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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A la question : est-ce que la littérature peut transformer le monde, nos mentalités et impacter notre société, je réponds "Les Mystères de Paris" d'Eugène Sue.
Je ne vais pas m'appesantir sur la trame de l'histoire que nous connaissons toutes et tous dans les grandes lignes et qui nous embarque encore tout autant, toutes ces décennies passées. J'avais en mémoire des souvenirs d'enfance de la série télévisée : Fleur de Marie dite la Goualeuse, Monsieur Rodolphe, le chourineur et surtout... La Chouette, personnage qui m'a valu quelques cauchemars à l'époque. Et c'est donc avec grand plaisir que j'ai découvert les multiples rebondissements et surtout la fin de cette histoire.

Par contre je souhaiterai pouvoir vous faire partager mon admiration pour tout ce qui tient "aux à-côtés" de cette histoire romanesque :
Dans un premier temps, Eugène Sue n'était pas convaincu par l'idée d'écrire sur le peuple (conseil que lui avait donné un ami). L'auteur est à l'époque un dandy de bonne famille, plus prompt à briller sur les bancs de la bonne société qu'à s'apitoyer sur les malheurs des gueux. Pas plus "emballé" que cela, il "descend" dans les basfonds de Paris et assiste à une rixe qui sera sa première source d'inspiration. Puis, il décide, contre l'avis de son éditeur, de répondre à l'offre de publication sous forme de feuilleton dans le journal des débats.

C'est un succès fulgurant : les gens de tous milieux font la queue pour acheter le dernier numéro et connaître la suite des aventures de la Goualeuse, de Rodolphe et du chourineur. Les malades s'accrochent à leur paillasse pour ne pas trépasser avant la fin de l'histoire, les illettrés quémandent à de bonnes âmes la lecture des épisodes... et la chambre des députés débat de façon houleuse des faits relatés par Eugène Sue et de ses propositions "scandaleuses" pour améliorer le sort des gueux, mais néanmoins honnêtes gens, qu'il soutient à grand renfort d'exemples et de comparaisons avec nos voisins européens, de théories scientifiques et ... de bon sens. Certaines les ont fait rire aux éclats, paraît-il...

A partir de là, c'est un engrenage qui va métamorphoser l'auteur et va contraindre les dirigeants de la France du XIXième à un débat dont ils se seraient bien passés...
Et tout cela se ressent au fil de la lecture. On sent cet investissement croissant, cet intérêt qui émerge pour "ces pauvres gens". D'un début somme toute, légèrement voyeur et divertissant, on approche petit à petit de la dénonciation de l'oppression des classes aisées et le social, la justice et l'équité montrent leur nez au détour des pages.
Eugène Sue "sort son drapeau rouge" et force les classes dirigeantes à poser les yeux là où l'indifférence, le dégoût et la supériorité de leur position les y détournaient...

Tout y passe :
- le système judiciaire et la mise en question de la peine de mort et de son utilité
- la pauvreté extrême des travailleurs qui face au moindre incident de la vie (chômage, maladie, ..) se voient pousser au crime pour survivre
- la condition des femmes à la merci des maris et des pères qui pouvaient à leur guise et en toute impunité les envoyer sur le trottoir après les avoir inscrites sur le livre de police
- le sort des malades dans les hôpitaux publics, plus cobayes soumis aux recherches de la médecine, que patients
- l'abandon des malades mentaux dans les mouroirs où on les enfermait
- ...
La liste est encore longue, je m'arrêterai donc là.

Eugène Sue ne fait pas que dénoncer : Il réfléchit aux solutions envisageables. Il se documente. Il interroge les spécialistes : médecins, juristes... Il propose des lois.
L'auteur livre au débat publique et au jugement populaire les grands faits sociaux et les questions éthiques de son époque et leurs solutions possibles. Un lanceur d'alertes, dirions-nous aujourd'hui ?

