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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le sous-titre de ce livre est « Journal intime d'une dame de l'époque victorienne ». C'est un roman surprenant. On s'attend à lire une histoire classique d'ennui conjugal, de tromperie et de procès « en direct ». Il n'en est rien. Kate Summerscale a pris le parti de raconter son histoire comme si un narrateur racontait les faits. On assiste au déroulement chronologique de sa vie, et de celle des différents protagonistes. le tout est scindé en deux parties, elles-mêmes découpées en chapitres. La seconde partie est celle qui relate effectivement le procès en divorce.

Mais la singularité et l'intérêt de ce livre ne s'arrêtent pas là. L'auteur nous fait traverser une page de l'histoire britannique concernant, non seulement le divorce et la condition féminine, mais également l'évolution de la science, la littérature et l'impact des auteurs sur les consciences.

La situation des femmes au 19ème siècle n'était pas enviable. On leur prêtait toutes les folies et tous les dérèglements. Elles n'avaient aucune existence juridique, les hommes avaient tous pouvoirs sur elles, et la sexualité, au centre de nombre de préoccupations, était stigmatisée comme le Vice absolu.

Kate Summerscale, dans une écriture fluide, nous fournit un récit complet, dense et documenté sur les moeurs de l'époque, avec pour point central les débuts de la procédure de divorce, détachée de l'influence de l'Eglise.

Les tâtonnements juridiques, les ignominies faites aux femmes sont rigoureusement argumentés.

Je ne peux que vous conseiller ce livre.
Lien : http://chroniqueslitteraires..
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La déchéance de Mrs Robinson est un pur bonheur de lecture, mêlant connaissances historiques, sociologiques et anthropologiques.
Il m'est difficile de parler de cet ouvrage tant ses apports sont multiples. Bon allez je me lance.
En premier lieu, l'auteur en choisissant de nous relater cette tranche de vie, nous montre combien il est difficile d'être une femme au 19ième siècle et ce même au sein de la bourgeoisie. Les femmes sensibles aux lettres, et à la politique ont alors ce côté indépendant quelque part déplaisant. Après tout quel meilleur rôle peut jouer une femme que celui d'épouse aimante, soumise et surtout dévouée à ses enfants.
Ensuite l'auteur aborde le thème de la sexualité et nous fait constater combien au cours du 19ième siècle la phrénologie avait voie au chapitre en la matière. Ainsi une femme aux pulsions quelques peu comment dire affirmées avait un crâne répondant à des formes spécifiques. Pour m'être intéressée de près à la naissance de la police judiciaire, et pour avoir de manière modeste obtenue quelques informations en matière de phrénologie, je savais qu'il existait des formes de crane spécifiques pour le violeur, le meurtrier ou le voleur mais je ne pensais pas que l'on avait trouvé une forme de crane spécifique pour les nymphomanes. Bon en matière de nymphomanie il faut relativiser, surtout pour ce qui est de notre héroïne qui ne vit que dans le fantasme d'un homme certes viril et sensuel mais surtout aimant et attentionné. Peut on reprocher aux femmes de cette époque d'avoir voulu s'affranchir de la froideur de leurs maris qui ne leur conféraient que le maigre statut de reproductrices et meneuses de foyer.
Un dernier point pour cet ouvrage, j'avoue avoir été surprise de voir à quel point les écrits romantiques d'une femme pouvaient être perçues comme déviants à cette époque. A croire que la seule évocation de sentiments même avec pudeur était de la part d'une femme la caractérisation d'un besoin sexuel refoulé.
En posant cet ouvrage je me dis que nous avons tout de même bien fait avancer la condition féminine, du moins sur le point littéraire.
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Excellente étude, vivante et pertinente. K Summerscale a définitivement un don de narration et de précision.
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En 1844 Isabella Walker, veuve avec un bébé, épouse l'ingénieur Henry Robinson. Elle ne l'aime pas mais il faut bien qu'elle se case, lui s'intéresse surtout à sa dot qui va lui permettre de développer son entreprise. Bien vite Isabella est insatisfaite et malheureuse. Elle s'intéresse à la littérature, à la médecine, sujets qui laissent froid Henry, de surcroit fréquemment absent pour affaires. A Edimbourg où la famille réside, Isabella fréquente les Lane. Edward Lane est un jeune médecin séduisant qui la fait fantasmer. Dans son journal intime elle rapporte leurs rencontres, leurs conversations, les rêves qu'elle fait de lui, ses espoirs que leur amitié évolue puis le premier baiser, la relation intime, enfin. Peu après Henry met la main sur ce journal et va s'en servir pour demander le divorce.

