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EAN : 9782744406607
112 pages
Editions Grand Caractère (25/05/2006)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Lorsqu'il visite Venise, au printemps 1864, Hippolyte Taine (1828-1893) est subjugué.

La lumière, l'histoire, l'atmosphère de cette ville-univers comblent en lui le philosophe, le critique d'art et l'historien. Venise le séduit autant que l'aurait fait une femme.

Le style de Taine épouse alors son sujet et se fait poétique, liquide, chatoyant, pour célébrer cette rencontre. " On voit onduler sur la large nappe du canal les formes posé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans son journal de Voyage Venise: Récit de voyage extrait de Voyage en Italie (qui comme son nom l'indique est un extrait issu d'un plus gros tome), Hippolyte Taine, historien et philosophe du XIX° siècle, évoque ses promenades "dans les arts et dans l'histoire", durant une semaine, dans une Venise, enchanteresse,"perle de l'Italie". Amateur de tableaux et historien, Hippolyte Taine nous montre tour à tour les deux facettes de Venise dont "les tons se transforment et se fendent" dans le "miroitement" de la lagune pour en faire une oeuvre d'art à part entière (alors que l'impressionnisme déferle) écrin d'oeuvres d'art (tableaux des siècles passés où "l'art nouveau" commence à poindre) et une facette historique puisque "Venise est sous la férule autrichienne" car la République de 1848 a été de courte durée.
Les très belles descriptions imagées (paysages, architecture,points de vue..ex: Santa-Maria della Salute qui s'élève de l'eau comme "une riche végétation marine,comme un splendide corail blanchâtre"), les tournures poétiques (ex:"le temps a mis sa livrée grisâtre et fondue) et la comparaisons à la femme idéalisée de Venise ("Venise, fastueuse et pourtant douce,semble une reine") contrebalancent (avec bonheur, ouf!) la visite guidée un peu ennuyeuse proposée par l'auteur (de balade en gondole,passage par les ruelles pour admirer places,façades,jardin public,églises et palais, participer à la fête St Marc ou assister au théâtre Bénedetto à la pièce Marie Stuart traduite de Schiller).
J'avoue préférer la Venise de romanciers comme le Seule Venise de Claudie Gallay ou celle de photographes comme Masques de Venise de Xavier Richer car elle devient salle de spectacles et même actrice de drames ou comédies humaines ce qui nous la rend vivante.
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Taine (1828 – 1893) découvre Venise lors d'un séjours pendant le printemps 1864.

D'emblée, il éprouve une véritable fascination pour la ville, que ce soit au point de vue historique, architecturale, musical, de la peinture. Ce n'est plus le touriste qui visite Venise, mais, l'historien, le critique d'art .

Dans un style poétique, Taine nous livre son émerveillement devant toutes les merveilles qu'il croise… … que se soit au détour d'une calli, d'un pont, d'un palazzo, où en admirant les chef d'oeuvre du Titien, du Tintoret, de Véronèse.

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sublime !
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Les derniers siècles.

C’est à peu près de cette façon que les hommes en ce pays se sont arrangés pour supporter leur décadence. Cette belle ville a fini, comme ses sœurs les républiques grecques, en païenne, par la nonchalance et la volupté. On y trouve bien de temps en temps un François Morosini, qui, comme Aratus et Philopœmen, renouvelle l’héroïsme et les victoires des anciens jours ; mais à partir du XVIIe siècle la grande carrière est fermée. — La cité municipale et bornée est faible, ainsi qu’Athènes et Corinthe, contre ses puissans voisins militaires ; on la néglige ou on la tolère ; les Français, les Allemands violent impunément sa neutralité ; elle subsiste, rien de plus, et ne prétend pas davantage. Ses nobles ne songent plus qu’à s’amuser ; la guerre et la politique reculent chez elle au second plan ; elle devient galante et mondaine. Avec Palma le jeune et Padovinano, la grande peinture tombe ; les contours s’amollissent et deviennent ronds ; le souffle et le sentiment diminuent, la froideur et la convention vont régner ; on ne sait plus faire des corps énergiques et simples ; le dernier des décorateurs de plafonds, Tiepolo, est un maniériste qui dans ses tableaux religieux cherche le mélodrame, qui dans ses tableaux allégoriques poursuit à outrance le mouvement et l’effet, qui de parti-pris déchire, bouleverse ses colonnes, renverse ses pyramides, ses nuages, fait sauter ses personnages, de manière à donner à ses scènes l’aspect d’un volcan en éruption. Avec lui, avec Canaletti, Guardi, Longhi, commence une autre peinture, celle de paysage et de genre. L’imagination baisse ; on copie les petites scènes de la vie réelle et les beaux aspects des édifices environnans ; on imite les dominos, les jolis minois, les gestes coquets, provoquans des dames contemporaines. On les représente à leur toilette, à leur leçon de musique, à leur lever ; on peint de charmantes mignonnes, languissantes et souriantes, malignes et moqueuses, vraies reines de boudoir, dont les petits pieds chaussés de satin, la taille ployante, les bras délicats emmaillottés de dentelles occuperont les regards et les complimens des hommes. Le goût s’affine et s’affriande en même temps qu’il s’affadit et se rétrécit ; mais ce soir de la cité déchue est aussi doux et aussi brillant qu’un coucher de soleil vénitien. Avec l’insouciance la gaîté surabonde. On ne voit que fêtes publiques et privées dans les mémoires des écrivains et dans les tableaux des peintres. Tantôt c’est un festin d’apparat dans une superbe salle au plafond festonné d’or, aux hautes fenêtres luisantes, aux rideaux de cramoisi pâle ; le doge en simarre dîne avec les magistrats en robes pourpres ; des visiteuses masquées glissent sur les parquets, et rien de plus élégant que l’aristocratie exquise de leurs petits pieds, de leurs cols frêles, de leur petit tricorne impudent parmi leurs jupes chiffonnées de soie jaune ou gris de perle. Tantôt c’est une régate de gondoles, et l’on voit sur la mer, entre Saint-Marc et San-Giorgio, l’énorme Bucentaure, comme un léviathan cuirassé d’écailles d’or, autour duquel des escadrilles de barques fendent l’eau de leur bec d’acier. Une quantité de jolis dominos mâles et femelles voltigent sur les dalles ; la mer semble une ardoise luisante sous le ciel d’azur tendre, ouaté de flocons nuageux, et tout alentour, comme un cadre précieux, comme une fantastique bordure brodée et dentelée, les Procuraties, les dômes, les palais, les quais chargés d’une foule rieuse ceignent la grande nappe maritime. — Des seigneurs qui sont à Pavie avec Goldoni font venir pour retourner à Venise une grande barque de plaisance, couverte, ornée de peintures et de sculptures, munie de livres et d’instrumens de musique ; ils sont dix maîtres, et ne voyagent que le jour, lentement, choisissant de bons gîtes, ou bien, à défaut, logeant dans les riches monastères de bénédictins. Tous jouent de quelque instrument, l’un du violoncelle, trois du violon, deux du hautbois, l’un du cor de chasse, et l’autre de la guitare. Goldoni, qui seul n’était pas musicien, met en vers les petits événemens du voyage, et les récite après le café. Chaque soir, ils montent sur le pont pour se donner un concert, et les gens des deux rives accourent en foule, agitant leurs mouchoirs et applaudissant. Arrivés à Crémone, ils sont accueillis avec des transports de joie, on leur donne un grand repas ; le concert recommence, des musiciens du pays se joignent à eux, et toute la nuit on danse. A chaque nouvelle couchée, c’est la même allégresse [11]. On n’imagine pas une plus prompte et plus universelle entente du plaisir intelligent. Les protestans qui comme Misson viennent observer ce genre de vie n’y comprennent rien et n’en rapportent que du scandale. La manière d’y envisager les choses y est aussi païenne qu’au temps de Polybe ; c’est que jamais les préoccupations morales et l’idée germanique du devoir n’y ont pu prendre pied. Au temps de la réforme, un écrivain déclarait déjà « n’avoir pas connu un seul Vénitien qui fût partisan de Luther, Calvin et autres ; tous suivent les doctrines d’Épicure et de Cremonini, son interprète, premier professeur de philosophie à Padoue, lequel affirme que notre âme est engendrée comme celle de l’animal brut par la vertu de la semence, et que partant elle est mortelle Et parmi les partisans de cette doctrine on trouve l’élite de la cité, en particulier ceux qui ont la main dans le gouvernement [12]. » A vrai dire, ils ne se sont jamais préoccupés de religion que pour réprimer le pape : théorie et pratique, idées et instincts, ils ont hérité des mœurs et de l’esprit antiques, et leur christianisme n’est qu’un nom. Comme les anciens, ils ont été d’abord héros et artistes, puis voluptueux et dilettantes : dans l’un comme dans l’autre cas, ils ont réduit, comme les anciens, la vie au présent.

