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EAN : 9782757806319
389 pages
Points (31/10/2007)
3.91/5   27 notes
Résumé :

* L'enfant de sable - Alors, j'ai décidé que la huitième naissance serait une fête, la plus grande des cérémonies, une joie qui durerait sept jours et sept nuits. Tu seras une mère, une vraie mère, tu seras une princesse, car tu auras accouché d'un garçon. L'enfant que tu mettras au monde sera un mâle, ce sera un homme. Il s'appellera Ahmed même si c'est une fille! J'ai tout arrangé, j'ai to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
N°746 – Mai 2014.
LA NUIT SACREETahar Ben Jelloun – le Seuil
Prix Goncourt 1987

Je n'ai pas l'habitude de me transformer en thuriféraire d'un roman pour la seule raison qu'il a été couronné par le prix Goncourt. J'ai déjà dit dans cette chronique que même s'il s'agit d'un prix prestigieux, son attribution a bien souvent été galvaudée, accordé qu'il a été parfois à des écrivains qui ne le méritaient pas. Tel n'est pas le cas de ce roman dont ma lecture a été différée sans raison valable depuis de nombreuses années, constamment remise à plus tard. Il est comme cela des livres qu'on regarde de loin pendant longtemps avant de les lire.

Ce roman est la suite de « L'enfant de sable » publié en 1985 qui mettait en scène Ahmed qui en réalité est une fille mais que son père, irrité et même déshonoré d'avoir eu sept filles auparavant voulait que la huitième fût élevée comme un garçon avec tous les privilèges du mâle et ce pendant vingt ans. Elle a grandi et prend ici la parole (elle est la narratrice de ce récit) alors que son père va mourir au cours de la 27° nuit du Ramadan. C'est la nuit du Destin, la nuit sacrée des musulmans qui, si elle enlève la vie à son père la libère de celle que cet homme lui imposait. Il souhaite qu'elle entende sa confession, l'affranchit, la nomme Zahra et l'engage à voyager, à vivre comme une femme, à découvrir sa véritable identité, à être libre, à sortir de ce carcan qu'il lui avait imposé. Après les obsèques du père, elle enterre symboliquement avec lui tous les signes extérieurs de cette période marquée à la fois par le secret, l'hypocrisie et qui avait fait d'elle un être à part dans cette famille d'où elle était rejetée et où le poids des femmes était insupportable pour lui. Il y aura tout au long de ce roman une sorte de rappel de cette identité masculine antérieure, comme une peau dont elle aurait du mal à se débarrasser (Port de burnous d'homme, faux certificat de mariage avec Fatima et surtout, en prison, l'obligation qui lui est faite de revêtir un uniforme de fonctionnaire de part ses fonctions) ; c'est une lutte constante pour affirmer sa féminité. Les funérailles terminées elle part effectivement avec Cheick, un homme bleu du désert, un prince qui l'enlève et lui révèle les « 7 secrets », en réalité un véritable conte oriental qui malheureusement est interrompu et elle doit fuir. Ce récit onirique cesse donc mais dans sa fuite éperdue la mène à Agadir, elle est abordée par un homme qui la viole. Cet homme est sans visage et ce viol qui est aussi une défloration n'a cependant rien de brutal, c'est un peu comme un passage initiatique à l'état de femme, un peu comme si elle était par cet acte barbare reconnue comme telle.

Dans cette ville elle rencontre par hasard « l'Assise », une femme qui tient le Hammam, la prend en pitié et l'invite chez elle pour tenir compagnie à son frère aveugle. Au début sa présence dans cette maison est un peu celle d'une domestique, mais elle ne tarde pas à s'apercevoir que les relations du frère et de la soeur sont fantasmatiques et de nature quasi incestueuse. Il existe entre eux une sorte de jeu étrange au terme duquel cette femme nomme son frère « le Consul » puisqu'elle fait mine de penser qu'il est le diplomate imaginaire d'un pays fantôme. En réalité il enseigne dans une école coranique et tombe évidemment amoureux de Zahra. Leurs relations sont faites de nuances, de peur de se perdre mutuellement, de violences contenues, de folie aussi mais cet homme semble, grâce à elle revenir à la vie. Pour autant Zahra ne veut pas être sous sa dépendance comme elle était auparavant sous celle de son père. « Le Consul » n'est pas son maître, elle n'est pas son esclave. Il en résulte une fragile cohabitation mais il y a entre les deux femmes une lutte sans merci qui révélera le versant mauvais de « l'Assise », plus vieille et plus laide qu'elle et qui ne rêve que de l'éliminer. Elle maintenait son frère dans un état de dépendance quasi semblable à celui que Zahra subissait de la part de son propre père. La jeune femme est en quelque sorte la moteur de la libération de cet homme qui semble arbitrer ce conflit interne qui révèle une véritable complicité entre elle et lui et choisit celle qu'il appelle « L'Invitée » au détriment de sa soeur. Cette dernière découvre une partie du passé de Zahra, sa fuite et retrouve un oncle qui menace cette fragile stabilité ainsi établie dans ce nouveau foyer. Pour conjurer les menaces qu'il profère contre elle, les accusations mensongères de vol de l'héritage familial, elle le tue autant pour ne pas être forcée de partir avec lui que pour effacer symboliquement l'injustice faite aux femmes dans la société marocaine. Pour cela est condamnée à quinze années de la prison. Pourtant, à aucun moment elle ne témoigne de regret pour le meurtre qu'elle a commis.

