Totalement bluffée par ce premier roman ! S'il n'invente rien en soi ni ne renouvelle vraiment le genre, il joue avec les codes du polar avec une totale maîtrise et une réelle profondeur. le scénario est parfait et c'est une gageure tenue sur 700 pages sans temps mort, sans non plus faire le forcing à la course aux péripéties ou au glauque, tout en étant crédible, tout en ayant du nerf et du coeur. Il faut dire que Søren Sveistrup est le créateur et scénariste de la série The Killing …
Le roman s'ouvre sur une scène de crime dans une ferme, en présence d'enfants : ce premier chapitre est fondateur pour arriver jusqu'au dénouement, mais aucun indice pour vraiment comprendre ce qui s'est joué là … d'autant plus que tout le reste de l'action se déroule en 2019, trente ans après, avec une série de meurtres de mères de famille horriblement mutilées ( main coupée pour la première ) qui rebondit sur une autre affaire, classée, celle de la disparition d'une fillette quelques années auparavant : le meurtrier de cette dernière, emprisonné, a avoué mais il n'a jamais été capable d'indiquer où se trouvait le corps. Et voilà que les empreintes de la fillette sont retrouvées sur des petits bonhommes en marron posés à proximité des corps suppliciés des mères de famille.
La course contre la montre pour savoir si la fillette est toujours vivante, pour comprendre le lien entre sa disparition et les féminicides, et éviter de nouveaux meurtres, est passionnante. le scénario, tortueux quand le lecteur est plongé dedans, limpide une fois la lecture achevée, sait jouer de différents tempos, plus lent notamment pour apprendre à découvrir un duo d'enquêteur atypique qui fonctionne parfaitement ( elle, cash et intelligente, sur le départ du département criminel pour le service de Cyber sécurité ; lui, acharné et instinctif, chien fou viré d'Europol, purgeant sa punition sur cette enquête ) ainsi que la mère de la fillette disparue, la ministre des Affaires sociales.
Et comme souvent dans les polars scandinaves, le contexte sociétal est bien posé et apporte de façon pertinente profondeur et émotion autour des thématiques fortes : de vengeance - fabrique d'un tueur en série
- enfance meurtrie - dysfonctionnements des services sociaux.
J'ai également apprécié de ne pas deviner précocement les ressorts des crimes ni l'identité du tueur en série ; il faut aller très loin dans l'intrigue pour y parvenir, et lorsque c'est le cas, la révélation est brillamment amenée.
Un excellent polar, palpitant avec son scénario complexe et ingénieux. Un auteur à suivre.
Lu dans le cadre du jury Prix des lecteurs Livre de poche 2020 catégorie polar / thriler
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J'avoue que , dès sa sortie en poche , je me suis précipité sur cet ouvrage qui , fort d'une note moyenne de 4,29 pour plus de 230 critiques avait un argument de poids à faire valoir , l'adhésion massive d'un panel important de connaisseurs . Ensuite , j'ai bénéficié de " quelques pistes " de la part de mon libraire qui m'a dit le " juste ce qu'il faut "pour empêcher le plus réticent des lecteurs à renoncer , allant même jusqu'à fabriquer avec sa fille , mais oui , des " bonhommes en marrons " pour agrémenter un étal toujours très bien tenu . Alors , non , pas moyen de résister et pourtant , il fait ses 700 pages le bougre ...( pas le libraire , le bouquin....)
Curieusement , pas de temps mort dès le début de la lecture , on se " coule " dans l'intrigue aussi facilement qu'on enfile " une paire de Charentaises " le soir , en rentrant du travail . Vous les connaissez ces extraordinaires pantoufles dans lesquelles tout le monde se sent bien mais avec lesquelles personne ne veut sortir .....Et bien , tout de suite , l'écriture bien maîtrisée de l'auteur vous happe et les pages vont défiler à toute allure , au point qu'à chaque fois que vous désirerez vous montrer raisonnable et éteindre la lumière, une petite voix insidieuse vous susurre un " encore " qui aura raison de vos dernières réticences. Des dialogues efficaces dans un récit vif , jamais ennuyeux , subtil , sans faille que demander de plus ?...Ah , oui , quand même , une intrigue .Et bien très franchement , elle est " au diapason ". Tout se tient , construit comme un superbe " jeu de Lego " avec des pistes , des vraies, des fausses , de l'action et des moments de lourdes réflexions . Un sujet dramatique , des morts atroces et , pourtant , jamais le moindre moment de renoncement face à des situations particulièrement difficiles à traduire sans heurter la sensibilité du lecteur ....L'auteur est scénariste, ça se voit , ça se sent et on se plaît à imaginer une adaptation cinématographique ou télévisuelle...Les ingrédients sont là.
Et puis il y a ces deux personnages de policiers pas forcément à leur place , pas spécialement aptes à se supporter mutuellement , deux personnages qui vont " occuper l'espace " sans pour autant nous faire oublier le critique de la situation .....Hess et Thulyn , Marc et Naia ....Et si , petit à petit .....?
Je ne vous ai rien dit de l'histoire ? Ben non , tiens , vous savez bien que je n'aime pas raconter , mais avec plus de 230 critiques , vous allez en rassembler des éléments...trop peut - être..Non , moi , je vous conseille de lire le roman et de revenir découvrir les commentaires après...Fichtre , c'est pas bien compliqué ...235 babeliotes ont aimé, quelle meilleure " pub" voulez -vous trouver ?