Justement, il est frappant de s'apercevoir que bon nombre de maux qui empoisonnaient les gens et la société de son époque sont encore présents et font toujours débat.
L'être humain n'est encore pas au centre des préoccupations des dirigeants de notre société. Il est toujours relégué derrière les intérêts financiers, gouvernementaux (puissance et pouvoir) de quelques uns au détriment de tous les autres. Est-ce une fatalité ? La démocratie participative, un mythe ?
Est-que tout cela n'est qu'une grande farce ? Un grand théâtre "où des idiots dirigent des aveugles" et nous, pauvres fous, nous y croyons ?
Tel ce magistrat du parquet de Toulouse écrivant à Eugène Sue "Continuez, monsieur, à faire servir votre voix puissante à signaler d'aussi déplorables lacunes dans notre législation : il est impossible qu'elle ne soit pas enfin entendue de nos législateurs."

Je vais ranger "mon drapeau qui n'a de rouge que le nom" et espérer vous avoir donner l'envie de vous plonger dans cette oeuvre d'une puissance de peu d'équivalence.
Quels auteurs soulèvent aujourd'hui des vérités qui dérangent et lancent à ce point des débats sociétaux d'une telle force ?
J'ai en tête certains noms. Plutôt des journalistes. Des poètes. Où sont les philosophes ? Et pour les romanciers ?
Qu'en pensez-vous, si vous êtes arrivés jusqu'au bout de cette encore fort (trop) longue chronique ?
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Quel grand livre ! Par la taille, certes, avec ses 1300 pages dans l'édition Bouquins, mais aussi et surtout par sa qualité ! Je me suis régalée tout du long et ne remercierai jamais assez Dixie pour ce conseil de lecture.

C'est d'abord l'histoire qui m'a séduite, en bonne grisette que je suis. La Goualeuse alias Fleur-de-Marie, le Chourineur, Monsieur Rodolphe alias le Prince de Gerolstein, la fantastique Louve, la gentille Rigolette, l'horrible notaire Ferrand, les effrayants Martial, les comiques concierges Pipolet... Je n'en connaissais aucun, n'ayant jamais étudié le feuilleton ou vu la série TV, et pourtant ils m'ont accompagnée toutes mes vacances.

Impatiente de découvrir la suite de leurs aventures après chaque interruption, j'ai souvent pensé aux grandes sagas d'Alexandre Dumas, et bien compris pourquoi les lecteurs du XIXè protestaient tant lorsque le Journal des Débats arrêtait le feuilleton pendant quelques jours.

Bien sûr, certains éléments sont assez datés. Je pense notamment aux princesses qui doivent absolument être différentes des autres femmes, plus éthérées, sans arrêt défaillantes, évanouies ou larmoyantes... Je pense aussi à la punition qu'imagine Eugène Sue pour remplacer la peine de mort : l'aveuglement, rien que ça. Ou même à ce paternalisme sous-jacent qui laisse entendre que les petits ne sont rien sans un puissant bienveillant pour veiller sur eux.

Cela dit, si ces éléments semblent datés, c'est bien parce que Les mystères de Paris sont un miroir fidèle de la France du milieu du XIXè, particulièrement de celle des classes pauvres. Un miroir, et même au-delà, un plaidoyer pour une réforme de la société dans son ensemble. Travailleurs misérables, prisonniers, malades ou aliénés, orphelins, malheureux vertueux, Eugène Sue a étudié leurs conditions de vie et fait des propositions concrètes d'amélioration, comme cette banque des pauvres, ces fermes modèles ou ce droit au divorce pour les femmes bafouées.

Pas étonnant que le livre ait fait débat, dans les cafés comme à l'Assemblée Nationale, tant son message est révolutionnaire et moderne : il défend des valeurs d'humanisme, de tolérance, de non-racisme, de justice sociale, de droits des femmes et des faibles. Dommage qu'il ne soit plus beaucoup lu aujourd'hui, car il est immensément riche et captivant. J'espère donner envie à d'autres...

