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EAN : 9782070362523
160 pages
Gallimard (16/11/1972)
3.91/5   165 notes
Résumé :
Comment s'était formée cette rue flottante ? quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres ? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise, de tuile, ces humbles boutiques immuables ? et ce clocher très ajouré ? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans do... >Voir plus
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Sans doute le livre le plus superbement mélancolique qu'il m'ait jamais été donné de lire. Peut-être n'est-il pas de plus grand écrivain que Supervielle qui soit tombé dans un oubli aussi complet. Il est dur de décrire la subtilité de son écriture, l'étrange ambiance de ces quelques nouvelles, la douceur triste qui habite chacune de ses phrases.

La première histoire, celle qui donne son nom au recueil, en est l'apogée. Une fillette vit seule dans un village au milieu de l'océan. Quand un navire s'approche, elle tombe soudainement endormie, et les maisons plongent sous la mer. Que fait-elle là, toute seule ? de toute sa vie, elle n'a connue que l'immensité de la solitude… Connaitra-t-elle un jour autre chose ? Quel est cet endroit, pourquoi est-elle là ?

Chaque nouvelle développe son étrange atmosphère douce-amère, campe ses personnages acceptant silencieusement leurs destins trop lourds. Celui-ci va même par delà la mort dans ‘Les boiteux du ciel'. Là où ce qui reste des hommes n'est plus qu'ombre au milieu des ombres, croyant mener une vie dans ce qui n'est qu'ombre... Paradoxalement, la plus sombre du recueil et la seule qui se termine sur une note heureuse !

Et au milieu de tout cela une touche de merveilleux presque incongrue, qui révèle une foi profonde et nourrie de la ‘Légende Dorée' chez celui qu'on aurait pu croire athée, au vu de sa description de l'après-mort. C'est la nativité racontée du point de vue du boeuf et de l'âne de la crèche. Un doux moment de beauté et de paix, où le boeuf réchauffe de son souffle l'enfantelet dans la paille… Qu'a-t-il fallut pour que Supervielle chasse la mélancolie qui habite chacune de ses lignes, en dehors de celles-ci ? Un souvenir des Noëls de l'enfance, peut-être…

Peut-être est-ce mieux au fond que Supervielle ne soit pas plus connu. Entendre la presse ou la télévision en parler me donnerait l'impression de voir un ours fouiller dans des dentelles aux fuseaux…
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Une relecture faite avec appréhension, de peur d'être déçue tant j'avais gardé de bonnes impressions de ce texte sans arriver pour autant à me souvenir de quoi que ce soit. Comme il s'agit d'un recueil de nouvelles j'ai choisi de les lire en commençant par la fin, pour lire en dernier la nouvelle titre. En général dans les recueils de nouvelles, c'est la nouvelle titre qui est la meilleure et assez souvent l'éditeur la place en premier. Comme choix éditorial c'est compréhensible (le lecteur est accroché), mais c'est tout de même un peu dommageable pour le lecteur, qui reste sur sa faim, et pour l'auteur parce que le lecteur ne reste pas sur la meilleure impression possible. Ces nouvelles ont ceci de particulier qu'il me semble impossible de les divulgacher car l'essentiel n'est pas du tout dans l'histoire ni vraiment dans sa chute.

«L'enfant de la haute mer» : une fillette solitaire, unique habitante d'un village dans les profondeurs d'un océan. le village n'apparaît qu'à ses yeux quand elle est éveillée. Ce récit est tout en douceur, plein de délicatesse et d'émotions. La plume de Supervielle est légère, elle glisse comme une onde tranquille...
"Le Boeuf et l'Âne et la Crèche" : la nativité racontée du point de vue du boeuf et de l'âne de la crèche, plus exactement surtout du point de vue du boeuf...
"L'Inconnue de la Seine" : un deuxième texte qui se passe sous les eaux, dans l'univers des noyés. L'histoire d'une jeune noyée de la Seine qui découvre cet univers...
"Les Boiteux du Ciel" : un jeune homme qui n'a jamais osé aborder une jeune femme la retrouve au ciel après sa mort...
"Rani" : un indien est choisi comme cacique de son clan puis, défiguré, est rejeté par celui-ci...
"La jeune fille à la voix de violon» : une enfant à la voix de violon préfère solitude et silence de peur de dévoiler ses sentiments. Cette nouvelle poétique très courte et un peu triste plairait probablement à un psychanalyste.
"Les suites d'une course" : un jockey se retrouve changé en cheval. Dans le film «Didier» Alain Chabat n'avait rien inventé. Nouvelle pleine d'un humour absurde et de fantaisie.
"La piste et la mare" : fin sordide et cruelle d'un colporteur au fin fond de la pampa, un meurtre absurde et toujours un texte qui hésite entre poésie délicate et surréalisme.
Supervielle est un poète, mais il est difficile de qualifier ces textes de poésies en prose, il s'agit clairement de nouvelles; il est cependant tout aussi difficile, voire impossible de ne pas percevoir le poète dans cette prose, dans le premier texte en particulier. Les sujets et thèmes abordés sont plutôt lourds, presque tous liés à la mort, et pourtant quelle impression de sérénité et de légèreté au sortir de cette lecture !
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C'est un bouquet de fulgurances poétique qu'offre Supervielle, avec ces contes au fantastique parfois burlesque.
Des histoires en forme de rêves, parfois, dans lesquelles le lecteur subjugué se laisse emmener. Mondes marins ou aériens, habités d'ombres ou de créatures étranges. Terres cruelles et fascinantes où une voix étrange résonne, où un homme meurt après un long voyage, où un autre mute étrangement.
Le livre refermé, je reste avec un tourbillon magique dans la tête.
Je garde le livre non loin, à portée de doigts.
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Ce recueil comprend huit nouvelles à savoir "L'enfant de la Haute Mer", nouvelle éponyme de l'ouvrage, "Le Boeuf et l'Âne et la Crèche", "L'Inconnue de la Seine", "Les Boiteux du Ciel", "Rani", "La jeune fille à la voix de violon, "Les suites d'une course" et enfin "La piste et la mare".

