« On meurt dans l'état précis où on est né : avec des mains faites pour saisir et incapables de serrer. »
« La douleur et l’amour , la vie, en un mot, ne doit pas être considérée comme une maladie parce qu’on en souffre » …
La passion l'avait emporté et il ne pouvait se repentir d'un acte qui lui avait procuré le plus grand bonheur de sa vie. Il le savait pour l'avoir lu : les femmes pardonnaient toujours l'hommage porté à leur beauté de quelque manière qu'on l'ait rendu, même sous la forme d'une action criminelle.
La peur tue plus de gens que le courage.
Quand on crie, peu importe le mot qui se forme dans le cri, c'est l'effort d'émission qui soulage.
Comment faire pour ne penser à rien ? Il arrivait qu'il se couchât vraiment très fatigué et, semblait-il, prêt à dormir dès qu'il aurait fermé les yeux. Mais le temps de se jeter sur son lit, le sommeil l'abandonnait et quand, après des heures, il trouvait enfin le calme dans un coin de ses draps, il devait se contenter d'un assoupissement peu profond au cours duquel son cerveau continuait à travailler : sourde et obscure activité qui n'en était pas moins épuisante.
Malgré tout, Alfonso ne se sentait pas malheureux. Il trouvait le bonheur, d'une part, dans son acharnement même à l'étude et, d'autre part, dans son ambition démesurément grossie, sa soif de gloire. Il se découvrait supérieur aux autres et s'il ignorait encore comment atteindre la célébrité, il se trouvait confirmé dans ses espérances par son amour de l'étude devenu passion. Il complétait ses heures de travail à la bibliothèque par d'autres heures à la maison, sans pour autant s'estimer satisfait. L'étude envahissait ses occupations de bureau, mordait sur le déjeuner, le dîner et lui dérobait chaque jour quelque nouvelle tranche de sommeil.
Chaque instant de loisir qu'il passait hors du bureau, ou même au bureau, où il possédait quelques livres dans un coin, il le consacrait à la lecture. c'était généralement des ouvrages sérieux de critique ou de philosophie, parce que l'art ou la poésie ne le fatiguaient pas assez. Il écrivait, mais peu ; son style encore hésitant et les termes impropres qui en disent trop ou trop peu sans jamais atteindre le but ne lui donnaient pas satisfaction. Il pensait que l'étude le ferait progresser. Il n'était pas pressé et le peu qu'il faisait constituait sa contribution journalière au plan de travail qu'il s'était fixé. Après s'être fatigué à la banque ou à la bibliothèque, il jetait sur le papier quelques petites remarques, quelques effusions romantiques adressées à lui seul et que personne ne recevrait jamais. Il n'y avait de notable, dans ces confidences, que l'espèce de mal universel dont le jeune homme semblait souffrir ; ses souffrances réelles, la nostalgie de son village, qui le travaillait toujours, n'y trouvaient aucune place. Il considérait ses écrits comme des notes rudimentaires dont il pensait se servir dans un avenir lointain pour des oeuvres plus importantes, drames, romans, ou pis encore.
Alfonso tira sa couverture jusqu'au menton et en conclusion de longues réflexions sur la marche des choses humaines, il murmura : "L'homme devrait pouvoir vivre deux vies : l'une pour lui-même, l'autre pour les autres."
- Il est si difficile de supposer la méchanceté chez les autres quand on est soi-même bon.