Challenge XIX 6/xx et challenge Pavés 2015/2016 : 2 et 3/xx
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Il existe deux types de lecteurs : ceux qui ont lu les Mystères de Paris et les autres.
Cette oeuvre est bien plus qu'un simple livre, qu'une aventure que la quintessence du roman feuilleton. Cette chronique est une certaine manière de voir la société parisienne du XIXème siècle. Bien vite l'objet est dépassé. Non, il n'est pas simplement question des classes dangereuses chères à Louis Chevalier. le monde ouvrier (de toute époque) trouve ici un manifeste en faveur de sa réhabilitation. Car Eugène Sue livre certes une histoire unique mais celle-ci laisse progressivement la place à un pamphlet. Des nombreuses idées qu'il développe, certaines ont vu le jour et d'autres non. Celles-là restent toutefois solidement ancrées dans les représentations des temps actuels (condamner les méchants, récompenser les bons citoyen pour ne citer que cette arlésienne). Ne serait-ce que pour les leçons de morale, l'oeuvre conserve une actualité troublante, dérangeante même.
Le scénario est certes long mais il se suit avec plaisir. Certains passages sont certes un peu ardus et guère passionnants, mais ils sont bien vite oubliés, sans doute car ils sont peu nombreux. La modernité du style de Sue étonne encore. Quelle prétention (et quelle leçon) pour le lecteur contemporain que de découvrir un style qui emprunte moins à cette manie du détail (chère au couple Dumas – Naquet) qu'aux prémices du thriller : les derniers chapitres (bien plus que les premiers bien plus souvent cités pour leur modernité) sont difficiles à quitter.
Les rebondissements, surprises sont légions. Les personnages sont tous attachants et ont marqué la littérature (Rodolphe, Fleur-de-Marie). Ceux-ci sont nombreux mais étrangement ils semblent tous graviter au sein d'un même cycle. de Paris il n'est pas vraiment question. Certes la ville sert d'écrin, l'emprise des rues, des murs, des maisons, des quartiers est omniprésente, mais elle n'occulte jamais le sujet principal. Celui-ci est et demeure le mode de vie des classes pauvres.
Le nombre de pages, l'aspect d'un apparent monolithique ne doivent aujourd'hui être compris que comme autant de défis et donc autant d'invitations à découvrir un oeuvre majeure de la littérature française.
Lien : http://kriticon.over-blog.co..
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Il est impossible de résumer cette histoire ! Les personnages sont innombrables et tous entretiennent des liens connus ou inconnus les uns avec les autres. Les enfants perdus sont retrouvés, les amours malheureuses ont des dénouements charmants et la justice, toujours, abat son glaive aveugle sur la population. le récit nous transporte des ruelles les plus sordides de Paris aux salons des plus beaux immeubles particuliers, en passant par les riantes campagnes de province et les sinistres cours des prisons de la capitale. « Le lecteur, prévenu de l'excursion que nous lui proposons d'entreprendre parmi les naturels de cette race infernale qui peuple les prisons, les bagnes, et dont le sang rougit les échafauds... le lecteur voudra peut-être bien nous suivre. Sans doute cette investigation sera nouvelle pour lui ; hâtons-nous de l'avertir d'abord que, s'il passe d'abord le pied sur le dernier échelon de l'échelle sociale, à mesure que le récit marchera, l'atmosphère s'épurera de plus en plus. » (p. 37) Je ne cite qu'un lieu en particulier, le Lapin-Blanc, bouge infâme où commencent les aventures rocambolesques de Rodolphe, Fleur-de-Marie, Chourineur, La Chouette, Rigolette, le couple Pipelet et de tant d'autres figures mémorables.

Eugène Sue, en plus de mille pages, a écrit un roman d'édification morale où il défend ses positions en faveur de l'éducation du peuple et contre la peine de mort. Les bons et les repentants sont récompensés et les méchants et les récidivistes sont châtiés : le manichéisme est simple. « J'ai presque toujours eu le bonheur de voir punir, oh ! cruellement punir les méchants que je connaissais. » (p. 386) Il faut évidemment lire cette oeuvre dans son contexte : le paternalisme du riche envers le pauvre méritant est assez indigeste vu de notre époque, tout comme la notion de pureté sans cesse attachée ou arrachée aux pas des jeunes filles. L'auteur montre avec force détails que les manigances de la haute société n'ont rien à envier aux vilaines moeurs des bas-fonds. La vertu existe chez les miséreux, tout autant que l'abjection dans la société noble. Être bien né ne suffit pas si cette supériorité sociale n'est pas également une supériorité morale. Là encore, rendons à Eugène ce qui appartient au 19e siècle bourgeois, à savoir une certaine idée que la pauvreté est choisie et qu'il ne tient qu'à l'indigent d'en sortir, à force de travail et de sacrifice. C'est étrange, le discours me semble très actuel dans certains rangs de la droite rance...

