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Critique de TINUSIA


J'ai lu quelque part (mais forcément dans un lieu très comme il faut) que l'obéissance est un mécanisme de défense contre le sentiment d'insécurité.
Ce n'était pas seulement un sentiment que ressentaient ces soldats mandés par le gouvernement français pour accompagner de Paris à Furnes, en Belgique, le bourreau Anatole Deibler et les bois de justice et qu'il y exécute Émile Préfaille pour un meurtre dont l'hétéroclite équipage français se moque comme de l'an quarante. Il faut dire que de l'an quarante, on en est loin, puisque c'est en mars 1918 que le périple va devoir s'opérer. Alors, non, ce n'était pas un sentiment d'insécurité, c'était une insécurité totale et réelle. Mais qui (ou quoi), pour ces hommes, représentait l'insécurité ? L'Allemagne et sa barbarie. La France allait les sauver, c'était évident !
Ça bombardait, ça canardait, ça détruisait, ça éventrait… une boucherie obscène, absurde et meurtrière. Bien plus meurtrière que ce condamné Belge (il n'a tué « que » deux personnes », lui). Bien plus meurtrière que ce bourreau qui ne comptabilise « que » trois cent quatre-vingt-quinze mises à mort. Mises à mort dites légitimes, puisqu'elles lui avaient été commandées.
Il en est qui ont des dispositions à obéir. C'est le cas de ces hommes, qui n'envisagent pas un seul instant qu'ils pourraient se cabrer au motif de la sauvegarde de leur propre vie. Droit devant, quoi qu'il arrive, pour ne pas désobéir.
Un roman de François Sureau, exhumé d'un fait réel. Un roman qui dresse les portraits d'hommes qui ne luttent pas contre le risque de leur propre mort. Parce qu'ils acceptent de s'inféoder, sans se demander un seul instant pourquoi. Leur docilité à l'ordre supérieur, à l'engrenage inéluctable des rouages administratifs, politiques et militaires, est stupéfiante. Aussi stupéfiante qu'aberrante.
Le thème de ce texte n'est pas la guerre ; elle sert d'assise à l'auteur pour une magistrale démonstration sur la soumission à l'autorité. Ce pacte qu'un individu peut passer de plein gré avec un autre auquel il a reconnu une valeur et pour lequel il échange sa liberté d'exister et de penser. Un pacte qui l'autorise à tuer, sans remord, puisque ça lui a été demandé. Même pas exigé, puisqu'il est « librement » consentant, pourrait-il affirmer. Un pacte qu'il ne remettra pas en cause, même si sa propre vie est compromise.
À l'heure de la montée des intégrismes de tous poils, dans le monde entier, chez nous aussi, à l'heure où la diabolisation de « l'autre différent » bat son plein… comment ne pas tirer de conclusion à la lecture de ce livre ?
Ce texte me rappelle le film « I comme Icare », qu'Henri Verneuil avait réalisé en 1979 pour illustrer l'expérience de Milgram, un psychologue américain qui, entre 1960 et 1963, a évalué le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il juge légitime, et a analysé le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet. Mais dans le roman de François Sureau, les problèmes de conscience ne sont que peu évoqués.

Lien : http://litterauteurs.canalbl..
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