Mon ciel était au beau fixe et je me laissais réchauffer aussi bien par mes sentiments amoureux que par le soleil. Nous étions comme en lune de miel, tout était parfait et je me disais que la vie me faisait cadeau de moments merveilleux. C’était si bon de me sentir aimée!
Pour la première fois, je me suis sentie vidée de toute la souffrance de mon enfance. Je me suis sentie enfin libre. Et la petite fille a disparu pour de bon. Cela m’a fait sourire, comme si je lui avais enfin offert la légèreté qu’elle méritait et les ailes dont on l’avait privée.
J’ai appris à vivre seule et indépendante. La solitude ne me fait plus peur, bien au contraire; j’apprécie de plus en plus de n’avoir aucun compte à rendre à personne.
Le pire, dans tout ça, c’est qu’il y a des personnes qui se souviennent à présent des choses qu’elles ont vues. Je ne sais quoi dire à celles-là. Quand j’ai eu besoin d’elles, elles m’ont ignorée, abandonnée. J’espère que dans leur cœur elles sont conscientes qu’elles ont raté une belle occasion de dire la vérité et d’éviter de se faire complices du crime.
Aimer, c’est un bien grand mot! Je ne sais pas ce que signifie l’amour. Je ne sais pas ce qu’on peut ressentir vraiment quand on aime. Ce serait te mentir, de te dire que je t’aime.
Il faut toujours une première fois
La route a été longue, mais elle en valait la peine. Nous avons pu nous en rendre compte, l’amour nous unit malgré tout, cet amour fraternel qui nous a encouragés et rendus plus forts. Après plusieurs années de doutes et d’angoisses, notre victoire n’en a que plus de prix.
Nous étions encore tellement hantés par notre enfance massacrée qu’elle nous sautait chaque fois à la figure. Un rien déclenchait des accès de colère et de frustration, des pleurs et des cris. Un venin en nous empoisonnait notre vie. Il fallait qu’il sorte!
L’écriture a brisé le mur du silence. Et, bien malgré moi, ce livre a aidé beaucoup de gens. Si mes frères et sœurs avaient eu le même don et le même réflexe et si chacun d’eux avait écrit tout ce qu’il a vu et vécu, cela aurait constitué un livre qui n’aurait pas eu de fin.
Notre souffrance ne s’atténuait pas avec les années, elle était au contraire devenue une vraie torture, beaucoup trop lourde à porter. Si nous voulions vivre enfin une vie normale, nous devions faire quelque chose, cesser d’avoir peur et dénoncer.