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EAN : 9782842059378
61 pages
1001 Nuits (11/01/2006)
3.94/5   73 notes
Résumé :
On connaît Jonathan Swift comme l'auteur des Voyages de Gulliver. On connaît moins, en revanche, le féroce pamphlétaire, d'un humour et d'une radicalité que les situationnistes n'auraient pas reniés. Dans un monde déjà en proie à la famine et à l'exclusion, Swift suggère de réinsérer, à son étrange manière, tes pauvres dans le cycle économique. Dans sa Modeste proposition, il note à propos de la "viande de bébé" : "J'admets qu'il s'agit d'un comestible assez cher, e... >Voir plus
Que lire après Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au publicVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Il s'agit d'un court texte (une dizaine de pages) de Jonathan Swift qui explique comment faire pour que les bébés soient plus rentables. La méthode préconisée, peut-être ironiquement, par Swift est la consommation de la viande de bébés en trop grand nombre par souci de rentabilité donc. Swift est irlandais et s'occupe par conséquent de problèmes irlandais, à savoir les famines en général. On peut voir dans cette oeuvre une vision cannibale de l'humanité : les riches mangent les pauvres. Selon certains, il s'agit d'une satire virulente pour attirer l'attention sur les problèmes sociaux. Les principaux visés sont les propriétaires terriens (cf. les koulaks) capitalistes mangeurs de bébés.
J'ai moins aimé que les « Voyages de Gulliver ».
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Une modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d'être à charge à leurs parents et à leur pays et pour les rendre utiles au public consiste en la consommation des enfants de l'âge d'un an, la viande étant particulièrement tendre à cet âge et l'enfant coûtant plus cher qu'il ne rapporte après cet âge ...

Mais où donc Swift est-il allé chercher cette idée cannibale ? L'a-t-il eue, en Irlande, alors qu'il se sentait impuissant lors de la famine ? L'a-t-il eue en resongeant à ses voyages et aux terres des sauvages et donc aux cannibales qui n'ont pas les mêmes prétentions à la morale et à la civilisation ? Ou l'a-t-il eue après avoir constaté qu'il s'agit toujours, pour vivre dans une civilisation dénuée de morale, d'exploitation de l'être humain ?

Ce modeste traité d'économie se propose de rapporter de l'argent aux pauvres, à ceux qui trouveraient de l'emploi dans le secteur de la viande de bébés, se propose aussi de rapporter de l'argent aux mères et cela permettrait donc de lutter contre la pauvreté, contre la faim, contre la surpopulation, contre la faim, contre le chômage etc. Qu'attendons-nous, diraient certains ? Allons-y quoi ! C'est pour le bénéfice de l'humanité, c'est pour le bien public !

Ce texte est plus d'actualité qu'il n'y paraît. Déjà, parce que le trafic d'être humains existe, il me semble. Peut-être que le trafic de viande existe ? En tout cas, l'humain est parfois traité comme de la viande, qu'on le mange ou non, on le consomme.
Ill faudrait néanmoins s'assurer que la modeste proposition de Swift ne se retrouve jamais dans le Codex Alimentarius. Autant je suis capable de manger des insectes en cas de famine, autant je suis incapable de manger de l'humain, même si ça serait plus "efficace" pour contrôler les naissances et "lutter contre la surpopulation". Oui, mais non.

Etant donné qu'on peut rapprocher ce texte des préoccupations politiques liées à la surpopulation, des crises que ladite surpopulation entraîne (je ne te remercie pas pour tes conneries Malthus), pour ouvrir le débat, on peut se demander si le contrôle des naissances en règle générale n'est pas à rapprocher de ce texte cannibale de Swift. Ainsi, le droit à l'avortement n'est-il pas un droit visant à limiter la surpopulation, à limiter le nombre d'enfants "malheureux", à empêcher aux femmes de se limiter au rôle de génitrices ? Mais alors que dire de la GPA lorsqu'elle amène des femmes à enchaîner les naissances, au péril de leur vie, et pire encore peut-être, à faire d'un enfant un objet marchand ? Personnellement, je suis fière que la GPA soit interdite en France au nom du principe d'indisponibilité du corps humain mais il est vrai qu'il est assez hypocrite de l'interdire et d'en profiter à l'étranger, en achetant son enfant en Ukraine ou ailleurs, et même sur Internet ... Sans déconner, j'ai vu les prix affichés pour des bébés, avec ou sans options ... Bref, voilà à quoi m'aura fait penser Swift. Comme quoi, il ne m'aura pas trop fait rire avec ce texte même s'il n'est pas dénué d'humour, loin de là, mais le sujet étant tellement sensible ... C'est assez difficile, pour moi, d'en rire à gorge déployée ... Trop consciente je suis qu'il y a un fonds de vérité derrière la satire plus que féroce de Swift.
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Les pauvres, c'est bien connu, ont la regrettable manie de se reproduire à outrance. de cette navrante propension à croître et multiplier découle un accroissement géométrique de la misère. Jusqu'à la famine.
Les solutions ? Elles existent, et l'auteur nous les livre : puisque les pauvres meurent de faim au point de ne pouvoir nourrir leur propre progéniture, qu'ils tirent les conclusions logiques de leurs choix : qu'ils mangent leurs enfants.