Au XVIIIe siècle, on pourrait les comparer à ces Thébains de la décadence qui s’associaient pour manger leurs biens en commun et léguaient en mourant le reste de leur fortune aux survivans de leurs banquets. Le carnaval dure six mois ; tout le monde, même les prêtres, le gardien des capucins, le nonce, les petits enfans, les gens qui vont au marché portent le masque. On voit passer des procession de gens déguisés, arlequins, costumes de théâtre, de Français, d’avocats, de gondoliers, de Calabrais, de soldats espagnols, avec des danses et des instrumens de musique ; le peuple les suit, applaudit ou siffle. Liberté entière ; prince ou artisan, tout le monde est égal ; chacun peut apostropher un masque. Des pyramides d’hommes font « des tableaux de force » sur les places ; des arlequins en plein vent jouent des parades. Sept théâtres sont ouverts. Des improvisateurs déclament, et les comédiens improvisent des scènes plaisantes. « Point de ville où la licence règne plus souverainement [13]. » Le président Des Brosses y compte deux fois autant de courtisanes qu’à Paris, toutes d’une douceur et d’une politesse charmante, quelques-unes du plus grand ton. « Au temps du carnaval, il y a sous les arcades des Procuraties autant de femmes couchées que debout. Dernièrement on a arrêté cinq cents courtiers d’amour. » Jugez du trafic ; l’opinion le favorise ; un noble fait venir sa maîtresse en gondole pour le prendre au sortir de Saint-Marc ; un procurateur en robe de chambre à sa fenêtre échange publiquement des agaceries et des propos joyeux avec une courtisane connue qui loge en face de lui. « Un mari ne fait pas difficulté chez lui de dire qu’il va dîner chez sa courtisane, et sa femme y envoie tout ce qu’il ordonne. » D’autre part, les femmes se dédommagent ; quoi qu’elles fassent, on le tolère. « E donna maritata, » ce mot excuse tout. « Ce serait une espèce de déshonneur pour une femme, si elle n’avait pas un homme publiquement sur son compte. » Le mari ne l’accompagne jamais, il serait ridicule ; il accepte à sa place un sigisbée. Parfois ce suppléant est désigné dans le contrat ; il vient le matin au lever de la dame, prend le chocolat avec elle, l’aide à sa toilette, la conduit partout et la sert ; souvent, si elle est très noble, elle en a cinq ou six, et le spectacle est curieux aux églises quand elle donne à l’un son bras, à l’autre son mouchoir, à l’autre ses gants ou son manteau. La mode a gagné les couvens. » Point de jeune religieuse bien faite qui n’ait son cavalier servant. » La plupart ont été cloîtrées de force, et disent qu’elles veulent vivre en femmes du monde. Elles sont charmantes « avec leurs cheveux frisés, annelés, avec leur petite pointe de gaze blanche qui avance sur le front, avec leur habit de camelot blanc, avec les fleurs qu’elles mettent sur leur poitrine découverte. » Elles peuvent voir qui leur plaît, envoient à leurs amis des bonbons, des bouquets ; au carnaval, elles se déguisent en dames et même en hommes, viennent ainsi au parloir, et y font venir des courtisanes masquées. Elles sortent elles-mêmes, et l’on peut voir dans ce drôle de Casanova pour quelles affaires. Des Brosses conte qu’à son arrivée les intrigues trottaient entre tous les couvens pour savoir « lequel aurait l’honneur de donner une maîtresse au nouveau nonce. » A vrai dire, il n’y a plus de famille. Dès le XVIIe siècle, les hommes disent que « le mariage est une pure cérémonie civile qui lie l’opinion et non la conscience. » De plusieurs frères un seul ordinairement se marie, et c’est le plus sot ; à lui l’embarras de continuer la maison ; souvent les autres vivent sous le même toit et sont les sigisbées de sa femme. Ils se mettent trois ou quatre pour entretenir une maîtresse à frais communs. Les pauvres trafiquent de leurs filles toutes petites. « Sur dix qui s’abandonnent, disait déjà Saint-Didier, il y en a neuf dont les mères et les tantes font elles-mêmes le marché. » Là-dessus suivent des détails qu’on croirait empruntés aux bazars de l’Orient. Avec la dissolution du ménage vient l’abandon du foyer. Point de visites ; on se rencontre aux casinos privés ou publics ; il
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Les maîtres.

