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Sans doute le livre le plus superbement mélancolique qu'il m'ait jamais été donné de lire. Peut-être n'est-il pas de plus grand écrivain que Supervielle qui soit tombé dans un oubli aussi complet. Il est dur de décrire la subtilité de son écriture, l'étrange ambiance de ces quelques nouvelles, la douceur triste qui habite chacune de ses phrases.

La première histoire, celle qui donne son nom au recueil, en est l'apogée. Une fillette vit seule dans un village au milieu de l'océan. Quand un navire s'approche, elle tombe soudainement endormie, et les maisons plongent sous la mer. Que fait-elle là, toute seule ? de toute sa vie, elle n'a connue que l'immensité de la solitude… Connaitra-t-elle un jour autre chose ? Quel est cet endroit, pourquoi est-elle là ?

Chaque nouvelle développe son étrange atmosphère douce-amère, campe ses personnages acceptant silencieusement leurs destins trop lourds. Celui-ci va même par delà la mort dans ‘Les boiteux du ciel'. Là où ce qui reste des hommes n'est plus qu'ombre au milieu des ombres, croyant mener une vie dans ce qui n'est qu'ombre... Paradoxalement, la plus sombre du recueil et la seule qui se termine sur une note heureuse !

Et au milieu de tout cela une touche de merveilleux presque incongrue, qui révèle une foi profonde et nourrie de la ‘Légende Dorée' chez celui qu'on aurait pu croire athée, au vu de sa description de l'après-mort. C'est la nativité racontée du point de vue du boeuf et de l'âne de la crèche. Un doux moment de beauté et de paix, où le boeuf réchauffe de son souffle l'enfantelet dans la paille… Qu'a-t-il fallut pour que Supervielle chasse la mélancolie qui habite chacune de ses lignes, en dehors de celles-ci ? Un souvenir des Noëls de l'enfance, peut-être…

Peut-être est-ce mieux au fond que Supervielle ne soit pas plus connu. Entendre la presse ou la télévision en parler me donnerait l'impression de voir un ours fouiller dans des dentelles aux fuseaux…
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C'est un bouquet de fulgurances poétique qu'offre Supervielle, avec ces contes au fantastique parfois burlesque.
Des histoires en forme de rêves, parfois, dans lesquelles le lecteur subjugué se laisse emmener. Mondes marins ou aériens, habités d'ombres ou de créatures étranges. Terres cruelles et fascinantes où une voix étrange résonne, où un homme meurt après un long voyage, où un autre mute étrangement.
Le livre refermé, je reste avec un tourbillon magique dans la tête.
Je garde le livre non loin, à portée de doigts.
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Une relecture faite avec appréhension, de peur d'être déçue tant j'avais gardé de bonnes impressions de ce texte sans arriver pour autant à me souvenir de quoi que ce soit. Comme il s'agit d'un recueil de nouvelles j'ai choisi de les lire en commençant par la fin, pour lire en dernier la nouvelle titre. En général dans les recueils de nouvelles, c'est la nouvelle titre qui est la meilleure et assez souvent l'éditeur la place en premier. Comme choix éditorial c'est compréhensible (le lecteur est accroché), mais c'est tout de même un peu dommageable pour le lecteur, qui reste sur sa faim, et pour l'auteur parce que le lecteur ne reste pas sur la meilleure impression possible. Ces nouvelles ont ceci de particulier qu'il me semble impossible de les divulgacher car l'essentiel n'est pas du tout dans l'histoire ni vraiment dans sa chute.

