Visage slovène

Témoignage intéressant sur l'émigration slovène vers l'Argentine. L'auteur, elle-même Slovène, nous raconte ses rencontres avec des émigrés Slovènes réfugiés en Argentine. On apprend qu'il y a eu deux grandes vagues d'émigration : la première, avant guerre, pour fuir le nazisme, et la seconde après la guerre, des Slovènes catholiques, de droite, ayant servi les Allemands ou combattu pour eux et anti-communistes. Ces Slovènes, appelés domobranec on fui la Slovénie une première fois vers l'Autriche mais les Anglais les ont renvoyés chez eux, plus de 10000 d'entre eux furent massacrés.

Ceux qui réussirent à se réfugier en Argentine (Peron avait ouvert les portes aux anticumministes) ont créé alors un village Slovène, construit à partir de rien, avec leur église, encouragés par leur curé. Ils vivaient entre eux, ne parlant que Slovène et espérant que leurs enfants épouseraient un(e) jeun(e) de la petite communauté.

Des années après, trois génération plus tard, l'auteur va visiter ce quartier qui est malheureusement tombé en ruines, c'est devenu un quartier dangereux.

Au fil des rencontres, on s'interroge avec l'auteur sur le sentiment d'appartenance, sur la question de nationalité. En particulier, il y a un témoignage très intéressant d'une famille de la deuxième génération qui a voulu retourner en Slovénie pour s'y installer après 1991. Ils ont tout d'abord été accueillis en fanfare, mais le climat n'était finalement pas propice, trop divisé entre droite/gauche, alors que la famille était plutôt centriste. Il a très vite été licencié du poste de directeur de Rédaction qu'on lui avait donné.

Petit bémol à ce livre : tout au long du livre, l'auteur nous parle également d'un émigré polonais, Gombro, qui deviendra un écrivain reconnu, mais je n'ai pas trouvé cet ajout nécessaire, ni intéressant.

Un très beau récit autobiographique, un peu à la manière d'un grand reportage littéraire, sur un sujet que je ne connaissais pas, l'exil des Slovènes en Argentine. Un beau texte aussi sur l'exil, la perte ou non de l'identité, le nationalisme de certains, qui n'envisagent pas de se marier « hors de leur communauté », le rapport complexe entre intégration et réflexe communautaire (regroupement dans quelques quartiers, apprentissage de la langue), la relation au pays, avec ou sans retour, provisoire ou définitif. La forme littéraire est intéressante aussi, avec une photographie et un récit qui commence généralement par la première rencontre avec la personne concernée. Contrairement à Albert Londres (revoir Chez les fous, mais il a aussi publié des récits plus légers, comme le tour de France), il ne s'agit pas d'un récit engagé et militant pour défendre les droits de l'homme, mais d'un tableau qui montre à travers ces portraits la complexité de cet exil.
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