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Critique de zenzibar


Un livre vintage, qui surgit alors que l'on cherchait autre chose ou à l'occasion d'une nième mise en ordre d'une des piles de livres à (re)lire.

Un prélèvement originaire d'une boite à livre locale ; je connaissais l'auteure dont j'avais lu dans mes vertes années un ou deux livres et l'envie de me reconfronter à ce type de lecture s'était éveillée.
Dans les années 70, pour qui s'intéressait aux péripéties de la Chine contemporaine, Han Suyin était incontournable.
Depuis, outre que l'offre d'ouvrages didactiques pour découvrir et/ou approfondir la culture et la société chinoise s'est considérablement élargie, Han Suyin, estampillée garde rouge masquée, est devenue beaucoup moins fréquentable.

Cependant, si les prestigieuses éditions gallimard ont tout récemment déroulé le tapis rouge à Céline (oui un peu paradoxal pour un auteur à la pensée si brune), il n'y a rien de déshonorant à (re)lire Han Suyin aujourd'hui.
Et ce d'autant plus, qu'au moins dans ce livre, l'auteure n'a pas déployé un dazibao à la gloire de la tyrannie.

Han Suyin considère, non sans raison, que le fanatisme, l'intolérance sont inscrits dans les gênes de l'homme ; les élans a priori les plus nobles sont fatalement contaminés par le poison de la chasse aux « hérétiques ». le communisme, même au sommet de sa popularité, après avoir terrassé l'abomination nazie, ne fait pas exception.

L'auteure dans la rédaction de ce livre en 1950-51 fait preuve d'une lucidité étonnante, alors que le régime pouvait encore bénéficier sinon d'un « état de grâce », tout au moins d'une adhésion pour mettre un terme aux infinies souffrances du peuple chinois, pour un monde plus juste. Elle ne cède pas à une certaine euphorie et sait qu'elle sera enregistrée de par ses origines (eurasienne et fille de notable), son statut (médecin), pro occidentale et « ennemie du peuple », au moins potentielle. Et ce quelle qu'ait été sa vie humble et au service des autres.
Elle a tout à craindre directement, ce n'est pas un manifeste d'intellectuel(le) confortablement installé(e) dans son salon à des milliers de kms des événements.

Sur la quatrième de couverture, on peut relever l'appréciation de l'éditeur, « un roman d'amour exceptionnel » (sic).
A se demander si l'éditeur a lu le livre !! Celui-ci, autobiographique, relate effectivement une romance entre la narratrice et un journaliste anglais, mais cette histoire est presque accessoire.

Les sujets principaux sont la conquête de la Chine par les communistes et les soubresauts d'une société chinoise traditionnelle agonisante.
Davantage qu'« un roman d'amour exceptionnel » le lecteur dispose ainsi d'un témoignage exceptionnel sur ce contexte historique ; nombre de tableaux esquissés ici illustrent la misère extrême du plus grand nombre, l'état d'esprit étriqué de cette micro société anglaise coloniale réfugiée à Hong Kong.

Ce témoignage est magnifié par une écriture raffinée, poétique.

Surtout, ce livre pourrait être qualifié, si la catégorie existait, de roman taoïste.
L'héroïne vit intimement le « wu wei », le non agir au sens de la sagesse du Tao. Elle a conscience que l'ordre du monde, tout au moins en Chine, obéit à des forces qu'il est vain de vouloir modifier. La destinée personnelle s'inscrit dans ce(s) flux. L'auteure s'efforce d'affronter les épreuves avec un certain détachement mais avec lucidité et détermination. Elle sait d'emblée que sa passion pour ce journaliste, Marc, ne peut s'épanouir dans un vrai projet de vie mais elle ne s'interdit pas de vivre ce qui peut l'être, en dépit de la réprobation de la « distinguée » société anglaise.

L'issue, tragique, ne pourra que consolider sa sensibilité et son intuition.

Une lecture que je regrette d'avoir tant tardé à initier de par les qualités de l'ouvrage sus évoquées et qui de surcroit m'a beaucoup touché à titre personnel. Mais même si elle n'éveille pas des échos personnels, une lecture que je ne peux que recommander.
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