Lorsque, pour comprendre le milieu dans lequel la peinture a fleuri, on essaie, d’après les documens, de se figurer la vie d’un patricien à Venise pendant la première moitié du XVIe siècle, on rencontre en lui d’abord, et au premier rang, la sécurité et la grandeur de l’orgueil. Il se croit le successeur des anciens Romains, et maintient que sauf les conquêtes il les a surpassés et les surpasse encore [12]. « Entre toutes les provinces du noble empire romain, l’Italie est la reine, » et dans l’Italie conquise par les césars, dévastée par les barbares, Venise est la seule cité qui soit demeurée libre. Au dehors, elle vient de regagner les provinces de terre ferme que lui avait arrachées Louis XII. Ses lagunes et ses alliances la défendent contre l’empereur. Le Turc ne parvient point à entamer son domaine, et Candie, Chypre, les Cyclades, Corfou, les côtes de l’Adriatique, occupées par ses garnisons, étendent sa souveraineté jusqu’au bout de la mer. Au dedans, « elle n’a jamais été plus parfaite. » En aucun état du monde, on ne voit « de meilleures lois, une tranquillité mieux assise, une concorde plus entière, » et dans ce bel ordre qui est unique dans l’univers « elle ne manque point d’âmes valeureuses et magnanimes. » Avec le calme hautain d’un grand seigneur, Marco Trifone Gabriello juge que la glorieuse cité doit sa prospérité à son gouvernement aristocratique, et « que la fermeture du conseil l’a fait croître jusqu’à une grandeur qu’elle n’avait point atteinte auparavant. » Selon lui, les citoyens exclus du vote n’étaient que de petites gens, des bateliers, des sujets, des domestiques. Si quelques-uns par la suite sont devenus riches et importans, c’est par la tolérance de l’état, qui les a recueillis sous sa protection ; aujourd’hui encore ce sont des protégés, ils n’ont pas de droits ; cliens et plébéiens, ils sont trop heureux du patronage qu’on leur accorde. Les seuls maîtres légitimes « sont les trois mille gentilshommes, seigneurs de la cité et de tout l’état sur terre et sur mer. » L’état leur appartient ; comme autrefois les patriciens de Rome, ils sont propriétaires de la chose publique, et la sagesse de leur commandement vient confirmer la solidité de leur droit. Là-dessus, le magnifico décrit, avec une complaisance patriotique, l’économie de la constitution et les ressources de la cité, l’ordre des pouvoirs et l’élection des magistrats, les quinze cent mille écus du revenu public, les forteresses nouvelles de la terre ferme et les armemens de l’arsenal. A sa gravité, à sa fierté, à la noblesse de son discours, on le prendrait pour un citoyen antique. En effet, ses amis le comparent à Atticus ; mais il décline ce nom par courtoisie et déclare que si, comme Atticus, il s’est écarté des affaires, c’est par un motif différent, tout honorable à sa ville, puisque la retraite d’Atticus avait pour excuse l’impuissance des bons citoyens et la décadence de Rome, tandis que la sienne est autorisée par la surabondance des hommes capables et par la prospérité de Venise. Ainsi se développe l’entretien en politesses nobles, en belles périodes, en raisonnemens solides ; il a pour théâtre l’appartement de Bembo à Padoue, et le lecteur imagine ces hautes salles de la renaissance, décorées de bustes, de manuscrits et de vases, où l’on retrouvait les grandeurs du paganisme et du patriotisme antiques avec l’éloquence, le purisme et l’urbanité de Cicéron.