«L'enfant de la haute mer» : une fillette solitaire, unique habitante d'un village dans les profondeurs d'un océan. le village n'apparaît qu'à ses yeux quand elle est éveillée. Ce récit est tout en douceur, plein de délicatesse et d'émotions. La plume de Supervielle est légère, elle glisse comme une onde tranquille...
"Le Boeuf et l'Âne et la Crèche" : la nativité racontée du point de vue du boeuf et de l'âne de la crèche, plus exactement surtout du point de vue du boeuf...
"L'Inconnue de la Seine" : un deuxième texte qui se passe sous les eaux, dans l'univers des noyés. L'histoire d'une jeune noyée de la Seine qui découvre cet univers...
"Les Boiteux du Ciel" : un jeune homme qui n'a jamais osé aborder une jeune femme la retrouve au ciel après sa mort...
"Rani" : un indien est choisi comme cacique de son clan puis, défiguré, est rejeté par celui-ci...
"La jeune fille à la voix de violon» : une enfant à la voix de violon préfère solitude et silence de peur de dévoiler ses sentiments. Cette nouvelle poétique très courte et un peu triste plairait probablement à un psychanalyste.
"Les suites d'une course" : un jockey se retrouve changé en cheval. Dans le film «Didier» Alain Chabat n'avait rien inventé. Nouvelle pleine d'un humour absurde et de fantaisie.
"La piste et la mare" : fin sordide et cruelle d'un colporteur au fin fond de la pampa, un meurtre absurde et toujours un texte qui hésite entre poésie délicate et surréalisme.
Supervielle est un poète, mais il est difficile de qualifier ces textes de poésies en prose, il s'agit clairement de nouvelles; il est cependant tout aussi difficile, voire impossible de ne pas percevoir le poète dans cette prose, dans le premier texte en particulier. Les sujets et thèmes abordés sont plutôt lourds, presque tous liés à la mort, et pourtant quelle impression de sérénité et de légèreté au sortir de cette lecture !
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Les huit nouvelles "surréalistes" de ce recueil sont autant des contes fantastiques que des poèmes. On y retrouve, dans un style simple et facile à lire, agrémenté de l'humour malicieux et décalé de Supervielle, un questionnement plus profond, plus sérieux, sur le rapport entre la soi-disant réalité et la fiction , entre la vie et la mort. Ce questionnement se rapproche de celui de Saint Exupéry et ,comme le Petit Prince, interpelle aussi bien l'adulte que l'enfant, ou plus probablement l'enfant en chacun de nous, plus à même de se "reconnecter" au sens profond des choses. Ce n'est pas un hasard si les personnages mis en scène sont "en rupture de ban", autant de funambules glissant sur une frontière ambiguë, presque morbide. souvent au bord d'une faille, au bord du vide. Mais, dans ce recueil, le questionnement poétique inquiet se trouve équilibré par un conte fantastique plus tendre et chaleureux, qui rassure l'enfant que nous sommes. L'enfant de la Haute Mer nous fait plonger dans les eaux inconnues du rêve et de l'inconscient, mais à travers des personnages auxquels on compatit plus qu'on s'identifie ; ce qui nous permet de rester étroitement arrimés au cadre du lit, serrant bien fort le doudou familier.
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Ce recueil comprend huit nouvelles à savoir "L'enfant de la Haute Mer", nouvelle éponyme de l'ouvrage, "Le Boeuf et l'Âne et la Crèche", "L'Inconnue de la Seine", "Les Boiteux du Ciel", "Rani", "La jeune fille à la voix de violon, "Les suites d'une course" et enfin "La piste et la mare".

Il est vrai que le thème de l'eau est omniprésent dans toutes ces nouvelles mais un autre qui est tout aussi important et à ne surtout pas négliger est celui de la mort. Bien que l'écriture de Jules Supervielle soit pleine de poésie, j'ai néanmoins ressenti un certain malaise à lire ces nouvelles en raison de l'atmosphère morbide qui s'en réchappent.

L'écriture est néanmoins très agréable et l'auteur s'amuse à jouer tantôt sur l'humour tantôt sur le drame. Certaines nouvelles m'ont donc à la fois fait sourire telles "Les suites d'une course" dans laquelle cavalier et cheval portent le même nom, aussi bien que le maître, se sentant plus cheval qu'homme, fini par se transformer en monture ou émue ou encore "La jeune fille à la voix de violon" alors que d'autres m'ont au contraire émue et m'ont même laissée avec un certain mal-être.

Je recommande néanmoins cette lecture car celle-ci reste agréable et se lit en un rien de temps.
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"Comment s'était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise,de tuile, ces humbles boutiques immuables? Et ce clocher très ajouré? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garni de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson?"

Ainsi commence ce charmant, mais si énigmatique, livre de Jules Supervielle.

Il s'agit d'une nouvelle bien étrange où le lecteur rencontre une petite fille, très seule, unique habitante de ce village liquide, guettant sans fin l'apparition d'un bateau qui pourrait naviguer jusqu'à elle. Mais en vain !

Conté d'une voix d'apparence égale et calme, cette courte nouvelle évoque les profondeurs insondables et terribles de l'âme. Une fois lu, on ne peut l'oublier, il marque à jamais le souvenir, et remonte au souvenir, tel le spectre de cet enfant des abîmes de la mer, à des moments de croisement dans la vie...
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Livre bien écrit, mais il m'aura déçue car je m'attendais à autre chose... Il y a de la poésie, mais c'est une ambiance très surréaliste, trop pour moi. Rendez-vous à moitié manqué avec ce grand poète.
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Dans ce livre, vous trouverez :
Un enfant dans un village vide en bord de mer,
La Crèche visitée et revisitée,
Une noyée qui ne se sent pas morte parmi des ombres grises,
Un homme défiguré condamné à la solitude, Une enfant à la voix étonnante,
Un homme en son cheval (oui, « en » et pas « et »...),
Un crime qui ne reste pas impuni.

