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Pierre Leyris (Traducteur)
EAN : 9782228896115
198 pages
Payot et Rivages (05/09/2002)
4.1/5   30 notes
Résumé :

Présenté par Pierre Leyris. "J'ai rencontré John Synge pour la première fois pendant l'automne de 1896, alors que j'avais trente et un ans et lui vingt-quatre." (…) Quelqu'un dont j'oublie le nom m'annonça qu'il y avait un Irlandais pauvre sous les toits de l'hôtel et nous présenta l'un à l'autre. Synge était venu récemment d'Italie, il avait joué du violon pour les paysans de la Forêt Noire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
L'Irlande et moi, c'est une grande histoire d'amour, et elle a commencé au lycée, quand on a étudié L'homme d'Aran de Robert Flaherty. Dans un noir et blanc âpre et romantique, une famille de pêcheurs lutte contre les éléments. Les currachs (barques typiques de la côte ouest irlandaise) accostent au pied de hautes falaises de pierre, poussés par la violence des vagues. La terre est cultivée pauvrement, les plateaux pierreux - la pierre, partout la pierre, pas un seul arbre - est recouverte de varechs ramassés sur les plages, à même l'écume bouillonnante et on y fait pousser des pommes de terre comme on peut. le soir, on joue de la musique, on danse, on raconte des histoires de fées (les fées sont masculines en irlandais) et on boit, parfois trop. Et la mer emporte régulièrement les hommes, rejetant des currachs vides sur les côtes des jours ou des semaines plus tard. La mort y est bien sûr omniprésente, inscrite dans leur sang.
Le récit de John Millington Synge rejoint ici le documentaire de Flaherty ou plutôt, le réalisateur américain a voulu retrouver cette sauvagerie dépeinte par Synge dans son oeuvre en la mettant en scène.
Peu avant de découvrir ces trois blocs de pierre aux frontières de l'Europe - Inishmore, Inishman et Inisheer - Synge est déprimé, malade aussi. Son ami William Butler Yeats lui conseille d'aller travailler son irlandais, étudié à l'école, auprès des populations d'Aran, et Synge finit par suivre son conseil. Après quelques jours sur la plus grande île, Inishmore, où il découvre les moeurs des îliens, il part sur les deux plus petites qu'il préfèrera à la grande,d éjà trop moderne et touristique (et on est à l'aube du XXème siècle).
Très vite, il s'attachera aux habitants, à leur vie rude qui les force à tout savoir maîtriser, de la pêche à l'agriculture et à l'élevage, jusqu'au saut du haut des falaises pour pouvoir monter sur les currachs sur certaines parties escarpées de l'île. Il en aimera les croyances, les légendes, les histoires, le rouge flamboyant des robes des femmes qui contrastent avec le gris du ciel et de la pierre, il acceptera les tempêtes, les nuages lourds, les embruns, les vagues grises et en acceptera la mélancolie qui en découle. Synge reviendra plusieurs années de suite, attiré par cette partie de l'Irlande si différente.
J'ai plongé dans ces pages avec délice, revivant tout au creux de mon coeur cette atmosphère de bout de monde les hivers surtout quand les éléments se déchainent et qu'on se sent si petit, quand le monde se referme sur lui-même seul face à l'océan.
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Ce n'est pas sans quelque appréhension que j'ai ouvert ce livre : John Millington Synge est un tel "monument" de la littérature irlandaise que cela avait quelque chose d'effrayant de l'aborder ainsi en novice ! Parce que je ne suis pas une bête de course pour une lecture en VO, je me suis procurée l'édition française, admirablement traduite par Pierre Leyris.

Les iles Aran (Aran Island) a été publié en 1907 et Synge y relate ses quatre voyages entre 1898 et 1905. Il est parti s'aérer l'esprit là-bas, sur les conseils de Yeats, qu'il a rencontré à Paris, pour lutter contre la mélancolie qui le ronge. Il laisse donc tout derrière lui, les amours malheureuses, les querelles littéraires, il s'en va.
Il ne s'attarde pas trop sur Inishmore, qu'il juge plutôt défigurée par le tourisme (rappelez-vous, nous sommes en 1898, que dirait Synge aujourd'hui ?). Il réside surtout sur l'île du milieu, (Inis Meain, en gaélique, Inishmaan, en anglais), mais visite aussi l'île du sud, Inisheer (ou Inis Oirr, en gaélique).