Comment nos magnifici s’amusent-ils ? Il y en a de graves, je veux bien le croire ; mais le ton régnant à Venise n’est pas celui de la sévérité. En ce moment, le personnage le plus en vue est l’Arétin, un fils de courtisane, né à l’hôpital, parasite de métier et professeur de chantage, qui, à force de calomnies et d’adulations, de sonnets luxurieux et de dialogues obscènes, devient l’arbitre des renommées, extorque soixante-dix mille écus aux grands de l’Europe, s’intitule « le fléau des princes, » et fait passer son style enflé et mollasse pour une des merveilles de l’esprit humain. Il n’a rien, et vit en seigneur de l’argent qu’on lui donne ou des cadeaux qui pleurent chez lui. Dès le matin, dans son palais du Grand-Canal, les solliciteurs et les flatteurs remplissent l’antichambre. « Tant de seigneurs [13], dit-il, me rompent continuellement la tête de leurs visites, que mes escaliers sont usés par le frottement de leurs pieds, comme le pavé du Capitole par les roues des chars triomphans. Je ne crois pas que Rome ait vu un aussi grand mélange de nations et de langues que celui que renferme ma maison. On voit venir chez moi Turcs, Juifs, Indiens, Français, Espagnols, Allemands ; quant aux Italiens, pensez ce qu’il peut y en avoir ; je ne dis rien du menu peuple ; impossible de me voir sans moines et sans prêtres autour de moi,… je suis le secrétaire du monde. » Les grands, les prélats, les artistes lui font la cour ; on lui apporte des médailles anciennes, des colliers d’or, un manteau de velours, un tableau, des bourses de cinq cents écus, des diplômes d’académie. Son buste en marbre blanc, son portrait par Titien, les médailles d’or, de bronze et d’argent qui le représentent étalent aux regards des visiteurs son masque impudent et brutal. On l’y voit couronné, vêtu de la longue robe impériale, assis sur un trône élevé, recevant les hommages et les présens des peuples. Il est populaire et fait la mode. « Je vois, dit-il, mon effigie dans les façades des palais ; je la retrouve sur les boîtes à peignes, sur les ornemens des miroirs, sur les plats de majolique, comme celles d’Alexandre, de César et de Scipion. Je vous assure encore qu’à Murano une certaine espèce de vases en cristal s’appellent les Arétins. Une race de chevaux s’appelle l’Arétine, en souvenir d’un cheval que j’ai reçu du pape Clément et donné au duc Frédéric. Le ruisseau qui baigne un des côtés de la maison que j’habite sur le Grand-Canal a été baptisé du nom d’Arétin. On dit le style de l’Arétin ; que les pédans en crèvent de dépit ! et trois de mes chambrières ou ménagères qui m’ont quitté pour devenir des dames se font appeler les Arétines. » Ainsi protégé et nourri par la faveur publique, il jouit, c’est là sa vie, non pas délicatement et furtivement, mais crûment et à ciel ouvert. « Dépensons, vivons, buvons frais, comme des hommes libres. » — « Je suis un homme libre, » dit-il souvent ; cela signifie qu’il fait ce qui lui plaît et donne pâture à tous ses sens. A cette époque, les nerfs sont encore rudes et les muscles forts ; c’est à la fin du XVIIe siècle que les mœurs tourneront à la fadeur ou à la mièvrerie. En ce moment, les convoitises sont gloutonnes plutôt que friandes ; dans les Vénus que les grands peintres déshabillent sur leurs toiles, le torse est masculin et le regard ferme ; la volupté, âpre et franche, ne laisse aucune place à la mignardise ni au raffinement. Arétin a été vagabond et soldat, et ses plaisirs s’en ressentent. On fait bombance chez lui ; il y a « vingt-deux femmes dans sa maison, quelquefois avec leurs petits enfans à la mamelle. » La ripaille et le désordre y sont continus. Il est généreux comme un voleur, et s’il prend, il laisse prendre. « Doublez-moi ma pension [14] de cinq cents écus ; quand j’en aurais mille fois autant, je serais à l’étroit. Tout le monde accourt à moi, comme si j’étais le maître du trésor royal. Si une pauvre fille accouche, ma maison fait la dépense. Si on met quelqu’un en prison, c’est à moi de pourvoir à tout. Les soldats sans équipement, les étrangers malheureux, une quantité de cavaliers errans viennent se refaire chez moi. Il n’y a pas deux mois, un jeune homme, ayant été blessé dans mon voisinage, s’est fait porter dans une de mes chambres. » Ses domestiques le volent. Tout est pêle-mêle dans cette maison ouverte, vases, bustes, esquisses, toques et manteaux qu’on lui offre, vins de Chypre, becfigues, chevreuils et lièvres qu’on lui envoie, melons et raisins qu’il achète lui-même pour les festins du soir. Il mange bien, boit mieux, et fait retentir sa salle de marbre des éclats de sa belle humeur. Des perdrix arrivent : « aussitôt prises, aussi rôties ; j’ai quitté mon hymne en faveur des lièvres et me suis mis à chanter les louanges des volatiles. Mon bon ami Titien, donnant un coup d’œil à ces savoureuses bêtes, se mit à chanter en duo avec moi le Magnificat que j’avais commencé. » A cette musique des mâchoires se joint l’autre. La célèbre chanteuse Franceschina est un de ses hôtes ; il baise « ses belles mains, deux voleuses charmantes qui enlèvent non-seulement la bourse, mais le cœur des gens. » — « Je veux, dit-il, que là où manquera la saveur de mes plats apparaissent les douceurs de votre musique. » Les courtisanes sont chez elles ici. Il a écrit des livres à leur usage et leur a enseigné les perfectionnemens de leur profession [15]. Il les reçoit, les choie, leur écrit, et les recrute. Le matin, après avoir expédié ses visiteurs, quand il ne va pas se distraire dans l’atelier de Sansovino et de Titien, il monte chez des grisettes, leur donne « quelques sous, » leur fait coudre « des mouchoirs, des draps, des chemises, pour leur faire gagner leur vie. » A ce métier, il a ramassé et installé chez lui six jeunes femmes qu’on nomme les Arétines, sérail sans clôture, où les escapades, les querelles, les imbroglios font le plus beau tapage. Il vit trente ans de la sorte, parfois bâtonné, mais toujours pensionné, glorieux, familier des plus grands, recevant d’un évêque des souliers bleu turquin pour ses maîtresses, camarade de Titien, de Tintoret et de Sansovino. Bien mieux, l’Arétin fait école, il a des imitateurs aussi parasites et aussi orduriers que lui, Doni, Dolce, Nicolo Franco son secrétaire et son ennemi, auteur des Priapea, et qui finit à Rome par la potence. Ainsi fleurit à Venise une littérature de bouffonneries et de paillardises qui, tempérée par les galanteries de Parabosco, repoussera de plus belle avec les sonnets de Baffo. Jugez des lecteurs par le livre, et des hôtes par le logis. Par cette é
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Quand une société se développe ainsi par elle-même, elle a son goût et son art propres ; la vie spontanée produit les créations originales, et l’invention entre dans le champ de l’intelligence après avoir fécondé celui de l’action. Une seule chose est nécessaire à l’homme, le respect de la source vive qu’il porte en lui-même ; que chacun de nous préserve la sienne, l’empêche d’être troublée, étouffée, la fasse couler : le reste, œuvres, gloire, puissance, viendra par suite et par surcroît. Ces Vénitiens sont allés à Constantinople et en ont rapporté pour leur église les formes arrondies, les arcades cintrées, les coupoles globuleuses dans lesquelles l’architecture byzantine se complaisait ; mais ils les transforment en les répétant sur leur sol, et l’église de Saint-Marc diffère autant de Sainte-Sophie qu’une jeune nation naïve, inventive, conquérante, diffère d’un vieil empire grandiose et compassé. Les architectes grondent en la voyant ; à chaque pas, les règles y sont violées, et les styles mêlés. On n’a pas su ou peut-être osé sur ce terrain mouvant copier l’énorme dôme de Sainte-Sophie ; mais ses rondeurs plaisaient, et au lieu d’une grande on en a fait cinq petites ; puis à l’extérieur on les a surexhaussées, renflées en forme de bulbe avec des flèches et des courbures étranges. C’est que de toutes parts la fantaisie exubérante se donnait carrière. Dès le péristyle, on la sent qui déborde. Les porches ont coiffé leur cintre antique d’un revêtement évasé qui relève en pointes gothiques sa guirlande de statuettes. De fins clochetons sont venus se placer sur les contre-forts. Cinq cents colonnettes de porphyre, de vert antique, de serpentine, ont serré et superposé sur les façades leurs étages incohérens, leurs têtes classiques ou barbares, — le pêle-mêle magnifique de leurs marbres multicolores. Des portes sarrasines font luire leur treillage de petits fers à cheval entre de bizarres chapiteaux où des oiseaux, des lions, des feuillages, des raisins, des épines, des croix, enchevêtrent leur dessin grossier ou fantastique. Sur la voûte, des mosaïques innombrables étalent des corps réels et raides, des Eves grêles, à la poitrine tombante, des Adams maigres qui sont des ouvriers déshabillés, — vingt scènes bibliques d’une indécence aussi naïve et d’une maladresse aussi enfantine que les enluminures des plus vieux missels. On reconnaît l’homme du moyen âge, qui, sur un fond classique importé, brode une décoration gothique originale, qui, raffiné et troublé par le christianisme, aime non plus le simple et l’uni, mais le complexe et le multiple, qui a besoin de remplir le champ de sa vision par la saillie et l’entrelacement des formes prodiguées, par la nouveauté, le luxe et la recherche de l’ornementation capricieuse, — qui, devenu plus imaginatif en même temps que plus sensible, ne sent ses yeux occupés que par le fourmillement illimité des surfaces populeuses et par le brusque affleurement de l’irrégularité imprévue, — qui enfin, promené par sa destinée maritime dans les basiliques byzantines et les mosquées mahométanes, entasse les marbres, les bronzes, les reflets de pourpre et les scintillemens de l’or, pour exprimer dans son christianisme la poésie fastueuse et composite dont le spectacle de l’Orient l’a imbu.