Sous la plume d'un Swift à l'ironie acide, c'est la famine en Irlande et l'indifférence coloniale de l'Angleterre qui est ici attaquée.
Un libelle inoubliable.
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La "Modeste proposition", de la plume du doyen de St-Patrick à Dublin, est publiée en 1729. le texte se présente sous la forme très moderne d'une étude d'impact, appuyée sur des statistiques, des projections, des estimations de nature économiques. Ne manquent plus qu'en annexes courbes et tableaux Excel !
Swift présente "cette oeuvre nécessaire, n'ayant d'autre motif que le bien public ..., que de faire aller le commerce, assurer le sort des enfants, soulager les pauvres, et procurer des jouissances aux riches."

L'auteur constate la grande misère des Irlandais, surchargés d'enfants.
Comme le préconisera Malthus, quelques 70 ans plus tard, Swift prétend avoir trouvé le moyen de réduire la population tout en améliorant son ordinaire : "un jeune enfant bien sain, bien nourri, est, à l'âge d'un an, un aliment délicieux, très nourrissant et très sain, bouilli, rôti, à l'étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu'il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût."
En préconisant le cannibalisme, Swift blasphème. Il franchit la frontière posée, depuis Christophe Colomb, entre le civilisé et le sauvage, celui qui dévore son semblable, nommé cannibale par le découvreur de l'Amérique, et celui qui se l'interdit au nom de sa religion. le premier est bien fondé à asservir l'autre, qui présente ce stigmate de l'inhumanité. Seul Montaigne ose manifester un certain scepticisme.
Mais Swift va plus loin. Emporté par sa logique productiviste, il rentabilise son projet par tous les moyens : "Ceux qui sont plus économes (et je dois convenir que les temps le demandent) peuvent écorcher le corps ; la peau, artistement préparée, fera d'admirables gants pour les dames, et des bottes d'été pour les beaux messieurs." Seuls quelques nazis oseront ce recyclage monstrueux quelques siècles plus tard.
Au passage Swift stigmatise en une formule radicale l'exploitation, de l'homme par l'homme dénoncée par Marx : " J'accorde que cet aliment sera un peu cher, et par conséquent il conviendra très-bien aux propriétaires, qui, puisqu'ils ont déjà dévoré la plupart des pères, paraissent avoir le plus de droits sur les enfants."
Au surplus la proposition pourrait faire cesser les violences conjugales : " Les hommes deviendraient aussi aux petits soins pour leurs femmes en état de grossesse qu'ils le sont aujourd'hui pour leurs juments, leurs vaches et leurs truies prêtes à mettre bas, et ils ne les menaceraient plus ni du poing ni du pied (comme ils en ont trop souvent l'habitude), de peur d'avortement." Elle pourrait doper le commerce extérieur par "l'addition de plusieurs milliers d'animaux à notre exportation de boeuf en baril, la consommation plus abondante de la chair de porc, et un perfectionnement dans la manière de faire de bon lard, dont nous manquons si fort, par suite de la grande destruction des cochons de lait, qui se servent trop souvent sur notre table, et qui ne sont nullement comparables, comme goût et comme magnificence, à un enfant d'un an, gras et d'une belle venue, qui, rôti tout entier, fera une figure considérable à un repas de lord-maire, ou à tout autre festin public."
Sans compter une diminution notable des papistes, trop prolifiques en terre devenue protestante, selon ce pasteur qui dit par ailleurs "n'avoir le moindre intérêt à poursuivre cette oeuvre nécessaire".
La satire et l'ironie du texte sont évidentes. Il pastiche le très sérieux économiste William Petty qui songeait à pastoraliser l'Irlande purgée de ses habitants catholiques, dans une arithmétique politique au accents de purification ethnique. Il moque les Anglais, les Irlandais, et, dans un effet de miroir, le narrateur lui même, avec son assurance naïve et sa fausse modestie.
Le pouvoir disruptif du Doyen est intact. En 1984, Peter O'Toole, acteur irlandais, organise une lecture publique de la Modeste Proposition au Gaiety Theatre de Dublin. de nombreux spectateurs quittent la salle, très choqués. Une chaîne de télévision irlandaise qui retransmet le spectacle met fin à la diffusion après des appels de spectateurs indignés et diffusé des publicités à la place. Peter O'Toole ne peut terminer sa lecture.
Avec son humour "gore", son raisonnement par l'absurde, son goût de la transgression, intacts malgré le temps, les génération de Charlie Hebdo devraient y trouver leur compte, et leurs enseignants exploiter cette mine de caricatures et de blasphèmes, blasons de la liberté d'expression.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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La révolte de Swift face à la misère et à l'injustice éclate surtout dans cet ouvrage, d'une ironie terrible. La solution qu'il préconise est d'une simplicité ogresque : il suggère aux familles pauvres irlandaises de vendre leurs enfants comme nourriture aux riches, afin qu'une charge économique devienne pour elles un profit général. Cet ouvrage, qui développe sur le mode ironique un discours cynique et cruel fit scandale, car certains en firent une lecture au premier degré.