La figure centrale est évidemment celle de Rodolphe, altesse richissime qui prodigue ses largesses aux pauvres qu'il juge dignes de son intérêt et de sa miséricorde. « Rodolphe sentait qu'il y avait quelque chose de solennel, d'auguste, dans cette espèce de rédemption d'une âme arrachée au vice. » (p. 114) Avec son goût du travestissement, de la dissimulation et des intrigues, ce personnage préfigure un peu les super-héros des comics. Rodolphe, c'est un peu Bruce Wayne/Batman, aussi à l'aise en société que dans les vapeurs morbides de Gotham/Paname.

Eugène Sue maîtrise à merveille les codes du roman-feuilleton : les péripéties ne manquent pas, chacune plus improbable que la précédente ! Et il faut admettre que Paris est bien petit, et pas uniquement pour ceux qui s'aiment d'un si grand amour : c'est à croire qu'il n'y a qu'un notaire à qui toute la bonne société se réfère et que le 17 rue Du Temple est the place to be. Lisez et vous comprendrez ! Évidemment, pour ménager ses effets et combler/frustrer l'attente avide de ses lecteur·ices, Eugène Sue se plaît à laisser en fâcheuse posture un personnage pour aller suivre les déboires d'un autre. « Les exigences de ce récit multiple, malheureusement trop varié dans son unité, nous forcent de passer incessamment d'un personnage à un autre, afin de faire, autant qu'il est en nous, marcher et progresser l'intérêt général de l'oeuvre. » (p. 362 & 363) Aujourd'hui, nous attendons fébrilement l'épisode suivant de la série télévisée du moment : j'imagine que l'impatience était la même quand il fallait attendre la parution du prochain numéro du journal pour avoir sa dose d'aventures !