"Dans les pages qui suivent, je donne un compte-rendu direct de la vie que j'ai menée dans ces îles et de ce que j'y ai rencontré, sans rien inventer ni rien changer d'essentiel", écrit-il en introduction de son récit de voyage. Et c'est bien cette fraîcheur, cette manière de dire les choses sans embages qui m'a séduite.
Synge parvient à embarquer le lecteur avec lui et à lui faire vivre sa vie là-bas. J'ai été bluffée par son écriture très simple et ce regard d'anthropologue à qui rien n'échappe. Il y a un peu de naïveté parfois : il trouve des différences entre les femmes de ces trois îles, dans la forme de leur visage par exemple...

Il n'a aucun a priori, il parvient à approfondir son gaélique, à participer aux fêtes où l'on danse jusqu'à n'en plus pouvoir sur le Noir Coquin. Il teste la poteen (alcool clandestin). Il vadrouille en pampooties, sandales locales, il embarque à bord des coracles (barques des îles Aran qui servent à tout : transporter du bétail, de la tourbe, ou les habitants). Il admire les tenues des femmes, vêtues de jupons rouge foncé, dans ces îles noyées de brouillard - mais parfois aussi arrassées par le soleil. Il n'y a pas un arbre ici : un arbre, pour les îliens d'Aran, c'est un buisson ! Synge est saisi par la rudesse de la vie ici, mais aussi admiratif de la simplicité des habitants qui pourtant savent faire beaucoup plus que les habitants du "continent" : pêcher, naviguer sur cet océan atlantique souvent agité, jardiner sur ces terres arides, bricoler, faire de la soude avec le varech, s'occuper des bêtes, parler deux langues (gaélique mais aussi anglais) et... raconter des histoires !

Captivée, j'ai écouté avec lui les récits de vieilles personnes sur les fairies (traduite par le mot "fées", mais le traducteur précise qu"'il faut se souvenir qu'en Irlande, fairy désigne très souvent des petits êtres masculins, des sortes de lutins") qui sont des êtres malfaisants. Elles sont omniprésentes parmi les habitants, ils vivent avec elles et les craignent.
Ils montrent à Synge leurs repères : "Vous voyez cette paroi rocheuse toute droite ? (...). C'est là que les fées jouent à la balle pendant la nuit, et on peut voir les marques de leurs talons quand on vient le matin, et trois pierres qu'elles ont pour marquer la limite, et une autre grosse pierre sur laquelle elles font rebondir la balle. C'est bien souvent que les gars ont enlevé les trois pierres, mais elles sont toujours revenues là le matin".

Autant dire que ce livre est enchanteur à bien de titres et que c'est avec un pincement au coeur que je l'ai refermé ! Je ne peux que vous conseiller l'expérience de ce voyage fabuleux !
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Les îles Aran sont constituées de trois ilots au large de Galway, trois ilots quasi désertiques, battus par les vents et les pluies de l'Atlantique. On y trouve cependant des traces d'habitations très anciennes et il y eut d'importants monastères ; mais, quand John M. Synge y vint pour la première fois en 1898, ses habitants semblaient encore étrangers à l'histoire, à la civilisation européenne, vivant selon des rites ancestraux. La langue, a côté d'un anglais souvent rudimentaire, était le Gaëlique, que Synge avait étudié à Dublin. Au début si tout lui parut un peu étrange, dans un climat de si grande désolation, Synge fut vite séduit par ces habitants simples et habiles, tout à la fois paysans et pêcheurs, s'embarquant au péril de leurs vies sur de frêles barques, et qui savaient en dépit de la rudesse de leurs îles se montrer si souvent joviaux. En sorte qu'il y revint à plusieurs reprises et que ces séjours, après des années difficiles, semblent l'avoir régénéré. Il y devint un observateur attentif, écoutant au coin d'un feu les contes des vieillards, sur les fées et les fantômes. Il traduisit également quelques chansons et poèmes et rendit assez bien dans ces comptes rendus qui constituent ce livre le caractère envoûtant de ces iles
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Voici un beau documentaire sur les îles Aran à la fin du 19ème siècle. J'ai eu peur d'être déçue par un style devenu obsolète mais pas du tout.
Les descriptions de paysages, le cri des fous de Bassan, les anecdotes, contes et chansons... Tout y est ! Synge parvient à nous faire habiter les iles et dès lors, elles nous habitent pour un bon moment. J'entends de chez moi les oiseaux de là-bas, je les vois voler, je sens cette brume qui emplit tout de grisaille me traverser, je vois les jeunes femmes en robe rouge filer la laine, j'entends les chants gaéliques des vieux conteurs et en suis toute tourneboulée...
Un très très bon moment de dépaysement et de rusticité comme je les aime !
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J'avais envie de retrouver l'univers particulier de l'Irlande sauvage, à l'Ouest de l'île. J'ai donc choisi de lire ce récit de voyage de John Millington Synge, important dramaturge et poète. L'homme ne connaissait pas le Gaélique, Yeats lui conseilla de partie en voyage du côté des îles Aran pour apprendre les rudiments de l'Irlandais.