Dans la première partie de son étude Kate Summerscale introduit le lecteur auprès des intellectuels progressistes du milieu du 19° siècle. Dans l'entourage des Lane gravitent en effet Charles Darwin et George Combe, pionnier de la phrénologie en Grande-Bretagne. La phrénologie c'est cette tentative de déduire le caractère des gens d'après la forme de leur crâne. D'après ce que je comprends elle m'apparaît comme un premier pas vers la psychanalyse sauf que les phrénologues sont restés à la surface des choses, si je puis dire, tandis que Freud est allé à l'intérieur. La phrénologie en tout cas a fait perdre la foi à Isabella.

Dans une lettre à Combe elle explique que "les gens comme lui, qui ont accompli de grandes choses, ont la possibilité de "se consoler avec le sentiment de n'avoir pas vécu en vain", mais pour elle et d'innombrables autres femmes, "qui ne font qu'exister sans bruit, qui (pour certaines) élèvent une famille, suivant en cela l'exemple inutile de celles qui les ont précédées, quelle motivation, quelle espérance peut-on trouver, qui soient suffisamment puissantes pour leur permettre de faire face aux épreuves, aux séparations, au grand âge et à la mort même ?"

Malgré tout je constate que la phrénologie de Combe est entachée de préjugés sexistes et racistes. Il pense ainsi que l'amour de l'approbation, bien développé chez Isabella, est une faculté "souvent prononcée chez les femmes, les Français, les chiens, les mulets et les singes."

Dans cette première partie on fait la connaissance d'un autre personnage fort intéressant. Il s'agit de George Drysdale, frère de Mme Lane. A l'âge de 15 ans ce pauvre garçon a découvert fortuitement la masturbation et se masturbe bientôt deux à trois fois par jour. Pour se débarrasser de son "vice" "il subit une série d'opérations destinées à lui cautériser le pénis -c'est-à-dire à en détruire les terminaisons nerveuses en introduisant dans l'urètre une fine tige métallique enduite d'une substance caustique. Il se soumit sept ou huit fois à cette intervention." (Bien que n'étant pas équipée d'un pénis, j'en ai mal pour lui!) George consulte enfin le dr Claude François Lallemand, spécialiste français de la lutte contre l'onanisme qui lui suggère d'essayer le coït. Et ça fonctionne ! George étudie ensuite la médecine et publie des livres dans lesquels il préconise des relations sexuelles épanouissantes pour tous, hommes et femmes et donc l'usage de la contraception. Tout ceci avec pour objectif de lutter contre la masturbation, considérée comme une maladie mentale à cette époque. Encore une fois un mélange d'ouverture d'esprit bienvenue et de résidus du passé.

La deuxième partie présente le déroulement du procès en divorce intenté par Henry Robinson contre son épouse et qui a lieu en 1858. Henry attaque aussi Edward Lane à qui il demande des dommages et intérêts pour adultère. La principale preuve à charge présentée et qui va être disséquée tout au long des audiences est le journal d'Isabella. Pour préserver la réputation d'Edward (à qui des maris confient leur femme en cure d'hydrothérapie) celle-ci et ses avocats adoptent la ligne de défense suivante : il ne s'est rien passé de répréhensible entre Edward et Isabella. le récit qu'elle en fait dans son journal est entièrement fantasmé. Edward et ses soutiens vont s'engouffrer dans cette voie. La déchéance de Mrs Robinson est en marche. Tous ceux avec qui elle discutait littérature ou science, mais qui sont avant tout des amis d'Edward, vont avoir à coeur de se démarquer d'elle pour ne pas être entraînés dans sa chute. Il s'agit de prouver qu'elle est folle et qu'elle l'a toujours été.

"Chacune des actions de Mrs Robinson ne nous laisse le choix qu'entre deux conclusions (...) : ou bien elle est la créature la plus ignoble et débauchée qui revêtit jamais forme féminine, ou bien elle est folle. Dans l'un et l'autre cas, son témoignage est sans valeur." cqfd ! L'hystérie, diagnostique fourre-tout, s'avère bien commode pour réduire au silence une femme qui a eu le culot de vouloir exprimer ses sentiments.

Cette femme intelligente est bafouée de façon scandaleuse. On vient au procès comme on irait au spectacle pour se repaître des "bonnes feuilles" du journal. Il y a là un mélange de voyeurisme et de pudibonderie très hypocrite. Cette société patriarcale qui réprouve tout ce qui peut s'apparenter à une volonté d'autonomie chez une femme est effrayée par celles qui, comme Isabella, n'apparaissent pas entièrement soumises à leur mari.

J'ai trouvé passionnant cet ouvrage qui aborde de nombreux sujets. Ce qui m'a le plus intéressée c'est tout ce qui concerne la sujétion des femmes mariées à leur époux (l'auteur cite aussi d'autres cas de divorces difficiles à cette époque) et les questions de sexualité. J'apprends qu'il y a controverse au sujet de l'usage du spéculum pour les consultations gynécologiques. Peu de médecins l'utilisent par crainte d'exciter leurs patientes qui bientôt ne pourraient plus s'en passer...
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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