Son ouvrage ne ressemble pas à un traité grammatical – tel le Traité de la ponctuation française de Jacques Drillon –, mais plutôt à un voyage dans la ponctuation entendue comme une expérience, forte et puissante.
Lire la critique sur le site : Telerama
Rien n’a jamais été publié qui ressemble au court mais dense ouvrage de Peter Szendy, A coups de points, dans lequel le philosophe pose les bases d’une stigmatologie - peut-être pas une science mais une analyse cohérente de tous les «effets ponctuants», quel que soit le domaine où ils apparaissent.
Lire la critique sur le site : Liberation
Il faut prendre très au sérieux cette inquiétude de Grimarest quant à la place des points d’exclamation ou d’interrogation. Il faut même, sans doute, l’entendre au-delà de son objet apparent, à savoir l’adéquation et la stabilité de l’intonation dans la lecture à haute voix. Car on pourrait bien sûr avoir les mêmes craintes non seulement quant à la place de toutes les émoticônes du monde – doit-on les mettre avant ou après l’énoncé qu’elles sont censées modaliser, par exemple en l’ironisant ou en l’atténuant ? -, mais aussi quant à la juste position des signes apparemment les plus blasés, flegmatiques et impassibles, comme le point, la virgule, le point-virgule, etc. Comment détecter, en effet, au fil de la conduite de la diction(qu’elle soit destinée à soi-même ou aux autres), si le prochain carrefour sera un stop ou un cédez-le-passage, un rond-point ou une entrée d’autoroute – je file, on l’aura compris, la métaphore de Cassiodore actualisée par Adorno. Comment le savoir quand c’est au terme du trajet, en fin de phrase que l’on rencontre la signalétique tant attendue ?
C’est donc le fils qui aura complété la Tristrapédie à laquelle il aurait dû être arrimé par le point de capiton de sa castration. Le traité incomplet du père devient ainsi une simple partie de la tristramographie générale, de cette autobiographie impossible intitulée Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, où le narrateur ne cesse de relancer sa course après lui-même. Une course après sa coïncidence avec soi qui est aussi, comme on l’a déjà entrevu et comme le disent explicitement plusieurs passages du livre septième, une course contre la mort. L’événement de la coupure n’a donc pas l’effet de ponctuation escompté. Le père, pas plus que le fils, ne réussit à circonscrire ou circoncire le sujet de la monumentale tristrencyclopédie. Le point de capiton, loin de pouvoir ancrer quoi ou qui que ce soit quelque part, est décapitonné.
Nommer ici, sur le seuil, cette violence ; la convoquer d'entrée de jeu, c'est une façon de dire d'emblée l'horizon vers lequel les pages qui suivent se porteront : vers l'exercice du pouvoir qui, toujours, est inhérent à chaque geste ponctuant. Car la ponctuation n'est jamais qu'une affaire de style ou de rhétorique au sens courant : elle est force, elle est puissance, elle est décision politique.
La strigmatologie.
Les Petites conférences #4
"Faire son cinéma" par Peter Szendy
Une conférence tout public, à partir de 10 ans.
C'est une école pas comme les autres. On pourrait l'appeler « l'école du dimanche ». On peut venir avec ses amis avec les parents ou les grands-parents, en famille ou tout seul, adulte ou enfant, pour rencontrer, écouter et dialoguer avec les plus grands, philosophes, historiens, plasticiens, musiciens, géographes, astrophysiciens, écrivains, mathématiciens, cuisiniers…Tous passionnés par leur métier et leur recherche ont accepté de venir partager leurs savoirs : Ulysse, le Minotaure, les mots, les images, la guerre, l'amour, la mort, la fête, l'amitié, les trous noirs, le langage, la beauté, le temps, la révolte, le fini et l'infini…À chaque fois un pan du monde est touché. Ensuite la conférence et le dialogue avec le public seront publiés aux éditions Bayard dans la collection qui comprend déjà plus de 80 titres et dont les livres sont traduits dans de nombreux pays en Europe et plus loin encore.
On entend souvent dire : « arrête de faire ton cinéma ». Cette phrase, on croit en général que c'est juste une façon de parler. Mais ne devrait-on pas la prendre au sérieux ? Walter Murch, qui fut le monteur de Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now, affirme que l'on fait du montage en clignant des yeux. On fait aussi des panoramiques en tournant la tête. Et il y a bien d'autres raisons de penser que le cinéma a commencé avant les inventions techniques auxquelles on l'associe (un trottoir roulant, un escalator, c'est déjà du travelling). Tout le monde, en somme, fait son cinéma.
+ Lire la suite