peu près certain qu'il n'écrit pas de bêtises ou d'approximations. On peut faire confiance à sa lecture personnelle, qui n'efface rien des auteurs et ne ment pas. Une seule chose m'a ennuyé, une extrapolation sur la vie intime de Dostoïevski. Il rechigne un peu à le dire mais il finit quand même par lâcher le morceau : il pense que Dostoïevski a eu une relation pédophile, à cause de sa vénération de l'innocence et du mystérieux remords qui imprègne toute son oeuvre. Je n'aime pas beaucoup ce genre d'extrapolation, et j'aurais tendance à croire que les choses sont moins singulières ; il en faut peu pour faire un grand remords, un remords sincère c'est comme être accablé de tous les péchés du monde.
Mais s'il y a une qualité que Suarès donne en partage à ces trois auteurs c'est la passion. Pascal est un passionné de Dieu, Ibsen un passionné de morale et Dostoïevski un passionné de la vie. Il faut de la passion dans la vie. Comme dirait Baudelaire : « Enivrez-vous sans cesse ! de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »

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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le mystère de l'amour est celui de la douleur même. Je ne crois que les amours souffrantes. La douleur n'est pas la maladie : la douleur est un enrichissement. Psyché n'aurait pas perdu son Dieu, si elle l'avait réveillé dans l'insomnie de la peine, et non dans le sommeil du plaisir. Moins la douleur, l'amour n'est que l'ombre de lui-même. Les Anciens ignoraient la douleur, puisqu'ils croyaient la vaincre. Et nous, nous devons la sauver. La douleur n'est point le lieu de notre désir, mais celui de notre certitude. Les Anciens sont trop charnels. Je ne prétends pas que nous devions faire élection de la douleur. Tant s'en faut, qu'on doit tout faire pour s'en tirer. Mais il faut la connaître. L'homme véritable n'est pas le maître de sa douleur, ni le fuyard, ni l'esclave : il en doit être le sauveur.
Sur la passion chrétienne qui a tant donné d'échos et de profondeur à la vie, c'est à nous d'élever une vie nouvelle. La grandeur seule en fera la joie. Car, où est la vie, est aussi la joie, même dans les supplices. Vivre, c'est avoir joie, à quelque prix que ce soit. Ni la grandeur, ni la beauté ne sont valables sans souffrance. Ainsi l'homme ne va plus sans une tristesse intérieure, qui donne du prix à tout ce qu'il sent comme la rosée des larmes à un merveilleux visage.
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Je ne dis rien de l'objet de la foi ; l'objet y importe beaucoup moins que la foi même. L'essentiel est que vous ne vous passiez point de foi, et qu'enfin vous y pensiez. Sans la foi, qui oblige le coeur, il faut perdre la vie ou la raison : on ne peut les borner à la prison de la pourriture charnelle. Il est insupportable de voir cette foule d'hommes s'accoutumer à ne rien être qu'un peu de chair qui pourrit sur pied : je l'entends tout ensemble des dévots sans coeur, et des athées sans âmes ; ils ne diffèrent pas plus qu'ils ne se ressemblent. Qu'y a-t-il où la foi n'est point ? - Des miettes de moi, sous la table de la vie. Entre la foi qui nie et la foi qui affirme, pour les âmes fortes il n'est pas de milieu. Entre Dieu et le néant, c'est un abîme immense, dont le fond est unique, et qui offre, de loin en loin, des bords opposés à des étages divers : ou l'on va au fond, ou l'on se tient sur une de ces pointes. Les âmes nulles peuvent seules flotter dans le vide intermédiaire ; et pour légères que soient ces plumes, elles finissent par s'accrocher au bord, ou bien par tomber.
[Propos de M. de Séipse, personnage de Suarès]
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Plus l'homme est heureux, plus il lui est facile de mourir. Heureux et confiant, cet homme est un enfant qui joue : il ne croit pas à sa mort ; il ne la pense même pas. Il ne croit qu'à l'instant ; et tout instant est vie. Etrange ironie que plus on ait de bonheur, et moins l'on se sente.
L'homme tout en soi, jusque dans l'excès de la joie, médite continuellement la mort. Ainsi il ne peut la souffrir. L'ombre seule, le soupçon, le nom lui en est horrible. La lumière du jour en est obscurcie ; le soleil en est éteint à midi. La pensée cruelle frappe soudain au cœur, besaiguë affilée qui, après avoir tranché dans le vif de l'espérance ; transperce le sentiment même de la possession. L'homme de foi joue au soleil, dans la pleine nuit. Je ne sais point ce qu'elle est, ni où elle se fonde, cette religion : mais certes elle est une bonne lumière pour une foule d'hommes. Elle ôte toute créance à la mort. Je juge de la foi là-dessus. Elle rassure l'agonie, comme une mère apaise la nausée d'un enfant qu'elle purge.
