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EAN : 9782070142194
64 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.13/5   119 notes
Résumé :
Paris, début des années 1980. Un ancien militant basque refuse de rentrer en Espagne après vingt ans d'exil. Il réclame la protection de la France, car il se dit menacé de mort dans son pays.

Pour la justice française, l'affaire est délicate. Accéder à sa demande, c'est nier le retour de l'Espagne à la démocratie et à l’État de droit. Refuser serait faire preuve d'aveuglement sur la réalité de ces assassinats visant régulièrement les ex-opposants du f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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François Sureau, qui dans les années 80, était auditeur de deuxième classe au Conseil d'État est amené au tout début de sa carrière, à rédiger les conclusions sur la demande d'asile politique de réfugiés. Le dossier d'un nationaliste basque Javier Ibarrategui lui échoit, et il rédige les conclusions qui doivent décider du rejet ou non de sa demande, demande présentée par Georges Dreyfus. Mais dans les années quatre-vingt, l'Espagne franquiste n'est plus, ce droit d'asile ne paraît plus légitime, Ibarrategui est débouté, non sans avoir expliqué que des groupes franquistes étaient toujours actifs et qu'il risquait d'être assassiné.
Le chemin des morts est un récit très fort et surtout très sincère, où François Sureau, alors tout jeune juriste, plein d'illusions et d'idéalisme s'attelle à l'étude de dossiers de demande d'asile politique. Mais par naïveté ou crédulité, mais surtout s'attachant plus au droit qu'au contexte politique basque, il élabore consciencieusement le dossier qui préconise le rejet de l'asile politique d'un basque, dont les conséquences le hantent encore.
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Les années 80, « la cocaïne, l'indifférence à la misère, le goût d'aller vite et de gagner beaucoup d'argent. » le narrateur sort de l'école de la magistrature et prend son premier poste au conseil d'État en qualité d'auditeur de deuxième classe. Acceptant une affectation à la commission des recours des réfugiés, une juridiction chargée d'examiner les demandes d'asile, il découvre que les décisions ne sont pas toujours simples à prendre : « Ces malheureux ne quittent pas le pays où ils ont été persécutés avec un certificat de torture en poche signé du chef de la police. Ils ne présentent presque jamais de preuves. C'est leur récit qui compte. Il y faut beaucoup de discernement. Certains ne disent pas la vérité qui leur vaudrait le statut, et préfèrent raconter les fables dont un ami les a persuadés qu'elles emporteraient la conviction. D'autres font mauvaise impression en plaidant d'une voix de stentor ou en essayant d'émouvoir, alors qu'un récit plus simple, plus fidèle, déciderait leur juge. »

Chargé d'instruire le dossier d'un certain Ibarrategui, militant basque réfugié en France depuis la fin des années 60 après avoir pris part à la guérilla pro-républicaine, le jeune juge et ses pairs rejettent la demande d'asile, justifiant cette décision par le retour de la démocratie en Espagne. Un verdict lourd de conséquence puisque qu'un groupuscule clandestin franquiste assassinera peu après le militant de retour au pays.

Des années après, le juge revient sur ce qu'il considère sans doute comme un cas de conscience, un sentiment prégnant de culpabilité même si, au fond de lui, il sait qu'il n'a commis aucune erreur et que la décision finale ne pouvait être différente. le droit et la justice face à l'humanité. La raison d'état et la politique qui s'imbriquent de façon intime. Comment un récit aussi « technique » juridiquement parlant peut être aussi touchant ? Sans doute parce que de ce regret, ce remords même, à l'évidence très autobiographique, François Sureau a su faire une oeuvre littéraire. A peine soixante pages âpres, denses, limpides, sans un mot de trop. A travers la figure christique du militant basque déchargeant par avance les juges de la responsabilité de sa mort à venir, il offre à son récit une surprenante hauteur spirituelle.

Voila un tout petit texte qui pousse à la réflexion. Sur la notion de droit, sur les enjeux politiques de certaines décisions juridiques, sur le fait que la raison d'état prend toujours le pas sur les considérations individuelles. Impressionnant !
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Dès 1979, et suite à la mort de Franco et au retour de la démocratie en Espagne, le gouvernement de Valery Giscard d'Estaing retirât le statut de refugié aux militants basques espagnols exilés en France, entraînant les premières expulsions au début des années 1980, tandis que les polices politiques continuaient d'être actives sur le sol espagnol et que les commandos du GAL (Groupe antiterroriste de libération) commettaient des attentats sur le territoire français ; vingt-trois assassinats commis en France leur ont été attribués entre 1983 et 1987.

Après l'élection de François Mitterrand, une vingtaine de militants basques déposèrent des dossiers devant la commission des recours de l'OFPRA (Office français de protection des refugiés et des apatrides).

Fraîchement émoulu de l'ENA, et dans cette ambiance «entre deux mondes» des années 1980, le narrateur siège depuis quelques mois au sein de cette commission, un poste peu envié de ses condisciples mais auquel il s'attache, emporté dès le départ par les enjeux humains, au moment où les dossiers de recours des basques y sont examinés.

