- Mes amis, je vais vous parler d'un roman d'anticipation,
La fin des hommes, histoire de vous changer les idées.
- Chouette !
- Un roman dont le sujet est ... une pandémie.
- ?!
Oui je vois votre étonnement et je vous entends déjà tempêter : " Quoi ?! Une pandémie : un sujet d'anticipation ? Tu veux nous changer les idées avec ça... ? "
Allons, approchez, pas trop près quand même à cause du virus qui peut-être sévit encore, approchez, vous allez comprendre...
Nous sommes en 2025, vous voyez que c'est un roman d'anticipation... Quand vous saurez que le roman a été écrit entre septembre 2018 et juin 2019, votre étonnement peut-être se dissipera pour laisser place à un autre...
2025, une mystérieuse maladie baptisée le « Fléau » se répand dans le monde entier. C'est un virus qui a comme particularité de ne toucher que les hommes. En revanche, ce sont les femmes qui contribuent à le diffuser par des gestes anodins, des gestes de tous les jours, des gestes d'amour, des gestes familiers, des gestes fraternels... Car ces hommes, ce sont des pères, des fils, des frères, des amis...
Très rapidement, le virus se répand comme une trainée de poudre dans le monde entier, touchant la moitié de la population mondiale. La maladie est impitoyable, les effets sont rapides, dévastateurs, il n'y a aucun traitement efficace, les victimes meurent au bout de deux jours après l'apparition des premiers symptômes. Cependant, certains d'entre eux sont immunisés. Ce n'est ni un hasard, ni un miracle, la recherche médicale finit par cerner une hypothèse qui semble tenir la route en guise d'explication... Ces survivants du monde d'avant vont susciter, comme vous pouvez l'imaginer, une certaine convoitise...
Malgré ce thème de la pandémie qui pourrait, - au mieux ennuyer au pire horripiler, j'ai été tenu en haleine jusqu'au bout de l'histoire, jusqu'au jour 1976, c'est-à-dire cinq ans et demi après l'apparition du virus...
La fin des hommes est un premier roman d'une autrice anglaise,
Christina Sweeney-Baird.
Ce récit est construit de manière chorale. Des femmes, plusieurs femmes vont venir faire entendre leur voix ici, à commencer par Amanda médecin urgentiste, celle qui a soigné le patient zéro, des femmes donc, mais quelques hommes aussi le temps d'un sursis, d'un espoir, de quelques heures encore avant l'implacable sort qui leur est réservé...
Dans cette polyphonie qui mêle l'intime à l'universel, nous voyons des femmes raconter la manière dont leur existence est entrée en collision avec ce virus, fauchant des vies, celles de leurs proches ou bien celles de patients. Souvent les premiers jours ressemblent à une épée de Damoclès... Ces hommes, des pères, des maris, des fils, survivront-ils ? Savourer chaque seconde. Accepter le deuil... La vie s'organise comme on peut, tandis que des scientifiques, des femmes essentiellement, s'affairent pour chercher un vaccin...
L'originalité de cette dystopie, sa force, c'est bien cette fin des hommes qui sonne comme un glas, donnant à cette pandémie une dimension genrée dans sa manière de porter sa déflagration sur le monde entier. Comment envisager la vie avec cela, comment imaginer le monde d'après, le construire ? Vivre, survivre ? Recommencer ou plutôt commencer, bâtir quelque chose de nouveau.
En écho aux bouleversements que subit le monde, ce sont des voix, des tranches de vies qui s'expriment, avec la manière dont une catastrophe planétaire peut exacerber les sentiments qui prévalaient avant son arrivée : la joie, la générosité, l'entraide, l'amertume, les jalousies, les ambitions effrénées...
Dans cette polyphonie qui nous promène aux quatre coins du monde, de l'Écosse à Singapour, de la Russie aux États-Unis, de Douarnenez à Oulan-Bator, de Biscarosse à la Patagonie, j'ai entendu de l'émotion, de la douleur, des chagrins qui dévastent, mais aussi de l'espoir, de l'empathie... J'ai été captivé, touché aussi...
Ici une femme attend un bébé et c'est un drame lorsqu'on lui apprend que ce sera un garçon...
La communauté LGBT est en crise elle aussi. Des hommes ont perdu leurs compagnons. Ils ont vu leur cercle social, leurs vies voler en éclats. Ils ont besoin d'aide.
Comment ne pas se laisser émouvoir par cette femme qui à toutes forces veut sauver ses garçons en les isolant... ? Comment ne pas être touché par cet homme qui s'exprime sur son blog, persuadé d'être immunisé, qui meurt seul, qui disparaît après avoir supplié quelqu'un de dire à sa mère hospitalisée, qu'il l'aimait.
Même cette femme chercheuse, avide de pouvoir et de célébrité, avide d'être celle qui sera la première à découvrir le vaccin, avide de décrocher le prix Nobel de médecine tant qu'à faire, vous vous rendez compte, une femme scientifique décrochant un prix Nobel, c'est si rare, elle serait la dix-huitième... Même cette femme ne nous paraît pas foncièrement antipathique...
Vivre ou survivre, ce n'est pas pareil. Recommencer, commencer quelque chose de nouveau. le monde alors change après cela. L'histoire va se fabriquer autrement désormais... Et puis, comment trouver l'amour dans un monde nouveau ? Dans ce grand besoin d'amour, des femmes découvrent qu'elles peuvent aimer d'autres femmes...
La fin des hommes, un monde où une pandémie efface peu à peu les hommes de la surface de la Terre, ce sont aussi des passages de ce récit que j'ai trouvé savoureux voire jubilatoires... La mortalité routière chute vertigineusement... de nombreux pays, y compris les plus improbables, voient arriver à leur tête des femmes présidentes, des guerres disparaissent même si certaines femmes veulent s'enrôler à la place des militaires hommes décimés non pas au champ de bataille mais dans leur lit... Des guerres disparaissent tout simplement parce que désormais les négociations pour obtenir la paix se font beaucoup plus facilement. Ah ! Comme j'ai trouvé merveilleux et si inspirant ce petit contrepied à notre tragique actualité...
Roman féministe ? Je ne l'ai pas perçu ainsi. Il est pour moi un roman au ton universel, un joli pas de côté, parfois grinçant, sur notre monde d'avant et notre monde d'après.
Le talent de
Christina Sweeney-Baird est d'avoir su mêler harmonieusement et avec intelligence des vies intimes et une humanité traversée de vertiges, de doutes et d'espoir.
Je remercie Babelio et les éditions Gallmeister, qui m'ont permis de découvrir ce roman dans le cadre d'une récente opération Masse Critique.