Extrait : « Un jeune enfant bien sain, bien nourri, est, à l'âge d'un an, un aliment délicieux, très nourrissant et très sain, bouilli, rôti, à l'étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu'il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût.» Avec beaucoup de sens pratique, il conseille aux mères « de les allaiter copieusement dans le dernier mois, de façon à les rendre dodus et gras pour une bonne table ».

Un pamphlet "savoureux" !
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critiques presse (1)
Lexpress
16 juillet 2012
Avec Swift, le second degré est le premier pas sur l'échelle de la vérité.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
J'ai calculé qu'un nouveau-né pèse en moyenne douze livres, et qu'il peut, en une année solaire, s'il est convenablement nourri, atteindre vingt-huit livres.
Je reconnais que ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants.

(Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public, p.14)
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Vive le raisonnement économique, p. 13-14 :
Je reconnais que ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent être les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants.
On trouvera de la chair de nourrisson toute l’année, mais elle sera plus abondante en mars, ainsi qu’un peu avant et après, car un auteur sérieux, un éminent médecin français, nous assure que grâce aux effets prolifiques du régime à base de poisson, il naît, neuf mois environ après le Carême, plus d’enfants dans les pays catholiques qu’en toute autre saison ; c’est donc à compter d’un an après le Carême que les marchés seront le mieux fournis, étant donné que la proportion de nourrissons papistes dans le royaume est au moins de trois pour un ; par conséquent, mon projet aura l’avantage supplémentaire de réduire le nombre de papistes parmi nous.
Ainsi que je l’ai précisé plus haut, subvenir aux besoins d’un enfant de mendiant (catégorie dans laquelle j’inclus les métayers, les journaliers et les quatre cinquième des fermiers) revient à deux shillings par an, haillons inclus, et je crois que pas un gentleman ne rechignera à débourser dix shillings pour un nourrisson de boucherie engraissé à point qui, je le répète, fournira quatre plats d’une viande excellente et nourrissante, que l’on traite un ami ou que l’on dîne en famille. Ainsi, les hobereaux apprendront à être de bons propriétaires et verront leur popularité croître parmi les métayers, les mères feront un bénéfice net de huit shillings et seront aptes au travail jusqu’à ce qu’elles produisent un autre enfant.
Ceux qui sont économes (ce que réclame, je dois bien l’avouer, notre époque) pourront écorcher la pièce avant de la dépecer ; la peau, traitée comme il convient, fera d’admirables gants pour dames et des bottes d’été pour messieurs raffinés.
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En supposant que mille familles de cette ville deviennent des acheteurs réguliers de viande de nourrisson, sans parler de ceux qui pourraient en consommer à l’occasion d’agapes familiales, mariages et baptêmes en particulier, j’ai calculé que Dublin offrirait un débouché annuel d’environ vingt mille pièces.
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Ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants.
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J'admets qu'il s'agit d'un comestible assez cher, et c'est pourquoi je le destine aux propriétaires terriens : ayant sucé la moelle des pères, ils semblent les plus qualifiés pour manger la chair des fils.
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