J'avais lu cet énorme roman quand j'étais très jeune adolescente et j'en gardais un souvenir puissant et enchanteur. Ma relecture est à la hauteur de ma première découverte : j'ai évidemment anticipé certains retournements de situation, pas tant parce que je me les rappelais, mais parce que les ficelles sont assez grosses pour comprendre ce qui va suivre. Pour autant, cela n'a pas diminué mon plaisir. Pendant 12 jours, j'ai replongé dans cette histoire ébouriffante et j'en sors un peu tris
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Voilà au moins une lecture avec sa petite histoire car il faut avouer que, n'ayant jamais entendu parler d'Eugène Sue et encore moins des "Mystères", la probabilité pour qu'un jour je prenne le temps (car il en faut pour lire cette somme!!) d'ouvrir ce gros pavé était faible...
Or, en habitant momentanément Paris 18ème, je passais régulièrement rue Eugène Sue pour aller prendre mon métro mais Paris étant une ville où tant de noms plus ou moins connus ornent ses rues, je ne me suis pas fait plus curieuse que je ne suis.
Et c'est en flânant au gré des rayons de ma bibliothèque municipale 2 ans plus tard que mes yeux s'arrêtent sur un gros livre "Les mystères de Paris" d'Eugène Sue! Là, ma curiosité est alors piquée et me voilà me plongeant avec enthousiasme dans cet énorme volume aux feuilles papier cigarette!!
Et là, un bonheur, oui, vraiment, un régal que toutes ces lignes révélant tout ce qui fait le charme de Paris au XIXème siècle, le côté mystérieux, intrigant, le non-dits, les histoires de vies, des personnages pittoresques, dépeins par un auteur génial qui nous fait suivre leurs aventures heureuses et malheureuses, dans un style et un vocabulaire fantastique, qui interpelle le lecteur (c'est un feuilleton à la base) et surtout qui ménage tout le long de ces plus de 1300 pages suspense et rebondissements dont tous les personnages vont être acteurs ou témoins car tous se croiseront à un moment donné, ou se frôleront, ou agiront ou subiront les actes des uns et des autres. Et nous, lecteurs, nous souriront, auront un voile de tristesse, nous attendrirons, nous énerverons au fil de toutes ces aventures car obligés de lire encore et encore pour connaitre le fin mot de l'histoire!!
La caractéristique également de cette oeuvre est qu'elle sert de tribune à l'auteur pour faire passer des sujets de société au premier plan et interpeler le lecteur sur cela. En effet, Eugène Sue traite de la peine de mort, de l'univers carcéral, de l'état et le traitement réservé à la population miséreuse mais laborieuse par les institutions, la bourgeoisie et les aristocrate, etc. Ainsi, un certain nombre de sujets sociétaux sont abordés et donnent une dimension autre que purement littéraire de l'oeuvre.
Alors certes, j'ai mis du temps à le lire mais j'ai trouvé toujours le plaisir d'y retourner pour avancer de centaines de pages en centaines de pages et je le conseille à toutes et tous!!!!
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Si les sondages avaient existé en 1842 -1843, lors de la parution des « Mystères de Paris » d'abord en feuilleton dans « Le Journal des débats » puis en volumes (le pluriel est de rigueur), il est probable que le top 50 de l'époque aurait été pulvérisé : le succès a été phénoménal tout au long du XIXème siècle, et dans une bonne partie du XXème, avant d'être sanctuarisé comme oeuvre littéraire majeure (toujours pas par la Pléiade, par exemple, mais il est vrai qu'il est en bonne compagnie dans le Purgatoire avec Thomas Mann, John Steinbeck – il paraît qu'il arrive… à pas mesurés ! -, John Dos Passos, le Pirandello des nouvelles, etc.).
« Les Mystères de Paris » tous les grands auteurs romantiques l'ont lu… et adoré. Ce n'est pas étonnant, rien de plus romantique que ce roman : priorité aux sentiments, personnages manichéens et attachants, décors fantastiques qui font réellement partie de l'histoire… Ce que l'auteur apporte de nouveau, c'est cette dimension sociale et politique (que reprendront entre autres Victor Hugo et surtout George Sand – et après eux Emile Zola, bien entendu). L'autre innovation qui accompagne ce roman, c'est bien sûr le format du roman -feuilleton : il permet d'apporter l'oeuvre au plus bas des couches sociales, comme au plus haut des classes nobles, accentuant ainsi une « conscience » politique, qui jusque-là se cantonnait aux lecteurs aisés qui pouvaient acheter les livres.
Raconter toutes les péripéties qui couvrent ces 1360 pages (dans cette excellente édition Bouquins, préfacée par Armand Lanoux et annotée par Francis Lacassin) constituent une gageure que je ne pourrai honorer dans le cadre de cette humble chronique. Sachez simplement que l'histoire est « mystérieuse » et qu'elle se passe à « Paris ». Paris est le principal personnage du roman : avec ses maisons bourgeoises et ses bas-fonds, ses couloirs sordides, ses égouts, ses tripots mal famés. Paris, « ville-foule, ville-château, mais aussi ville-cancer qui attire et qui dévore, use, corrompt, ouvrant à la fois toutes les avenues du pouvoir et tous les chemins de la perdition » (Jean-Louis Bory). Il aurait pu ajouter, pour faire bonne mesure : … et tous les chemins de l'amour. L'autre grand personnage c'est Rodolphe : une espèce de demi-dieu, il a toutes les qualités, il est surtout généreux, au point de cacher sa véritable identité (il est grand-duc de Gérolstein) pour venir en aide aux pauvres gens. Autour de lui évolue une nuée de personnages sympathiques (Fleur de Marie, le Chourineur), pas sympathiques (le Maître d'école, la Chouette), pittoresques (les Pipelet) et beaucoup d'autres. Côté nobles et bourgeois, l'intérêt pour les classes inférieures n'est pas à l'ordre du jour.
« Les mystères de Paris » représentent donc un moment-phare dans l'histoire de la littérature, et plus encore dans l'histoire du roman. le plus curieux dans l'histoire, c'est que l'auteur en a été le premier surpris : en écrivant le premier chapitre, pour répondre à une commande, il pensait faire un ou deux volumes. Il n'avait pas vraiment de conscience politique ou sociale. Au contraire c'était un bourgeois dandy, qui n'avait pas d'autre ambition que « paraître ». le succès inattendu l'a obligé à orienter un peu son oeuvre, pour en faire finalement le chef-d'oeuvre que l'on sait.
Certes c'est une mythologie bien typée, celle des bas-fonds, des malfrats, des apaches… Mais elle a fait école : Beaucoup d'écrivains se sont engouffrés dans ce créneau : on a eu ainsi les « Mystères de Londres » (Paul Féval), les « Mystères de Marseille » (Emile Zola), les mystères d'un peu partout dans le monde, si ça se trouve il y a peut-être les « Mystères près-de-chez-vous » (s'ils n'existent pas encore, lancez-vous, écrivez-les !)