C’est aujourd’hui la fête de Saint-Marc ; les femmes, les jeunes filles en voile noir, en châles violets, en longues jupes tombantes, une foule bariolée bourdonne sous les porches et ondoie dans l’église. Elles s’agenouillent sur les dalles, touchent de la main les pieds d’un christ de bronze et se signent ; d’autres marmottent des prières, et mettent un sou dans la boîte qu’on promène en quêtant et pour les pauvres morts. » Une procession de prélats défile, et l’on voit tourner le long des piliers les mitres blanchâtres ou dorées, les chapes damasquinées et scintillantes. Un chant s’élève, bizarre et beau, composé de voix très hautes et de voix très graves, sorte de mélopée monotone qui vient peut-être de Byzance. Les musiciens sont cachés : on ne sait pas d’où cette mélopée sort ; elle flotte et monte dans l’air rougeâtre et sombre, comme une voix incorporelle dans la cave resplendissante d’une fée ou d’un génie.

Pour l’étrangeté et la magnificence, rien ne peut se comparer à ce spectacle. On vient de regarder la place Saint-Marc si belle et si gaie, ses élégantes colonnades, le riche azur du ciel, la lumière épanchée dans l’espace. L’on descend une marche, et les yeux se trouvent tout d’un coup plongés dans la pourpre ténébreuse d’un sanctuaire petit, de forme inconnue, plein de chatoiemens et de reflets amortis, surchargé et resserré comme la chambre basse où un Israélite, un pacha conserve ses trésors. Deux couleurs, les plus puissantes de toutes, le revêtent du parvis au dôme : l’une, celle du marbre rougeâtre veiné qui luit aux fûts des colonnes, lambrisse les murailles, s’étale sur les dalles ; l’autre, celle de l’or qui tapisse les coupoles, incruste les mosaïques, et par ses millions d’écailles accroche la lumière. Rouge sur or et dans l’ombre ! on n’imagine pas un pareil ton. Le temps l’a foncé et fondu : au-dessus du pavé de marbre fendillé par les tassemens, les rondeurs guillochées des dômes scintillent d’une clarté fauve ; nul jour, sauf celui des petites baies à têtes rondes, cerclées de vitraux ronds. Des formes innombrables, des piliers couturés de sculptures, des bronzes, des candélabres, des centaines de mosaïques, un luxe asiatique de décorations contournées et de figures barbares poudroie dans l’air où l’encens roule ses spirales, où flottent en atomes lumineux les contrastes de la nuit et du jour. On ne peut exprimer cette puissance de la lumière emprisonnée et éparpillée dans l’ombre. Telle chapelle à droite est noire comme un souterrain ; un reste de clarté vacille sur la courbure des arceaux ; seules, trois lampes de cuivre émergent de l’obscurité palpable. L’œil s’arrête sur leurs rondeurs et suit cette chaîne qui remonte, étoilant la nuit de ses paillettes, pour se perdre en je ne sais quelles profondeurs ; à les voir ainsi descendre au bout d’une traînée de lueurs, on les prendrait pour les corolles mystérieuses d’une fleur magique. Il y a eu dans ces architectes du Xe et du XIIe siècle un sentiment unique. Qu’ils aient imité les Byzantins ou les Arabes, peu importe ; ce saint Marc qu’ils avaient rapporté d’Alexandrie, cet apôtre syrien dont ils avaient vu le ciel et la patrie remplissait leur imagination d’une poésie inconnue aux barbares du nord. Ce n’est point la tristesse qu’ils expriment, ni l’énormité qu’ils poursuivent ; il y a un fonds de joie méridionale dans leur fantaisie, dans la chaude couleur dont ils imprègnent leur église, dans ce revêtement universel de mosaïques luisantes, dans cette marqueterie de marbres, dans ces galeries sculptées, dans ces chaires, dans ces balcons, dans ces riches portes arabes ou gothiques enserrées chacune dans un cordon d’apôtres. Devant cette fête qui semble une vision, les disparates s’accordent, et les maladresses ne sont plus senties. Autour du maître-autel, les quatre colonnes qui portent le baldaquin disparaissent sous une profusion de figures qui, de la base au chapiteau, chacune dans sa niche, revêtent tout le fût. Si on les prend une à une, elles sont barbares ; on est choqué de l’impuissance et des vains tâtonnemens qu’elles manifestent. Les mains sont disproportionnées, les têtes parfois sont grandes comme le tiers ou le quart du corps ; presque toutes sont vulgaires, parfois grossières, stupides ; le sculpteur est un moine pataud qui copie des patauds du peuple ; la main dévie et aboutit sans le savoir dans la caricature ; telle sainte est un grotesque à la joue enflée, une hydrocéphale étique ; d’autres sont des monstres informes, non viables, comme les singularités qu’on conserve dans les musées anatomiques. Et pourtant à six pas de là l’effet total est admirable ; on est saisi par la surabondance de cette foule indistincte, brunâtre, qui étage ses files sous un chapiteau de feuillages d’or, et ondoie vaguement sous le tremblotement des lampes. L’artiste du moyen âge, incapable d’exprimer l’individu, sent les masses et les ensembles ; il ne comprend pas, comme l’ancien Grec, la perfection de la personne isolée, du dieu, du héros qui se suffit à lui-même ; il sort de cette belle enceinte limitée : ce qu’il aperçoit, c’est le peuple, la multitude humaine, la pauvre espèce tout entière humiliée comme une fourmilière devant le dominateur suprême. Il lui laisse ses laideurs, ses déformations, sa mesquinerie, souvent même il les exagère ; mais le rêve sublime et intense, la joie mêlée d’angoisses, tout ce qui est la palpitation et l’aspiration des âmes, il l’entend, il l’exprime, et si nous ne voyons point dans son œuvre le corps viril et sain de l’homme indépendant et complet, nous y démêlons l’émotion intime des foules et la religion passionnée du cœur.