«Lire ces rapports était toujours une épreuve. C'est que j'y devinais des vies sans pouvoir vraiment les comprendre, craignant toujours d'imaginer trop ou pas assez, souffrant pour finir de devoir les faire entrer par force dans les catégories du droit. Mais c'était mon métier, et je l'aimais malgré tout.»

Lecture brève et intense, «Le chemin des morts» est le témoignage saisissant d'un narrateur intègre qui, sans se justifier, veut simplement reconnaître une erreur de jugement, et éveiller la conscience du lecteur sur la distinction entre justice et droit.

«Trente ans ont passé [...] Plusieurs personnes que j'aimais sont mortes et leur apparence, malgré tous mes efforts, s'est effacée de ma mémoire. Javier Ibarrategui y est resté, comme pris dans des glaces éternelles. La faute a des pouvoirs que l'amour n'a pas.»
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Le tribunal de la conscience...

Dans ce récit bref et saisissant, François Sureau relate un épisode capital de son expérience de juge de la commission du recours des réfugiés politiques dans les années 80. le jeune juriste se réjouissait alors de quitter le labeur torpide du droit administratif rural pour une cour qui appliquait un droit où « le vent de l'histoire passait entre les articles ».

Il eut à connaître du cas d'Ibarrategui, un ancien activiste basque ayant renoncé à l'action violente. Celui-ci était menacé dans la jeune Espagne démocratique par des factions franquistes dans un combat où « personne ne pouvait compter sur l'oubli ou le pardon ». Or le droit exigeait que l'on refuse l'asile politique à un ressortissant espagnol puisque l'Espagne entrait dans son processus de démocratisation. Accorder l'asile à un espagnol eût revenu à nier le changement de régime espagnol.

Le droit et la morale...

L'écrivain d'aujourd'hui voudrait retenir la main du juge d'hier. le tribunal jugea en droit et l'écrivain aurait voulu juger en espèce, en tenant compte de la singularité de la situation. Instruit de la faiblesse du droit, c'est sur le terrain moral que se place ce récit. Il met en scène la duperie à laquelle s'expose ce lui qui veut toucher à l'histoire en train de se faire.

Sureau donne vie à des personnages admirables : la sollicitude du juge Dreyfus, le courage résigné d'Ibarrategui… Tous sont mus par un souci éthique, par une droiture morale qui tranche avec les personnages habituels de la littérature contemporaine, agis par le désir, le sentiment ou le déterminisme. C'est comme si l'on retrouvait un chemin non pas mort mais délaissé, celui d'une littérature où la question de la vie bonne et du devoir est au coeur du texte.

Une clé pour comprendre l'oeuvre de François Sureau ?...

Le Chemin des morts semble répondre à une phrase qui m'avait étonné à la fin d'un précédent roman, Inigo : « Quiconque a tenté de garder les yeux ouverts après la trentaine sait sur quoi se fonde l'estime de soi et l'estime des autres et ce qu'elles valent ». J'étais surpris par ce dénigrement intempestif de l'estime de soi. Peut-être que le sentiment tenace de la faute exprimée dans le Chemin des morts explique en partie cette affirmation.

C'est un récit bref parce qu'il est adossé à beaucoup de silence. Ainsi, l'auteur clôt en disant avoir « payé son dû » et être revenu au droit après un « long détour ». La mention furtive de ce long cheminement, presque sans bruit et sans trace, trouvera peut-être son élucidation dans un prochain livre de François Sureau.


