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Critique de TRIEB


Le titre du roman est fondé sur un jeu de mot : un parfait garçon de café, c'est ce qu'est Ernest, qui travaille dans un grand hôtel en Suisse, à Giessbach. Il y voit défiler une clientèle aisée, cosmopolite, une partie non négligeable de la noblesse, du monde des affaires et de la bourgeoisie dorée, ainsi que des artistes et intellectuels.

Ernest est aussi « un parfait »garçon en ce sens qu'il est homosexuel .Il accueille, en formation, un jeune homme du nom de Jacob Meier, qu'il prend sous sa protection, en tombe éperdument amoureux. Il entretient avec lui des relations suivies, tant sur le plan charnel qu'affectif. La véritable nature de leur relation est subodorée par Mme Adamowicz, chargée de la confection des costumes des employés de l'hôtel, lors de la prise des mesures de l »uniforme de Jacob : « le regard de Jacob par-dessus la tête de la couturière continuait pendant ce temps d'affronter celui d ‘Ernest, mais soudain Ernest rougit .Jacob baissa les yeux, il avait compris. Qu'avait donc compris Jacob qu'il ne sût déjà de longue date ? »

Ernest reçoit au début du roman une correspondance de Jacob, dans laquelle ce dernier lui demande d'intervenir auprès de Julius Klinger pour obtenir de l'aide matérielle.


Julius Klinger est un écrivain en vue, connu dans les années trente, dans cet hôtel de Giessbach. Nous sommes en 1966, trente ans après la liaison de Jacob et d'Ernest, dont nous apprenons à la fin du roman le dénouement : Ernest, ayant surpris dans leur chambre commune, Jacob et Julius Klinger se livrer à une relation sexuelle, dont il apprendra par Julius qu'elle était tarifée, se sent définitivement trahi et meurtri.
Ce roman est très singulier : il décrit admirablement la relation amoureuse entre Ernest et Jacob, sait trouver le ton juste, écartant le voyeurisme facile aussi bien que le graveleux. Nous restons dans l'émotion, dans la loi des sentiments : « Ernest s'habillait, parfois Jacob se réveillait à cette occasion, et il suffisait d'un geste de la main, d'un regard, d'un seul mouvement des paupières, pour qu'Ernest se recouchât auprès de Jacob. »

La technique romanesque de cet ouvrage est également très singulière ; il comporte beaucoup de descriptions, d'évocations, tous très riches, éloquents. La rareté des dialogues entre personnages n'entame pas l'intérêt de la lecture, bien au contraire. Elle nous stimule, nous incite à apprécier plus avant cette étude de la trahison d'un amour, cette radiographie d'une relation amoureuse entre trois hommes : Ernest, Jacob, et Julius Klinger.

Le roman revêt un intérêt sociologique, celui des us et coutumes des clients des grands hôtels des années 30 et des personnels de ces hôtels. Il s'inscrit aussi dans une perspective historique, l'afflux d'une certaine catégorie de clients dans cet hôtel de Giessbach, les réfugiés politiques allemands, étant souligné comme un événement majeur dans la vie de Jacob et d'Ernest puisque Julius Klinger est l'un d'entre eux.
Grand roman, à la forme et à la technique accomplie, tout en subtilité et en finesse. A lire absolument.

Lien : http://www.bretstephan.com
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