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Une femme va-t-elle se plaindre d'être la poupée de l'homme, en rougir et s'en révolter ? Mais que croit-elle qu'il soit ? L'homme est la poupée du destin. Et sans aller jusque-là, le fantoche de la cité, le pantin aux mille idoles froides, qu'il appelle ses idées quand il les vante, et ses lois quand il les hait. O vanité infinie des automates : cassant un ressort, ou changeant un rouage, ils croient changer de nature. On ne peut rien exiger d'un autre être que l'amour. Aimer, tout est là. Qui est aimé est redevable infiniment à l'amour. Et plus encore s'il se peut, qui aime. On vous aimait, poupées, et vous aimiez jusque-là. Voici que vous vous rendez haïssables.
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Les professeurs de morale n'ont pas l'autorité. Et plus ils se fondent sur la raison, plus ils décrient la raison. Ce sont des prêtres sans dieu et sans église : qui les croira ? Leur tempérament fait leur seul principe ; le tempérament contraire le nie, avec le même droit. C'est la morale qui envenime l'anarchie, parce qu'elle la fait passer dans la pratique. A Athènes, à Florence, même à Paris, personne ne croit les sceptiques ; ils ne s'en croient pas eux-mêmes ; on les voit jouir de la
vie au soleil. Mais, dans le Nord, la gravité, la propre pureté distille son poison dans l'épais contentement de la vertu. La morale parait toujours croyable, et prête son air à tout. Si l'esprit est le prince de l'anarchie, c'est qu'il se couronne de morale.
Plus rebelle à toute loi que personne, plus avide d'être libre et plus féru de morale, tel est Ibsen dans son fond.
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Vidéo de André Suarès
CHAPITRES : 0:00 - Titre
A : 0:06 - ACTE - Jacques Deval 0:16 - ACTION - Sacha Guitry 0:28 - ADMIRATION - Comtesse Diane 0:38 - ADULTÈRE - Daniel Darc 0:59 - ÂGE - Fabrice Carré 1:08 - AMI - Jean Paulhan 1:18 - AMIS - Madame du Deffand 1:30 - AMOUR - André Birabeau 1:40 - AMOUR - Madeleine de Scudéry 1:51 - AMOUR DES FEMMES - Edmond Jaloux 2:03 - AMOUR ET FEMMES - Paul Géraldy 2:16 - AMUSEMENT - Jean Delacour 2:36 - ANIMAL - André Suarès 2:47 - APPARENCE - Nathalie Clifford-Barney 2:57 - ARGUMENT - Léonce Bourliaguet 3:07 - AVARICE - Abel Bonnard 3:19 - AVENIR - Gustave Flaubert 3:28 - AVIS - Marie d'Arconville
B : 3:37 - BAISER - Tristan Bernard 3:49 - BEAUTÉ - Fontenelle 4:00 - BÊTISE - Valtour 4:13 - BIBLIOTHÈQUE - André de Prémontval 4:24 - BLASÉ - Louise-Victorine Ackermann 4:35 - BONHEUR - Henri Barbusse 4:45 - BUT - Richelieu
C : 4:54 - CAPITAL - Auguste Detoeuf 5:10 - CERVEAU - Charles d'Ollone 5:20 - CHANCE - Pierre Aguétant 5:31 - COMPRENDRE - Charles Ferdinand Ramuz 5:42 - CONSEIL - Maurice Garçot
5:55 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jacques Deval : http://www.lepetitcelinien.com/2013/06/lettre-inedite-louis-ferdinand-celine-jacques-deval.html Sacha Guitry : https://de.wikipedia.org/wiki/Sacha_Guitry#/media/Datei:Sacha_Guitry_1931_(2).jp Comtesse Diane : https://www.babelio.com/auteur/Marie-Josephine-de-Suin-dite-Comtesse-Diane/303306 Jean Paulhan : https://jeanpaulhan-sljp.fr/ Madame du Deffand : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand#/media/Fichier:Mme_du_Deffant_CIPA0635.jpg André Birabeau : https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Birabeau#/media/Fichier:André_Birabeau_1938.jpg Madeleine de Scudéry : https://www.posterazzi.com/madeleine-de-scudery-n-1607-1701-french-poet-and-novelist-wood-engraving-19th-century-after-a-painting-by-elizabeth-cheron-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0078786/ Edmond Jaloux : https://excerpts.numilog.com/books/9791037103666.pdf Paul Géraldy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Géraldy#/media/Fichier:Paul_Géraldy_by_André_Taponier.jpg André Suarès : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/divers-litterature/suares-correspondance-1904-1938-1951-79921 Nathalie Clifford-Barney : https://www.amazon.fr/Eparpillements-Natalie-Clifford-Barney/dp/B081KQLJ87 Léonce Bourliaguet : https://www.babelio.com/auteur/Leonce-Bourliaguet/123718/photos Abel Bonnard : https://twitter.com/wrathofgnon/status/840114996193329153 Gustave Flaubert : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ea/
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