Fabien LACOSTE

Lien : http://bit.ly/17U6KA2
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Le chemin des morts, au pays basque, c'est le chemin unique qui, partant de chaque maison, conduit au cimetière.
Dans ce court récit, François Sureau revient sur une étape fondatrice de sa jeunesse, lorsqu'au début des années 1980, il devait statuer sur les demandes de droit d'asile des réfugiés politiques.
Un moment d'Histoire, une rencontre avec un ancien militant basque, et cette image ne cesse de l'accompagner dans toute sa carrière de magistrat, comme un veilleur sur sa conscience, un fantôme fidèle.
Le texte est court, mais nous plonge très vite dans une époque et dans les débats qui l'agitent. L'auteur, sait, tout en brièveté, revenir sur un fait marquant pour lui et le partager avec nous, ce qui peut donner un autre éclairage sur le reste de son travail et de ses interventions. Il sait allier la profondeur du sujet et la facilité de la lecture, chacun repartant ensuite avec ses propres questions.
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critiques presse (4)
Lhumanite
23 septembre 2013
De son écriture précise et impitoyable, il met à nu la contradiction entre une logique juridique et politique, qui fait crédit à l’Espagne postfranquiste, et une réalité historique et humaine porteuse de l’ancienne violence. Son texte a la brièveté d’une détonation.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LeMonde
05 septembre 2013
Une lecture fébrile : c'est à quoi invite Le Chemin des morts, texte d'autant plus puissant qu'il reflète notre part de faiblesse, nos lâchetés ordinaires et qui, dans son inexorabilité, dans son économie, appelle au dépassement de la notion de droit. Preuve que la littérature est là, qui cherche des vérités enfouies, fussent-elles âpres et odieuses, pour les brandir en signe de résistance.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
03 septembre 2013
Inspiré par la vérité d’un homme, son récit ne plaide pas vraiment pour une confiance inébranlable dans les décisions de la justice humaine. Mais, sûrement, pour la sincérité d’un écrivain.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Lhumanite
02 septembre 2013
Un récit tragique, porteur d’une haute réflexion politique et éthique, qui interpelle les consciences.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Puis, parlant cette fois pour lui-même et d’une voix plus basse, il nous a raconté « le chemin des morts ». Chez les Basques, la maison est le centre de tout. L’homme et la femme y règnent ensemble, à parts égales. Ils ont la même dignité, et leurs deux noms sont gravés côte à côte sur le linteau de la porte. Quand un membre de la famille meurt, il est conduit de la maison au cimetière par un chemin particulier, que l’on appelle le chemin des morts. Chaque maison, chaque famille a le sien. Ils ne se confondent pas. Si bien qu'au-dessus des routes et des sentiers du village, ou au-dessous d'eux, ou à côté comme on voudra, il y a d'autres chemins, invisibles, formant une toile dont l'église est le centre.
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Je me souviens de m'être rapproché pour l'écouter à cause de ce mot de basque, frappé par la coïncidence, et parce qu'il parlait de ses origines, ce que personne ne faisait à l'époque. Il ne se passe pas de jour à présent sans que l'inconnu qu'on croise ne se déclare fièrement breton, kabyle, musulman ou melkite. De tels propos eussent alors passé pour naïfs, vaguement obscènes, et blâmables. Mes amis et moi méprisions les niaiseries de l'enracinement.
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Au bout du chemin de ces femmes, de ces hommes abandonnés, il y avait Georges Dreyfus, qui faisait un immense effort d'attention, comme pour racheter une faute qui n'était pas la sienne. Je me disais que son passé, ou celui de sa famille, dont je ne savais rien, l'y incitait. Cela ne l'empêchait pas de faire usage avec maestria, une fois son opinion formée, de la langue, du style du droit, de ces instruments calculés pour mettre le plus de distance entre le juge et le tragique de l'existence, et grâce auxquels la description d'une catastrophe ferroviaire au Bengale paraît évoquer la rencontre de deux trainsq miniatures sous les combles d'un pavillon de banlieue.
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Trente ans ont passé. J'ai mené ma vie d'homme. J'ai payé mon dû. Le souvenir d'Ibarrategui ne m'a jamais laissé en repos. Il n'est pas passé un jour sans que je le revoie, debout devant nous, rue de la Verrerie, sans que j'entende cette voix sèche qui parlait notre langue et qui nous condamnait. Plusieurs personnes que j'aimais sont mortes et leur apparence, malgré tous mes efforts, s'est effacée de ma mémoire. Javier Ibarrategui y est resté, comme pris dans des glaces éternelles. La faute a des pouvoirs que l'amour n'a pas.
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Plusieurs personnes que j'aimais sont mortes et leur apparence, malgré tous mes efforts, s'est effacée de ma mémoire. Javier Ibarrategui y est resté, comme pris dans des glaces éternelles. La faute a des pouvoirs que l'amour n'a pas.
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Vidéo de François Sureau
Cette semaine, Augustin Trapenard reçoit François Sureau pour "S'en aller", édité chez Gallimard. "Je connais peu d'images aussi frappantes que celle par laquelle Nabokov décrit le départ d'un train : ce sont les wagons qui reculent le long du quai. Quant à la destination, elle n'est jamais celle qu'on a entrevue, en esprit, au moment de s'en aller".
François Sureau, écrivain reconnu, explore dans son dernier ouvrage la quête commune de ceux qui cherchent à s'évader des contraintes du quotidien. Avec une plume élégante et introspective, il évoque la fascination pour l'ailleurs, partageant des anecdotes de voyages et des rencontres marquantes. de Victor Hugo à Philby père et fils, en passant par Patrick Leigh Fermor, l'auteur tisse ici un récit captivant autour de ces âmes en quête d'une liberté insaisissable.
À travers les récits de ses propres voyages – de la Hongrie post-Mur de Berlin à l'Inde et l'Himalaya, en passant par les horreurs de la guerre en Yougoslavie – il nous transporte dans un monde où l'aventure devient le fil conducteur de l'existence. Son écriture, empreinte de poésie et de réflexion, célèbre la beauté des découvertes et la richesse des expériences vécues.
En revisitant ces moments clés de sa vie, François Sureau nous invite à contempler la grandeur de l'inconnu et à embrasser la diversité du monde qui nous entoure. À travers cette méditation sur l'aventure, il nous rappelle que la recherche de la compagnie de ceux qui partagent notre soif d'évasion est un voyage en soi, une quête perpétuelle de sens et de beauté
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