Une fois incarcérée, « le Consul » vient lui faire des visites régulières et elle se claquemure dans les ténèbres, vit volontairement avec un bandeau sur les yeux pour être en communion avec lui, une manière d'être à ses côtés malgré les murs et la séparation. Elle s'évade dans des rêveries qui font d'elle une princesse mais lors d'une scène particulièrement violente dont on se demande si elle est réelle ou imaginée, le lecteur assiste à une infibulation perpétrée contre elle par ses soeurs avec la complicité d'une gardienne, comme une vengeance. Là aussi acte symbolique puisqu'il la prive de relations sexuelles normales avec un homme, une manière de lui dénier sa véritable nature féminine qui était d'avoir de enfants, une sorte de rappel de son ancien état de « garçon » au sein de son ancienne famille. Rejetée d'abord au sein de ce milieu carcéral, elle sait se rendre indispensable, devient l'écrivain public de la geôle et la confidente des autres prisonnières au point que, bizarrement, elle est intégrée, malgré son statut de détenue, au personnel de la prison ce qui se traduit par la port obligatoire de l'uniforme qui est une vêture d'homme, comme un rappel de son ancien statut au sein de la famille de son père. « Le Consul » finira par partir, délaissant à la fois sa soeur et sa maîtresse en incarnant une libération à peu près semblable à celle que Zahra avait matérialisé par la fuite de sa famille. Elle le retrouvera à la fin, comme sanctifié par cet acte d'affranchissement avec, en contre-point l'image de la mer véritable symbole de liberté. Dès lors tout est possible entre ces deux êtres qui s'aiment, qui s'attendaient et qui, maintenant peuvent vivre pleinement l'un avec l'autre, débarrassés définitivement d'un passé trop pesant.

Il y a dans ce roman quelque chose de transitoire, de fuyant un peu à l'image du regard des aveugles qui ne se pose nulle part et qui fouille constamment leur obscurité. Il y a aussi une idée très ancrée de la faute avec deux versants, celle du père qui a imposé à sa fille une vie qui n'était pas la sienne et implore son pardon, celle de n'avoir pas observé les préceptes du Coran et d'avoir méprisé sa famille et une certitude d'absence de faute de la part de Zahra quand elle tue son oncle, comme pour se libérer à la fois de cette famille maléfique et de la condition de femme dans ce pays.

J'ai lu ce roman comme un conte oriental plein d'images et de poésie, un récit onirique où le lecteur se perd mais retrouve toujours cette trame magique. Reste l'histoire distillée à travers un texte somptueusement écrit, une quête identitaire, un témoignage exceptionnel.


©Hervé GAUTIER – Mai 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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L'histoire est simple en apparence : en pays arabe, un père propriétaire de nombreux biens n'a eu que des filles. Moqués par ses deux frères qui espèrent bien hériter de lui, il désespère d'engendrer un fils. Lorsque sa femme est de nouveau (et pour la dernière fois) enceinte, il décide que cet enfant sera un fils, quel que soit son sexe. La sage-femme est dans la confidence et, quand l'enfant vient à naître, elle est seule dans la chambre à découvrir le véritable sexe de l'enfant, avant de clamer partout qu'enfin est né un fils. L'enfant sera donc élevée comme un garçon, puis comme un homme, l'héritier de sa famille, appelé à commander aux femmes et aux domestiques.
Comment l'enfant grandit-elle ? Il faut pourtant bien cacher ce corps qui prend formes, éponger les rougeurs mensuelles, rendre sa voix plus grave afin de maintenir l'illusion. Comment va-t-elle assumer cette virilité qui n'est pas la sienne ?
La structure est complexe. Par qui est racontée cette histoire, qui se présente comme une légende ? Car c'est autant le destin de cet être destiné à être homme qui importe dans la narration que les voix qui le racontent. Cela commence avec un vieux conteur qui, lors de veillées, rapporte ou construit cette histoire. Mais il est un jour repris par un de ses auditeurs qui brandit un cahier, le journal intime de l'enfant de sable affirme-t-il, et prend le relais dans la narration. Un soir, le récit s'arrête et les auditeurs s'interrogent sur l'avenir de la jeune femme. C'est alors que trois d'entre eux décident de raconter ce qui lui est arrivé, chacun à leur manière. Et l'on comprend que cette vie, si elle était réelle, n'est plus qu'une fable à conter et à s'approprier.
C'est justement à ce moment que je décroche du roman, assez tardivement finalement, car ces incertitudes et ces chamailleries ne sont pas ce que j'attends de ce livre. Je veux savoir ce qu'est devenu ce personnage qui aurait peut-être tout abandonné tout devenir femme, véritablement. le roman ne répond pas à ces interrogations.
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Dans l'Enfant de Sable, un conteur omniscient nous raconte l'histoire d'Ahmed, une fille travestie par son père à la naissance. Lorsque naît sa huitième fille, il fait croire à tout le monde que c'est un fils, pour ne pas être déshonoré, elle recevra tous les privilèges qu'un garçon reçoit. C'est à l'adolescence que cette manigance posera problème. le conteur nous ouvre des portes, la porte n°1, qui s'intitule Homme, montre une personne cloîtrée dans sa chambre. En ouvrant les autres portes, le conteur raconte l'histoire.