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plongez au coeur de Paris et de ses entrailles mais aussi au coeur d'une époque , la première moitié du 19ème siècle. Eugène Sue à utilisé le roman, la fiction, pour nous livrer une oeuvre très réaliste, un commentaire sociale précieux sur ceux qui ne sont pas dans la lumière. Précurseur de Zola et de tant d'autres, je recommande ce livre qui se lit ... comme un roman feuilleton.
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Un régal de lecture: 1300 pages remarquables avec rebondissements, personnages incroyables, descriptions et récits puissants. Sont vite oubliées les longueurs de ce type de texte. La plongée dans le Paris du milieu du XIXe est tellement forte que les personnages ne pourront être oubliés.
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Un livre fleuve

Vous savez, avant, on lisait des épisodes dans des journaux. Toutes les semaines. Et puis bout à bout, cela faisait un gros livre. Et bien pour moi, les mystères de Paris, c'est entre la lecture de Notre dame de Paris et mes épisodes. Aussi, pour le lire, je l'ai mis sur mon téléphone portable et j'ai lu un bout par ci, un bout par là.

Et je dois dire que c'est un rare des romans qui vous fait apprécier le Paris. C'est le Paris du XIX eme, où se mélangent les bourgeois et les gens en marge. On se surprend à se demander où commence la ville, où elle se termine, qui fait le bien, qui fait le mal.....


Une plongée dans le passé

Au travers des gens que vous découvrirez dans ce long livre, vous découvrirez toutes les sociétés de Paris. C'est, mine de rien, un formidable mine historique où vous apprendrez comment les gens vivaient, comment ils pensaient, ce qu'il se passait dans les rues.

En bref, c'était superbe de lire ce roman, même si cela m'a pris une petite année, de petits bouts en petits bouts. Cela avait un petit goût d'histoire sans fin, de voyage dans l'espace et le temps. Si jamais l'envie vous prenait de voyager tout en restant chez vous, de vous inspirer aussi, prenez ce petit pavé.
Lien : http://labibliodekoko.blogsp..
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«Il y a dans Les Mystères de Paris une énergie sauvage : celle d'une cohorte de personnages maléfiques, malfrats hideux comme la Chouette, Tortillard – un anti-Gavroche –, le Maître d'école ou Bras-Rouge, criminels du grand monde comme le comte de Saint-Remy, monstres hypocrites comme le notaire Jacques Ferrand. Eugène Sue n'est pas avare de noirceur. Mais il y a aussi une sauvagerie du Bien, celle de Rodolphe, prince mélancolique venu à Paris à la recherche de sa fille perdue, impitoyable avec les méchants qu'il punit au mépris des lois… le roman exprime dans son ensemble une quête assoiffée de régénération morale de la société, par l'amélioration des mécanismes préventifs et répressifs – c'est le sens de l'engagement de Sue en faveur de l'encellulement des criminels – ainsi que par l'invention de mécanismes d'incitation au Bien, police ou tribunal de la Vertu, qui doivent récompenser publiquement les actions exemplaires.»
Judith Lyon-Caen.
.
. Voici un classique de la littérature française dont on parle moins souvent éclipsé par d'autres grands auteurs du XIX ème siècle: Dumas, Balzac, Stendhal, Zola, Hugo, Sand… On oublie souvent Eugène Sue. Et pourtant l'intrigue est prenante, pleine de rebondissements dans ce Paris mystérieux, on avance vite, on tourne les pages « Le livre inaugure aussi un genre qui deviendra plus tard le feuilleton radiophonique ou télévisuel, une oeuvre de fiction à destination des masses, stimulant l'imaginaire collectif », ces histoires étaient publiées en feuilleton dans le Journal des débats. Vous vous trouverez entre le roman social et le roman d'aventures. Sue prenant clairement position sur divers sujets de société. A découvrir ou redécouvrir! En version audio c'est extra!
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