Voilà ce qui anime les mosaïques si raides dont les murailles, les voûtes, les moindres angles sont lambrissés. On voit bien qu’ils ont fait venir des ouvriers de Constantinople. De toutes parts la niaiserie de l’art vieillot et l’insuffisance de l’art enfantin ont multiplié des mannequins dont les yeux d’émail n’ont plus de regard. Une vierge au-dessus de la porte d’entrée n’a pas de corps ; c’est un squelette sous un manteau. Un Christ au-dessus de l’autel, dans la chapelle des fonts baptismaux, n’a plus forme humaine ; on dirait qu’on l’a éventré et vidé ; il reste de lui une peau blafarde mal remplie de je ne sais quelle bourre mollasse. Une Hérodiade en robe rouge étoilée d’or laisse voir au bout de ses manches d’hermine les phalanges desséchées d’une poitrinaire étique. Il faut voir les pieds extraordinaires des anges, les grands yeux caves des saints, l’air absorbé, affaissé, inerte, de tous les personnages.
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21 avril.

Journée en gondole ; il faut d’abord errer et voir l’ensemble.

C’est la perle de l’Italie ; je n’ai rien vu d’égal, je ne sais qu’une ville qui en approche, de bien loin, et seulement pour les architectures : c’est Oxford. Dans toute la presqu’île, rien ne peut lui être comparé. Quand on se rappelle les sales rues de Rome et de Naples, quand on pense aux rues sèches, étroites de Florence et de Sienne, quand ensuite on regarde ces palais de marbre, ces ponts de marbre, ces églises de marbre, cette superbe broderie de colonnes, de balcons, de fenêtres, de corniches gothiques, mauresques, byzantines, et l’universelle présence de l’eau mouvante et luisante, on se demande pourquoi on n’est pas venu ici tout de suite, pourquoi on a perdu deux mois dans les autres villes, pourquoi on n’a pas employé tout son temps à Venise. On fait le projet de s’y établir, on se jure qu’on reviendra ; pour la première fois, on admire non pas seulement avec l’esprit, mais avec le cœur, les sens, toute la personne. On se sent prêt à être heureux ; on se dit que la vie est belle et bonne. On n’a qu’à ouvrir les yeux, on n’a pas besoin de se remuer ; la gondole avance d’un mouvement insensible ; on est couché, on se laisse aller tout entier, esprit et corps. Un air moite et doux arrive aux joues. On voit onduler sur la large nappe du canal les formes rosées ou blanchâtres des palais endormis dans la fraîcheur et le silence de l’aube ; on oublie tout, son métier, ses projets, soi-même ; on regarde, on cueille, on savoure, comme si tout d’un coup, affranchi de la vie, aérien, on planait au-dessus des choses, dans la lumière et dans l’azur.

Le Grand-Canal développe sa courbe entre deux rangées de palais, qui, bâtis chacun à part et pour lui-même, ont sans le vouloir assemblé leurs diversités pour l’embellir. La plupart sont du moyen âge avec des fenêtres ogivales couronnées de trèfles, avec des balcons treillissés de fleurons et de rosaces, et la riche fantaisie gothique s’épanouit dans leur dentelle de marbres sans jamais tomber dans la tristesse ni dans la laideur ; d’autres, de la renaissance, étagent leurs trois rangs superposés de colonnes antiques. Le porphyre et la serpentine incrustent au-dessus des portes leur pierre précieuse et polie. Plusieurs façades sont roses ou bariolées de teintes douces, et leurs arabesques ressemblent aux lacis que la vague dessine sur un sable fin. Le temps a mis sa livrée grisâtre et fondue sur toutes ces vieilles formes, et la lumière du matin rit délicieusement dans la grande eau qui s’étale.