Dans un premier temps, Synge a une écriture d'une grande finesse et d'une extrême poésie qui parvient à capter l'existence à la fois rude et simple de l'Irlande rurale et insulaire de la fin du XIXe siècle. Scènes de pêche, enterrement, récits au coin du feu, l'auteur retranscrit ce qu'il a vécu avec minutie. Les paysages prennent toute leur ampleur grâce à un sens de l'image d'une grande sensibilité.

Dans ces îles, les légendes et les contes ont une importance particulière. Synge retranscrit des histoires entières racontées par les autochtones. La traditions des conteurs est très développée dans l'Irlande traditionnelle. Les Irlandais croient réellement à ce qu'ils appelle le Petit Peuple, les fée et les sorcières. Ces croyances ne sont pas en contradiction avec le catholicisme, également profondément ancré. L'écrivain a capté cette spécificité de la culture Irlandaise traditionnelle avec bienveillance et réalisme.

En somme, Les îles Aran a été un voyage dépaysant dans une Irlande sauvage et mystique. Entre les journées de pêche et les contes centenaires, c'est la lecture idéale si vous souhaitez en savoir plus sur la mentalité de l'Erin dans ce qu'elle a de plus traditionnel et typique.
Lien : https://lageekosophe.com/
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Depuis vingt-quatre heures c'est la tempête, et comme je me suis promené sur les falaises j'ai les cheveux raidis par le sel. D'énormes masses d'embruns s'envolaient du abs des falaises et parfois, saisies par le vent qui les emportait en tourbillon, allaient tomber à quelque distance dans les terres. Quand l'une d'elles venait à tomber sur moi, je devais m'accroupir un moment, enveloppé et aveuglé que j'étais d'une blanche grêle d'écume.
Les vagues étaient si formidables que, lorsque j'en voyais une plus grosse que les autres venir sur moi, je me détournais d'instinct pour me cacher, comme on cligne des paupières quand on est frappé aux yeux.
Au bout de quelques heures, l'esprit est confondu par cette agitation et cette lutte sans fin de la mer, et l'exultation des premiers moments fait place à un accablement complet.
A l'angle sud-ouest de l'île, j'ai rencontré un groupe de gens en train de récolter le varech, qui forme une couche épaisse à présent sur les rochers. Les hommes le tiraient du ressac avec des râteaux, et puis une bande de jeunes filles le hissaient au sommet de la falaise.
En plus de leurs vêtements ordinaires, les filles portaient une peau de mouton brute sur les épaules pour absorber l'eau de mer qui suintait, et elles avaient l'air extrêmement sauvages et ressemblaient à des phoques avec le sel qui s'attachait à leurs lèvres et les guirlandes que le varech nouait dans leurs cheveux.
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En cette île le continuel va-et-vient de la misère d'hier soir à la splendeur d'aujourd'hui semble créer une affinité entre les états d'âme de ces gens et ceux qui sont présents chez les artistes, tour à tour dans l'extase et l'abattement, ou dans certaines formes d'aliénation.
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Sur ces rochers où ne se développe aucune vie végétale ni animale,toutes les saisons sont les mêmes et cette journée de juin est si pleine d'automne que je tends l'oreille inconsciemment au bruissement des feuilles mortes.
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Quand le soleil disparut, telle une pastille d'or flamboyant dans la mer, le froid devint intense. Alors les hommes se mirent à parler entre eux; et, perdant le fil, je restai, parti en songe, à regarder la mer d'huile pâle autour de nous et les falaises basses de l'île qui s'élevaient en pente passé le village, avec sa couronne de fumée vers la silhouette de Dun Conor.
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Plus tard, j'eus un long entretien avec un jeune homme qui est curieux de la vie moderne, et je lui expliquai une manœuvre de Bourse compliquée pour accaparer une marchandise, stratagème dont j'avais entendu parler récemment. Lorsque je fus parvenu à lui faire comprendre, il se récria de plaisir et d'amusement.
"Eh bien, dit-il quand ils se fut apaisé, c'est-il pas grande merveille de penser que ces richards sont aussi brigands que nous ?"
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