Jehanne, pieuse vierge de Domfroy, entend des voix, qui lui enjoignent de "bouter les Azuléens hors de Falatie". Vous aussi, cela vous rappelle quelque chose? Alors gardez l'histoire de Jeanne d'Arc dans un coin de votre tête et venez découvrir le roman de Benedict Taffin.
Sidoine de Valzan, mercenaire de son état, est envoyé récupérer la jeune Jehanne, avec pour mission de la ramener fissa voir le dauphin. Mais le guerrier, une fois arrivé en vue du village, préfère passer la nuit dans un lupanar, en compagnie d'une charmante donzelle, histoire de se remettre de ses pérégrinations. Lorsqu'il arrive à Domfroy, le village a été rasé, et la sainte occise. En d'autres termes, l'héroïne meurt dans les trois premières pages. Dommage, non? Une fois amorcé ce départ en beauté, tout va de mal en pis. Sidoine étant dans de beaux draps, il décide de récupérer la prostituée de la veille, et d'en faire une vierge en liaison avec le divin. Pourquoi pas, après tout? le voilà donc flanqué de la jeune Oriane, et en route vers de nouvelles aventures.
Oui, mais voilà. Tout n'est pas si simple. Parce qu'une sorcière est sur ses pas, que lui-même est habité par un démon lubrique, et qu'Oriane, en plus de ne pas avoir sa langue dans sa poche, est particulièrement butée. Bon gré, mal gré, les personnages cohabitent, et le duo fonctionne à merveille. A partir de là, vous pouvez laisser Jeanne d'Arc de côté et vous concentrer sur la petite merveille que vous avez entre les mains, histoire de ne pas en perdre une miette.
Oriane, jeune femme surprenante, à la fois forte et fragile, s'oppose vivement à Sidoine, qui est plus... nature, disons. Lui non plus n'a pas la langue dans sa poche, et n'hésite pas trop à dire ce qu'il pense, dans un langage toujours haut en couleur, et en déployant un éventail de jurons assez sophistiqué. Et la présence d'Arkshaar, son démon, offre des dialogues savoureux. le contraste entre le sens de l'honneur démesuré de Sidoine et l'expression de ses bas instincts est d'ailleurs assez drôle, et offre un angle de vue rafraîchissant.
Ces trois-là évoluent donc dans un contexte historique parfaitement retranscrit ; l'auteur pousse la perfection jusqu'à imiter le langage médiéval, ou à placer de subtiles références à l'époque. Et c'est en en détournant une grande partie que Benedict Taffin nous propose un roman sublime. Les têtes de chapitres rappellent l'histoire avec un grand H, et tout le jeu consiste à se demander dans quelle mesure elle va être modifiée, amenée à un autre point, tout en conservant les grandes lignes. La réinterprétation du mythe de Jeanne d'Arc est magistrale - en plus d'être inédite. Ajoutons, en plus, qu'elle est servie par un sens du détail admirable, qui fait de ce roman un récit très vivant, visuel et attrayant. Les pages se tournent toutes seules, et on est très rapidement absorbés par l'aventure. A tel point qu'au bout d'un moment, on finit par se rappeler brutalement comment finit l'histoire officielle de Jeanne d'Arc, et à tourner les pages avec une avidité non contrôlée. Je crois que, comme d'autres lecteurs, le seul reproche - mais qui n'en est pas vraiment un - que j'aurais à faire serait sur la longueur du roman: j'aurais bien volontiers suivi Oriane et Sidoine sur des centaines de pages en plus!
En bref, vous l'aurez sûrement compris,
La Pucelle et le Démon est un bon coup de coeur! Alors n'hésitez pas, jetez-vous dessus, ce roman gagne à être connu!
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