Dans La nuit sacrée, Ahmed est redevenu une fille et c'est elle qui raconte son histoire, juste après l'enterrement de son père. Elle raconte ses déboires en tant que femmes dans un monde masculin.
Envoyée en prison, elle ne témoigne jamais du moindre regret quant à son meurtre, considérant qu'elle ne fait que réparer l'injustice de la société marocaine. Avec un bandeau sur les yeux, elle s'entraîne à vivre comme une aveugle. Elle s'évade de sa prison par ses rêveries incessantes, où elle devient princesse ou bien sainte. Cependant, elle est aussi agressée par ses soeurs : elles l'ont retrouvée, et lui en veulent toujours d'avoir tenu le rôle aisé du garçon dans leur famille. Lors d'une
scène particulièrement barbare, elles lui cousent les lèvres du vagin.
Les dernières pages du livre constituent une fin allégorique de l'intrigue : la narratrice est libérée et se rend jusqu'à la mer. Là-bas, elle entre dans une maison blanche, apparue dans la brume.

Avec ces histoires poétiques et mystérieuses, Ben Jelloun nous emporte dans un Maroc et une culture marocaine peut connus de nous, Européens. J'ai lu ces romans comme un conte oriental plein d'images et de poésie, un récit onirique où le lecteur se perd mais retrouve toujours cette trame magique. Reste l'histoire distillée à travers un texte somptueusement écrit, une quête identitaire, un témoignage exceptionnel.
Parfois un peu longuet et pouvant paraître difficile à un lecteur peu habitué aux figures de style, ces romans sont troublants, empreints d'émotions, je trouve qu'il faut les lire pour la richesse spirituelle qu'ils peuvent nous apporter.
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Deux romans pour une même histoire, celle de cet enfant déclaré garçon à sa naissance alors qu'il n'était que la septième d'une longue succession de filles, au grand désespoir de son père, musulman fidèle à la tradition. Derrière la pression exercée par la religion se profile aussi la cupidité d'un frère convoitant un héritage qui lui revient de droit en l'absence d'un héritier mâle. C'est toute une organisation sociale millénaire, basée sur une profonde injustice, que dénonce Tahar Ben Jelloun au travers de l'histoire d'Ahmed, plus tard choisissant de se faire appeler Zahra une fois libéré de ce terrible secret. Mais le contraste entre les deux volets est saisissant. Alors que le premier, passablement ennuyeux, évoque les affres du conteur, censé représenter la réalité alors qu'il n'en est que le miroir déformant, le second, consacré au témoignage de Zahra, devenue une vieille femme et contant elle-même son histoire, est beaucoup plus réaliste et particulièrement attachant. Il semble que l'auteur, au cours de la réalisation de son oeuvre, ait hésité entre deux conceptions de la littérature et surtout entre deux façons de témoigner de son engagement en faveur d'une vision humaniste de l'islam. Si vous hésitez vous aussi, choisissez "La nuit du destin". C'est un grand livre…
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Je savais qu'en disparaissant, je laissais derrière moi de quoi alimenter les contes les plus extravagants. Mais, comme ma vie n'est pas un conte, j'ai tenu à rétablir les faits et vous livrer le secret gardé sous une pierre noire dans une maison aux murs hauts au fond d'une ruelle fermée par sept portes.
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J'ouvrirais ces fenêtres et escaladerais les murailles les plus hautes pour atteindre les cimes de la solitude, ma seule demeure, mon refuge, mon miroir et le chemin de mes songes.
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Il avait entendu dire un jour qu'un poète égyptien justifiait ainsi la tenue d'un journal : " De si loin que l'on revienne, ce n'est jamais que de soi-même. Un journal est parfois nécessaire pour dire que l'on a cessé d'être. " Son dessein était exactement cela : dire ce qu'il avait cessé d'être.
Et qui fut-il ?
La question tomba après un silence d'embarras ou d'attente. Le conteur assis sur la natte, les jambes pliées en tailleur, sortit d'un cartable un grand cahier et le montra à l'assistance.
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Être une femme est une infirmité naturelle dont tout le monde s'accommode. Être un homme est une illusion et une violence que tout justifie et privilégie. Être tout simplement est un défi.
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La violence de mon pays est aussi dans ces yeux fermé, dans ces regards détournés, dans ces silences faits plus de résignation que d'indifférence...
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