Le canal tourne, et l’on voit s’élever de l’eau, comme une riche végétation marine, comme un splendide et étrange corail blanchâtre, Santa-Maria-della-Salute avec ses dômes, ses entassemens de sculptures, son fronton chargé de statues ; plus loin, sur une autre île, San-Giorgio-Maggiore, tout arrondi et hérissé, comme une pompeuse coquille de nacre. On reporte les yeux vers la gauche, et voici Saint-Marc, le campanile, la place, le palais ducal. Il est probable qu’il n’y a pas de joyau égal au monde.

Cela ne peut pas se décrire, il faut voir des estampes, et encore qu’est-ce que des estampes sans couleur ? Il y a trop de formes, une trop vaste accumulation de chefs-d’œuvre, une trop grande prodigalité d’invention : on ne peut que démêler quelque pensée générale bien sèche, comme un bâton qu’on rapporterait pour donner l’idée d’un arbre épanoui. Ce qui domine, c’est la fantaisie riche et multiple, le mélange qui fait ensemble, la diversité et le contraste qui aboutissent à l’harmonie. Qu’on imagine huit ou dix écrins suspendus au col, aux bras d’une femme, et qui sont mis d’accord par leur magnificence ou par sa beauté.

L’admirable place, bordée de portiques et de palais, allonge en carré sa forêt de colonnes, ses chapiteaux corinthiens, ses statues, l’ordonnance noble et variée de ses formes classiques. A son extrémité, demi-gothique et demi-byzantine, s’élève la basilique sous ses dômes bulbeux, ses clochetons aigus, avec ses arcades festonnées de figurines, ses porches couturés de colonnettes, ses voûtes lambrissées de mosaïques, ses pavés incrustés de marbres colorés, ses coupoles scintillantes d’or : étrange et mystérieux sanctuaire, sorte de mosquée chrétienne, où des chutes de lumière vacillent dans l’ombre rougeâtre, comme les ailes d’un génie dans son souterrain de pourpre et de métal. Tout cela fourmille et poudroie. A vingt pas, nu et droit comme un mât de navire, le gigantesque campanile porte dans le ciel et annonce de loin aux voyageurs de la mer la vieille royauté de Venise. Sous ses pieds, collée contre lui, la délicate loggetta de Sansovino semble une fleur, tant les statues, les bas-reliefs, les bronzes, les marbres, tout le luxe et l’invention de l’art élégant et vivant, se pressent pour la revêtir. Çà et là vingt débris illustres font en plein air un musée et un mémorial ; des colonnes quadrangulaires apportées de Saint-Jean-d’Acre, un quadrige de chevaux de bronze enlevés de Constantinople, des piliers de bronze où l’on attachait les étendards de la cité, deux fûts de granit qui portent à leur cime le crocodile et le lion ailé de la république, devant eux un large quai de marbre et des escaliers où s’amarre la flottille noire des gondoles. On reporte les yeux vers la mer et on ne veut plus regarder autre chose ; on l’a vue dans les tableaux de Canaletti, mais on ne l’a vue qu’à travers un voile. La lumière peinte n’est point la lumière réelle. Autour des architectures, l’eau, élargie comme un lac, fait serpenter son cadre magique, ses tons verdâtres ou bleuis, son cristal mouvant et glauque. Les mille petits flots jouent et luisent sous la brise, et leurs crêtes pétillent d’étincelles. À l’horizon, vers l’est, on aperçoit au bout du quai des Esclavons des mâts de navires, des sommets d’églises, la verdure pointante d’un grand jardin ; mais tout cela sort des eaux, de toutes parts on voit le flot entrer par les canaux, vaciller le long des quais, s’enfoncer à l’horizon, ruisseler entre les maisons, ceindre les églises. La mer lustrée, lumineuse, enveloppante, pénètre et, ceint Venise comme une gloire.

Comme un diamant unique au milieu d’une parure, le palais ducal efface le reste. Je ne veux rien décrire aujourd’hui, je ne veux qu’avoir du plaisir. On n’a point vu d’architecture semblable ; tout y est neuf, on se sent tiré hors du convenu ; on comprend que par-delà les formes classiques ou gothiques que nous répétons et qu’on nous impose, il y a tout un monde, que l’invention humaine est sans limites, que, semblable à la nature, elle peut violer toutes les règles et produire une œuvre parfaite sur un modèle contraire à tous ceux dans lesquels on lui dit de s’enfermer. Toutes les habitudes de l’œil sont renversées, et avec une surprise charmante on voit ici la fantaisie orientale poser le plein sur le vide au lieu d’asseoir le vide sur le plein. Une colonnade à fûts robustes en porte une seconde toute légère, dentelée d’ogives et de trèfles, et sur cet appui si frêle s’étale un mur massif de marbre rouge et blanc dont les plaques s’entre-croisent en dessins et renvoient la lumière. Au-dessus, une corniche de pyramides évidées, d’aiguilles, de clochetons, de festons, découpe le ciel de sa bordure, et cette végétation de marbre hérissée, épanouie, au-dessus des tons vermeils ou nacrés des façades, fait penser aux riches cactus qui, dans les contrées d’Afrique et d’Asie où elle est née, entremêlaient les poignards de leurs feuilles et la pourpre de leurs fleurs.