Il est vrai que le thème de l'eau est omniprésent dans toutes ces nouvelles mais un autre qui est tout aussi important et à ne surtout pas négliger est celui de la mort. Bien que l'écriture de Jules Supervielle soit pleine de poésie, j'ai néanmoins ressenti un certain malaise à lire ces nouvelles en raison de l'atmosphère morbide qui s'en réchappent.

L'écriture est néanmoins très agréable et l'auteur s'amuse à jouer tantôt sur l'humour tantôt sur le drame. Certaines nouvelles m'ont donc à la fois fait sourire telles "Les suites d'une course" dans laquelle cavalier et cheval portent le même nom, aussi bien que le maître, se sentant plus cheval qu'homme, fini par se transformer en monture ou émue ou encore "La jeune fille à la voix de violon" alors que d'autres m'ont au contraire émue et m'ont même laissée avec un certain mal-être.

Je recommande néanmoins cette lecture car celle-ci reste agréable et se lit en un rien de temps.
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Les huit nouvelles "surréalistes" de ce recueil sont autant des contes fantastiques que des poèmes. On y retrouve, dans un style simple et facile à lire, agrémenté de l'humour malicieux et décalé de Supervielle, un questionnement plus profond, plus sérieux, sur le rapport entre la soi-disant réalité et la fiction , entre la vie et la mort. Ce questionnement se rapproche de celui de Saint Exupéry et ,comme le Petit Prince, interpelle aussi bien l'adulte que l'enfant, ou plus probablement l'enfant en chacun de nous, plus à même de se "reconnecter" au sens profond des choses. Ce n'est pas un hasard si les personnages mis en scène sont "en rupture de ban", autant de funambules glissant sur une frontière ambiguë, presque morbide. souvent au bord d'une faille, au bord du vide. Mais, dans ce recueil, le questionnement poétique inquiet se trouve équilibré par un conte fantastique plus tendre et chaleureux, qui rassure l'enfant que nous sommes. L'enfant de la Haute Mer nous fait plonger dans les eaux inconnues du rêve et de l'inconscient, mais à travers des personnages auxquels on compatit plus qu'on s'identifie ; ce qui nous permet de rester étroitement arrimés au cadre du lit, serrant bien fort le doudou familier.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
[ "L’enfant de la haute mer " ]

Par moments, elle écoutait avec une soumission absolue, écrivait quelques mots, écoutait encore, se remettait à écrire, comme sous la dictée d'une invisible maîtresse. Puis l'enfant ouvrait une grammaire et restait longuement penchée, retenant son souffle, sur la page 60 et l'exercice CLXVIII, qu'elle affectionnait. La grammaire semblait y prendre la parole pour s'adresser directement à la fillette de la haute mer :

— Êtes-vous ? — pensez-vous ? — parlez-vous ? — voulez-vous ? — faut-il s'adresser ?— se passe-t-il ? — accuse-t-on ? — êtes-vous capable ? — êtes-vous coupable ? — est-il question ? — tenez-vous ce cadeau ? eh ! — vous plaignez-vous ?
(Remplacez les tirets par le pronom interrogatif convenable, avec ou sans préposition.)

Parfois l'enfant éprouvait un désir très insistant d'écrire certaines phrases. Et elle le faisait avec une grande application.

En voici quelques-unes, entre beaucoup d'autres :
— Partageons ceci, voulez-vous ?
— Écoutez-moi bien. Asseyez-vous, ne bougez pas, je vous en supplie !
— Si j'avais seulement un peu de neige des hautes montagnes la journée passerait plus vite.
— Écume, écume autour de moi, ne finiras-tu pas par devenir quelque chose de dur ?
— Pour faire une ronde il faut au moins être trois.
— C'étaient deux ombres sans tête qui s'en allaient sur la route poussiéreuse.
— La nuit, le jour, le jour, la nuit, les nuages et les poissons volants.
— J'ai cru entendre un bruit, mais c'était le bruit de la mer.