Octobre ..." les feuilles mortes se ramassent à la pelle ..." , les marrons aussi , sans doute mais d'aussi bons romans , c'est moins sûr . Un roman à classer parmi les " tout meilleurs " , mais ce n'est ...que mon humble avis et , accessoirement , celui de 235 babeliotes ........
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A force de voir passer un nombre impressionnant d'avis enthousiastes sur ce titre, j'avais tout naturellement mis ce livre en priorité absolue tout en haut de ma PAL.
Une fois de plus les lecteurs de Babélio se seront avérés être de bon conseil car il s'agit là d'un sacré bon thriller, et même sacrément bon !
Søren Sveistrup est le créateur de la série TV "The killing", et cela va se ressentir dès les premières pages car les chapitres sont construits comme des scènes de film, c'est un peu déstabilisant au début car on ne connait pas encore les personnages, puis petit à petit on est pris dans le rythme car les chapitres sont courts, voire très courts.
Je ne vois que des points positifs à cette histoire, le scénario, les personnages et un rythme impeccable, mais aussi et surtout une sobriété qui donne une aura de crédibilité pas si courante dans ce genre qu'est le thriller.
Les personnages, Thulin et Hess sont criants de vérité, ce ne sont pas des supers flics et ils vont faire de leur mieux, ils nous font prendre conscience aussi qu'être "flic" n'est pas une vie de rêve, les personnages secondaires sont tous très bien dessinés, le casting est parfait.
Le scénario est solide, il se dévoile lentement mais sûrement pour se révéler diablement ingénieux, il a de plus la qualité de nous emmener au bout sans faiblir, chaque scène, même la plus banale apporte quelque chose en étoffant le contexte ou en développant la psychologie des personnages, c'est brillant.
Le rythme, très cinématographique nous donne son lot de "temps forts" et de surprises, c'est peu de dire que cette enquête va se révéler tordue et passionnante avec un meurtrier machiavélique comme rarement.
Cette histoire se double aussi d'un regard troublant sur la société danoise que l'on a tendance à voir habituellement comme un modèle de réussite sociale, ce qui n'est pas inintéressant.
Pour conclure une lecture intense (lu en trois jours !), de la première à la dernière ligne, une dernière ligne un peu flippante d'ailleurs ;)
PS : J'adore la crème de marron et les marrons glacés, je pense que je me souviendrai longtemps de ce roman ;)
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Depuis quelque temps, [...] pensait à la mort avec indifférence. Pas parce qu'il n'aimait plus vivre, mais parce que être encore en vie était devenu trop douloureux. Il n'avait pas consulté, il n'avait pas demandé d'aide à ses quelques rares amis et il n'avait écouté les conseils de personne. Il s'était contenté de fuir. Il avait couru aussi vite que ses jambes pouvaient le porter, l'obscurité sur ses talons, et parfois il avait réussi à la distancer.
Il avait fait halte parfois, dans de petites oasis, dans des contrées étrangères, en Europe, ou son esprit s'était laissé distraire par des impressions inconnues et de nouveaux défis. Mais l'obscurité avait toujours fini par le rattraper. Et avec elle, les souvenirs et les visages des morts qui avec les années étaient devenus légion. Il n'avait personne, il n'était personne, et la dette qu'il avait accumulée n'était pas vis-à-vis des vivants. Il en était arrivé à penser que si la mort devait frapper, elle serait la bienvenue.
Mais à présent qu'elle était là [...] il pense différemment.
Elle n'entend plus le bruissement des feuilles dans les arbres. Elle ne sent plus l'herbe froide sous ses pieds. Il n'y a plus que cette voix qui chuchote entre deux coups de cette étrange canne prolongée d'une boule hérissée de picots en métal. Laura se dit que si elle cesse de résister, la voix se taira peut-être, mais elle se trompe. Elle continue, et les coups aussi, et au bout d'un moment, Laura ne peut plus bouger. Elle sent à présent les dents acérées d'une lame sur son poignet et, avant de perdre connaissance, elle entend le hurlement électrique de la scie qui démarre et le diamant attaque l'os.
Avant d’aller jusqu’au bout de sa pensée, il perçoit un mouvement derrière lui, du côté du placard, et reçoit un premier coup sur la tête, suivi de plusieurs autres. Il fait tomber la lampe torche, des rais de lumière strient le plafond, qui se divise en une multitude d’images, comme lorsqu’on regarde dans un kaléïdoscope, tandis que les coups continuent de pleuvoir sur son visage et emplissent sa bouche de sang.
Depuis quelque temps déjà, Hess pensait à la mort avec indifférence. Pas parce qu'il n'aimait plus vivre, mais parce que être encore en vie était devenu trop douloureux. Il n'avait pas consulté, il n'avait pas demandé d'aide à ses quelques rares amis et il n'avait écouté les conseils de personne. Il s'était contenté de fuir. Il avait couru aussi vite que des jambes pouvaient le porter, l'obscurité sur ses talons, et parfois il avait réussi à la distancer.
Les feuilles mortes tombent doucement dans la lumière du soleil, sur la route humide qui coule au milieu de la forêt comme un fleuve à la surface noire et lisse. Elles s'élèvent en un bref tourbillon au passage de l'éclair blanc de la voiture de police, puis se posent sur les tas agglutinés de part et d'autre de la route.
(Incipit)
Octobre | Bande-annonce officielle VF | Netflix France