C'est le récit de la vie de ce militant révolutionnaire pour qui le concept de lutte de classe n'est pas qu'une idée. Né d'un père communiste qui n'accepte pas son engagement trotskyste, très jeune engagé auprès des jeunesses communistes (dont il sera exclu par
Henri Weber pour avoir lu "le révolution trahie" de Trotsky) il s'engage finalement auprès de Voix Ouvrière en 1962 (le précédent nom de
Lutte Ouvrière). le livre nous raconte ses principaux combats, d'Ideal Standard à Girosteel en 1969 et 1972 , il est alors à la CFDT contestataire de l'après 1968. Puis, de 1982 à 1995, c'est dans les usines de Chausson et Continental de 2009 à 2016 ( il y intervient de l'extérieur) à Creil ( dans l'Oise) qu'il sera à la direction des comités de grève ou de lutte défensives lors de fermetures d'usines.
Ce récit nous explique les difficultés de militer dans les entreprises : pour un révolutionnaire, se confronter au patronat est une évidence. Mais il faut en permanence lutter contre les appateils syndicaux (il sera exclu de la CFDT, de la CGT) qui protègent leurs intérêts boutiquiers et vendent la peau des travailleurs en négociant sur les solutions patronales ( c'est le syndicalisme de proposition qu'Edmond Maire avait institué la CFDT et que reprend peu a peu la CGT.).
Quand la CGT était pieds et poings liés au Parti Communiste Français, cette lutte allait jusqu'au menace et attaques physiques (les procédés staliniens étaient encore d'actualité).
A Chausson, il nous explique pourquoi il dût créer un nouveau syndicat, le Syndicat Démocratique Chausson (SDC).
Dans les épisodes de lutte de Continental et Affinal , il nous raconte aussi les collusions du pouvoir d'Etat (de gauche ou de droite) avec le patronat, et dénonce les yeux fermés de la justice quand les intérêts des puissants sont mis en jeu.
Ce livre est donc un
passage de témoin, c'est à dire qu'il faut que les travailleurs reprennent le bâton de la lutte, la mènent eux mêmes, avec détermination et pour leurs propres intérêts sans se faire d'illusion sur l'aide des syndicats, partis au pouvoir, justice. La démocratie ouvrière doit être la clé des luttes, sans elle les travailleurs s'exposent aux trahisons, manipulations, défaites...
C'est un livre passionnant, mais pas forcément facile à lire. L'âpreté du combat, les dénonciations des collaborations des syndicats, les difficultés de l'engagement militant, cela peut interroger, décontenancer celui qui veut changer le monde en commencant dans l'entreprise. Mais dire qu'il s'adresse à des militants serait réducteur.
Si
Roland Szpirko évoque, dans quelques chapitres, ses aventures électorales dans la région de l'Oise, il s'étend peu sur les rares réussites de
Lutte Ouvrière aux élections, ni d'ailleurs des choix politiques de son organisation, des différences avec le reste de l'extrême gauche. Si on comprend bien, dans ses propos, que la gauche réformiste, du PC au PS, a trahi depuis longtemps la classe ouvrière, il ne parle pas beaucoup de son engagement politique, si ce n'est qu'à travers ses luttes d'entreprises et quelques comités de locataires. Là n'est pas l'objectif du livre.
Je ne crois pas trahir l'auteur en disant que
Roland Szpirko est un militant ouvrier, internationaliste et c'est de cette activité révolutionnaire qu'il voulait nous parler.
il donne en effet des illustrations de la direction que peut prendre le combat ouvrier lorsqu'il y a une effervescence, qu'elle révèle des travailleurs à eux-mêmes, et que la lutte est menée par les comités de grèves sans distinction de nationalités, de couleur de peau, de religion ou autres boutiques syndicales. C'est la démocratie révolutionnaire qui est expliquée aux lecteurs. Et c'est, d'après lui, ce combat mené jusqu'au bout, par les travailleurs eux-mêmes qui pourrait changer la donne !
J'ai passé un bon moment avec ce militant, et je remercie Masse Critique et les éditions Les bons Caractères pour cette lecture enrichissante !