Il y a un parallèle évident avec les nouvelles de Michel Tournier : j'y retrouve le même enchantement et la même poésie un peu folle. La douceur aussi et le goût d'un merveilleux qui n'est pas niais, mais qui réapprend à rêver. « Souvent les boeufs font semblant de ruminer alors qu'au fond de leur âme ils chantent. » (p. 37) C'est beau, tout simplement, parce que c'est faussement naïf, mais véritablement candide. Ça parle de l'homme et ça célèbre son pouvoir d'imagination. « Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. » (p. 22)

Pendant mes études, j'ai étudié La fable du monde du même auteur. Ce poème au long cours raconte la création du monde. Et j'ai retrouvé dans ce recueil de contes la même spiritualité profonde. « Quand le visage est obligé de sourire pour des besoins professionnels, il faut bien que notre humaine tristesse se réfugie quelque part. » (p. 149)

L'enfant de la haute mer est une magnifique lecture dont j'avais, sans le savoir, le plus grand besoin.
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Chez Supervielle, rien ne s'efface facilement. Les désirs et les regrets maintiennent les corps dans une dérive douce-amère à travers la nature, et l'eau en particulier. La mer alimente la rêverie de cet auteur, car elle rattache la France à l'Uruguay de son passé. Elle donne à voir une enfance inaccessible, à l'image de cette jeune fille incapable de grandir et retenue dans une ville marine invisible même aux navigateurs, sans issue apparente. L'image de sa vie au milieu de l'océan surnage dans les songes du lecteur, mais pas que.

Supervielle rumine l'enfance perdue, obsession d'une (re)naissance impossible. Ainsi, le pauvre boeuf de la crèche, subjugué par la Nativité, néglige sa propre vie, qui lui paraît dérisoire et l'abandonne à l'enfant qui le fascine, un sacrifice perdu dans les révérences de la nature, d'autant plus beau qu'il est inutile.

L'humour fantaisiste souligne parfois l'impossibilité du renoncement, tel ce jockey changé en cheval qui conserve sa jalousie humaine envers son ancienne maîtresse (au sens amante) devenue sa maîtresse (au sens de propriétaire).

Nous flottons avec ces personnages, loin de leur vie passée. La dérive ne peut s'achever qu'en laissant la bulle mélancolique éclater et se disperser à la surface. Via une mort définitive ou une parole amoureuse, comme dans la nouvelle "Les boiteux du ciel".

Avec des thématiques aussi sensibles, il serait aisé de tomber dans le pathos larmoyant et la niaiserie. Et c'est là que Supervielle est immense, puisqu'il zigzague tout en simplicité entre ces écueils, avec la même douceur que ses héros noyés. Pour rejoindre la haute mer. Et s'assurer qu'un peu de sa vie persiste, au delà de la mort.
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"Et si nous regardions la vie par ses interstices?" cette question posée par Jules Supervielle tourne en vrille dans ce recueil de prose poétique.
Orphelin très jeune, l'auteur qui nous livre ici huit nouvelles courtes ou plutot huit petits contes, reste toujours attentif aux fantomes de son monde intérieur. Son enfance uruguayenne, sa vie d'un océan à l'autre, le thème de la différence,du doute,de la solitude et de la mort abordée de façon pudique parsèment ses écrits.Se dissociant des surréalistes, il évoque le mystère de l'absence et l'irréalité de la mort d'une manière apparentée au fantastique.
Ce livre jeunesse est tout public, c'est du rêve, de l'âme profonde, non de l'inconscient.
Tour à tour nous découvrons ici des personnages délaissés entre vie et mort:
la petite fille prisonnière d'une rue flottante, qui habite seule un village liquide, née de l'imagination de son père marin et qui revit grace à lui.
la jeune noyée de la Seine, son vécu et son ressenti par rapport aux autres noyés
le boiteux qui a aimé une jeune femme sans jamais oser l'aborder dans une bibliothèque et qui au ciel vit pleinement son amour
le boeuf et l'ane de la crèche émerveillés face au petit jésus.
Rani le jeune indien défiguré rejeté par sa tribu et son pouvoir de vengeance
la fillette à la voix de violonqui garde le silence de peur de révéler ses sentiments
la métamorphose d'un homme en cheval
la fin sordide d'un vagabond

Bref, des histoires surprenantes, décalées où la souffrance est traitée par touches légères qui chuchotent, se racontent et flottent un peu devant nos yeux comme une petite fille de la haute mer.
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