Ou bien elle écrivait une lettre où elle donnait des nouvelles de sa petite ville et d'elle-même. Cela ne s'adressait à personne et elle; n'embrassait personne en la terminant et sur l'enveloppe il n'y avait pas de nom.

Et la lettre finie, elle la jetait à la mer - non pour s'en débarrasser, mais parce que cela devait être ainsi - et peut-être à la façon des navigateurs en perdition qui livrent aux flots leur dernier message dans une bouteille désespérée.

Le temps ne passait pas sur la ville flottante : l'enfant avait toujours douze ans. Et c'est en vain qu'elle bombait son petit torse devant l'armoire à glace de sa chambre. Un jour, lasse de ressembler avec ses nattes et son front très dégagé à la photographie qu'elle gardait dans son album, elle s'irrita contre elle-même et son portrait, et répandit violemment ses cheveux sur ses épaules espérant que son âge en serait bouleversé. Peut-être même la mer, tout autour, en subirait-elle quelque changement et verrait-elle en sortir de grandes chèvres à la barbe écumante qui s'approcheraient pour voir.
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L'enfant se croyait la seule petite fille au monde. Savait-elle seulement qu'elle était une petite fille?
Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu'à l'âme, une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
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"Grimaces affreuses de la vie, laissez moi tranquille, pensait-elle. Mais laissez moi donc tranquille ! Que voulez vous que je fasse de vous, quand le reste n'existe plus !"
Quand elle eut laissé loi derrière elle tous les poissons-torches et qu'elle se fut trouvée dans la nuit profonde, elle coupa le fil d'acier qui l'attachait au fond de la mer avec les ciseaux noirs qu'elle avait ramassés, avant de s'enfuir.
"Mourir enfin tout à fait", pensait-elle , en s'élevant dans l'eau.
Dans la nuit marine ses propres phosphorescences devinrent lumineuses, puis s'éteignirent pour toujours. Alors son sourire d'errante noyée revint sur ses lèvres. Et ses poissons favoris n'hésitèrent pas à l'escorter, je veux dire à mourir étouffés, à mesure qu'elle regagnait les eaux moins profondes.
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Comment s'était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres ? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise, de tuile, ces humbles boutiques immuables ? Et ce clocher très ajouré ? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garnis de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson ?
Comment cela tenait-il debout sans même être ballotté par les vagues ?
Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr dans la rue liquide, comme si elle marchait sur la terre ferme ? Comment se faisait-il... ?
Nous dirons les choses au fur et à mesure que nous les verrons et que nous saurons. Et ce qui doit rester obscur le sera malgré nous.
À l'approche d'un navire, avant même qu'il fût perceptible à l'horizon, l'enfant était prise d'un grand sommeil, et le village disparaissait complètement sous les flots. Et c'est ainsi que nul marin, même au bout d'une longue-vue, n'avait jamais aperçu le village ni même soupçonné son existence.
L'enfant se croyait la seule petite fille au monde. Savait-elle seulement qu'elle était une petite fille ?
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Le Bœuf et l'Âne de la crèche


Que prépare-t-on là ? si dit l'âne…
   « Que prépare-t-on là, se dit l'âne, on dirait qu'ils font un
petit lit d'enfant. »
   — On aura peut-être besoin de vous cette nuit, dit la Vierge au
bœuf et à l'âne.
   Les bêtes se regardent longuement pour tâcher de compren-
dre, puis se couchent.
   Une voix légère mais qui vient de traverser tout le ciel les
réveille bientôt.
   Le bœuf se lève, constate qu'il y a dans la crèche un enfant nu
qui dort et, de son souffle, le réchauffe avec méthode, sans rien
oublier.
   D'un souriant regard, la Vierge le remercie.
   Des êtres ailés entrent et sortent, feignant de ne pas voir les
murs qu'ils traversent avec tant d'aisance.
   Joseph revient avec des langes prêtés par une voisine.
   — C'est merveilleux dit-il de sa voix de charpentier, un peu
forte en la circonstance. Il est minuit, et c'est le jour. Et il y a
trois soleils au lieu d'un. Mais ils cherchent à se joindre.
   À l'aube, le bœuf se lève, pose ses sabots avec précaution,
craignant de réveiller l'enfant, d'écraser une fleur céleste, ou de
faire du mal à un ange. Comme tout est devenu merveilleusement
difficile !
...
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Vidéo de Jules Supervielle
Jules SUPERVIELLE – Introduction à son œuvre (Conférence, 2017)) Une conférence d’Adeline Baldacchino, intitulée « Jules Supervielle - Cœur de vivant guetté par le danger », donnée le 4 février 2017 à l’Université Populaire de Caen.
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