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Critique de Alfaric


Une reprise onirique du conte de "La Belle et la Bête" qui dans une ambiance très Mille et Une Nuits fait la part belle à la mer et à ses mystères, avec en plus la quête du père pour sa retrouver sa fille qui emprunte au "Don Quichotte" de Cervantès. J’aurais dû adorer, et au final j’ai détesté ! (et j’ai dû lire cette bande dessinée deux fois, parce que la première fois, j’étais complètement dans le schwartz tellement je pigeais rien du tout !)


OK pour "La Belle et la Bête", on est clairement dans le symbolisme à la Jean Cocteau :
- le roi de méduses cherche un sens à sa vie en se perdant dans des plaisirs charnels bestiaux et violents, avant de se perdre dans un amour platonique pour une jouvencelle proche de la sainteté.
- on oppose la figure du sultan Onagre de Laitance qui vous un culte à sa défunte épouse et le tyran Pidal de Canope qui vous un culte aux plaisirs de la chair
- pour appâter le souverain des mers on hésite entre deux nonnes vierges, la petite et innocente Bethel et la Cheikha, une cougar obèse nymphomane…
Il y a un côté clairement psychanalytique, le conscient de l’auteur Pierre Bettencourt s’incarnant dans la rationalité du loyal conseille-confident du sultan (son sosie et son homonyme), qui est presque le narrateur de l’histoire, son subconscient s’incarnant dans l’irrationalité du roi des méduses qui se perd dans ses fantasmes thanato-érotiques. Alors Thierry Ségur alterne merveilleux et grotesque, pudeur et crudité, et Igor Szalewa alterne tirades poétiques et tirades salaces, scènes platoniques et scènes sadiques. On a quelques dialogues qui lorgnent du côté du porno BDSM, et on développe la thématique la douleur qui mène au plaisir : viols, amputation, castration, éviscération, démembrement, remarques salaces sur les vagins déchirés et les utérus explosés… Non merci ! L’existentialisme à l’aune du sado-maso s’est peut-être tendance dans certains milieux intello d’hier et d’aujourd’hui, mais ce n’est pas pour moi… (à la limite tout ça m’a rappelé un conte philosophique de René Barjavel où on mutilait un prince à répétition pour qu’il comprenne mieux le sens de la vie)

Le côté "Don Quichotte" est assez pour ne pas dire très décousu...
Donc pour retrouver Lénée, nous suivons par intermittence son père qui suite au rêve de sa cadette Béthel s’en va aux espumas pour engager le chasseur de monstres Remugle qui achète des esclaves femelles dans l’optique dappâter le serial violeur océanique en naviguant à bord du navire d’une « sanglante truie-ogresse »… Et il y le deus ex machina de la Sainte à la Lampe Pigeon, qui apparaît en épiphanie aux deux nonnes vierges avant d’offrir à nos quêteurs une conque magique qui permet de convoquer des sirènes culturistes qui vont attaquer sans merci le Neptune repenti alors que celui-ci a déjà relâché Lénée…

Je ne connais pas l’œuvre originale, donc je ne sais pas si c’est l’auteur Pierre Bettencourt ou le scénariste Igor Szalewa qui est incapable de réaliser une narration claire. Ellipses, hiatus, non-dits… oui d’accord, mais passé un cap c’est contre-productif car impossible de suivre l’histoire et encore moins de la comprendre à moins de toute relire 2 à 3 fois pour commencer à comprendre le schmilblick.
Faut s’accrocher quand même pour ne pas perdre le fil avec le complot de Pidal pour s’emparer de Laitance, le complot de Baebius pour renverser son maître à Canope, la guerre entre les deux cités, le martyr alienesque de la sotte, laide et décadente Sota-Meguilla au le délire des masques du sultan Onagre et des voiles de la sultane Adèle (WTF ?)…
Et pour compliquer encore l’affaire, le naming n’est pas explicite : il faut relire et relire les phylactères pour savoir qui est qui entre les dieux, les lieux et les personnages… Sans parler des personnages qui ne sont jamais nommés en 72 pages !

L’épilogue est bien perché aussi :



J’adore les dessins inimitables Thierry Ségur, mais ici avec le côté freaks il n’est pas forcément à la fête, surtout avec le personnage de la maquerelle sado-maso Vorüber. Toutefois les décors restent superbes, avec quelques cases magnifiques à l’esthétique orientalisante, et il se régale à s’inspirer des muses du XIXe siècle pour le charadesign de Lénée/Adèle avant de nous régaler avec un combat entre Onagre et le roi des méduses qui m’a semblé emprunter au "Moby Dick" de Melville.


Je suis sévère avec cette bande dessinée, mais il suffisait de lâcher du lest sur le thanatos pour laisser plus de place à l’eros, et à être plus clair et plus explicite dans la narration et les explications pour obtenir quelque chose d’autrement plus accessible et donc d’autrement plus réussi.
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