"Si c'était à refaire je voudrais encore une fois rencontrer la prima donna slovène" confie le narrateur, un jeune journaliste français homosexuel, devenu fan d'une cantatrice (de renommée internationale) lors de sa "première triomphale du Triptyque de Puccini" à Madrid. Est-ce sa voix, ses yeux toujours "sur le point de pleurer",son groupe sanguin rare B+ identique au sien, son comportement étrange ou le fait que, voyeur occasionnel, il ait surpris, en coulisses, ses ébats violents avec un machiniste qui vont l'attacher à ses pas?
D'interview en confidences, de Madrid à Paris, puis en Slovénie,les voilà amis et cet orphelin de 27 ans, attiré par les hommes au "corps vigoureux tressé comme un cordage", entre deux amours masculins sans vrai lendemain, va espionner ses manies et suivre, lâchement, son retour vers une mère abusive décevante, castratrice et destructrice.
Brina Svit, journaliste et critique littéraire slovène (dont
Con brio a été publié en plusieurs langues) brosse le portrait fort d'une star fragile, d'une petite fille de 37 ans en attente d'amour maternel. La fin émouvante fait penser à
le Pavillon des enfants fous (qui traite d'anorexie) de
Valérie Valère mais bouleverse encore plus car cette mère anesthésiste donc soignante "gentiment inoffensive" ne fait pas hospitaliser sa fille pour mieux garder "Lejka" sous sa coupe.
La relation perverse mère-fille est fort bien étudiée dans
Mort d'une prima donna slovène. La remontée aux souvenirs d'enfance explique le perfectionnisme,le trac,les rituels,le vide existentiel, l'autodestruction d'un côté; l'agressivité sous-jacente de celle qui "s'est sacrifiée pour ses enfants" et en veut sans doute à sa fille de son émancipation et de sa réussite dans une voie non choisie de l'autre (celui de la froide Mme Ingrid!!).
Comment se forment les relations entre les êtres? Un tiers peut-il couper un lien mortifère ou son attitude peut-elle au contraire précipiter l'issue fatale?
Mort d'une prima donna slovène est un roman psychologique bouleversant qui reste en mémoire bien après le mot fin car il laisse le lecteur sans voix comme un rossignol en cage au bec cloué. D'où le talent de l'auteur car le lecteur (toutefois révolté) se dit qu'aurais-je fait à la place du narrateur, l'aurais-je trahie ou sauvée?