On entre, et tout d’un coup les yeux sont remplis de formes. Autour de deux citernes revêtues de bronze sculpté, quatre façades développent leurs architectures et leurs statues, où brille toute la jeunesse de la première renaissance. Rien de nu et de froid, tout est peuplé de reliefs et de figures ; la pédanterie du savant et du critique n’est point venue sous prétexte de sévérité et de correction restreindre l’invention vive et le besoin de donner du plaisir aux yeux. On n’est point austère à Venise, on ne s’emprisonne pas dans les prescriptions des livres ; on ne se décide pas à venir bâiller avec admiration devant une façade autorisée par Vitruve, on veut qu’elle occupe et réjouisse tout l’être sentant ; on la brode d’ornemens, de colonnettes et de statues ; on la fait riche et gaie. On y met des colosses païens, Mars et Neptune, et des figures bibliques, Adam et Eve ; les sculpteurs du XVe siècle y agencent leurs corps un peu grêles et réels ; les sculpteurs du XVIe y étalent leurs formes agitées et musculeuses. Rizzo et Sansovino étagent en marbres précieux leurs escaliers magnifiques, leurs stucs délicats, les caprices élégans de leurs arabesques : armures et branchages, griffons et faunesses, fleurs fantastiques, chèvres malignes, toute une profusion de plantes poétiques et d’animaux joyeux et bondissans. On monte ces escaliers de princes avec une sorte de timidité et de respect, honteux du triste habit noir qui rappelle par contraste les simarres de soie brochée, les pompeuses dalmatiques tombantes, les tiares, les brodequins byzantins, les seigneuriales magnificences pour qui ces marches de marbre étaient faites, et l’on est accueilli au sommet des gradins par un saint Marc du Tintoret lancé dans l’air comme un vieux Saturne, avec deux superbes femmes, la Force et la Justice, compagnes d’un doge qui reçoit l’épée de commandement et de combat. Au sommet de l’escalier s’ouvrent les salles de gouvernement et d’apparat, toutes tapissées de peintures ; là Tintoret, Véronèse, Pordenone, Palma le jeune, Bellini, Titien, Bonifazio, vingt autres ont couvert de leurs chefs-d’œuvre les murs et les voûtes dont Palladio, Aspetti, Scamozzi, Sansovino, ont fait les dessins et l’ornement.
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21 avril.2
On reporte les yeux vers la mer et on ne veut plus regarder autre chose ; on l’a vue dans les tableaux de Canaletti, mais on ne l’a vue qu’à travers un voile. La lumière peinte n’est point la lumière réelle. Autour des architectures, l’eau, élargie comme un lac, fait serpenter son cadre magique, ses tons verdâtres ou bleuis, son cristal mouvant et glauque. Les mille petits flots jouent et luisent sous la brise, et leurs crêtes pétillent d’étincelles. À l’horizon, vers l’est, on aperçoit au bout du quai des Esclavons des mâts de navires, des sommets d’églises, la verdure pointante d’un grand jardin ; mais tout cela sort des eaux, de toutes parts on voit le flot entrer par les canaux, vaciller le long des quais, s’enfoncer à l’horizon, ruisseler entre les maisons, ceindre les églises. La mer lustrée, lumineuse, enveloppante, pénètre et, ceint Venise comme une gloire.

Comme un diamant unique au milieu d’une parure, le palais ducal efface le reste. Je ne veux rien décrire aujourd’hui, je ne veux qu’avoir du plaisir. On n’a point vu d’architecture semblable ; tout y est neuf, on se sent tiré hors du convenu ; on comprend que par-delà les formes classiques ou gothiques que nous répétons et qu’on nous impose, il y a tout un monde, que l’invention humaine est sans limites, que, semblable à la nature, elle peut violer toutes les règles et produire une œuvre parfaite sur un modèle contraire à tous ceux dans lesquels on lui dit de s’enfermer. Toutes les habitudes de l’œil sont renversées, et avec une surprise charmante on voit ici la fantaisie orientale poser le plein sur le vide au lieu d’asseoir le vide sur le plein. Une colonnade à fûts robustes en porte une seconde toute légère, dentelée d’ogives et de trèfles, et sur cet appui si frêle s’étale un mur massif de marbre rouge et blanc dont les plaques s’entre-croisent en dessins et renvoient la lumière. Au-dessus, une corniche de pyramides évidées, d’aiguilles, de clochetons, de festons, découpe le ciel de sa bordure, et cette végétation de marbre hérissée, épanouie, au-dessus des tons vermeils ou nacrés des façades, fait penser aux riches cactus qui, dans les contrées d’Afrique et d’Asie où elle est née, entremêlaient les poignards de leurs feuilles et la pourpre de leurs fleurs.

On entre, et tout d’un coup les yeux sont remplis de formes. Autour de deux citernes revêtues de bronze sculpté, quatre façades développent leurs architectures et leurs statues, où brille toute la jeunesse de la première renaissance. Rien de nu et de froid, tout est peuplé de reliefs et de figures ; la pédanterie du savant et du critique n’est point venue sous prétexte de sévérité et de correction restreindre l’invention vive et le besoin de donner du plaisir aux yeux. On n’est point austère à Venise, on ne s’emprisonne pas dans les prescriptions des livres ; on ne se décide pas à venir bâiller avec admiration devant une façade autorisée par Vitruve, on veut qu’elle occupe et réjouisse tout l’être sentant ; on la brode d’ornemens, de colonnettes et de statues ; on la fait riche et gaie. On y met des colosses païens, Mars et Neptune, et des figures bibliques, Adam et Eve ; les sculpteurs du XVe siècle y agencent leurs corps un peu grêles et réels ; les sculpteurs du XVIe y étalent leurs formes agitées et musculeuses. Rizzo et Sansovino étagent en marbres précieux leurs escaliers magnifiques, leurs stucs délicats, les caprices élégans de leurs arabesques : armures et branchages, griffons et faunesses, fleurs fantastiques, chèvres malignes, toute une profusion de plantes poétiques et d’animaux joyeux et bondissans. On monte ces escaliers de princes avec une sorte de timidité et de respect, honteux du triste habit noir qui rappelle par contraste les simarres de soie brochée, les pompeuses dalmatiques tombantes, les tiares, les brodequins byzantins, les seigneuriales magnificences pour qui ces marches de marbre étaient faites, et l’on est accueilli au sommet des gradins par un saint Marc du Tintoret lancé dans l’air comme un vieux Saturne, avec deux superbes femmes, la Force et la Justice, compagnes d’un doge qui reçoit l’épée de commandement et de combat. Au sommet de l’escalier s’ouvrent les salles de gouvernement et d’apparat, toutes tapissées de peintures ; là Tintoret, Véronèse, Pordenone, Palma le jeune, Bellini, Titien, Bonifazio, vingt autres ont couvert de leurs chefs-d’œuvre les murs et les voûtes dont Palladio, Aspetti, Scamozzi, Sansovino, ont fait les dessins et l’ornement. Tout le génie de la cité en son plus bel âge s’est rassemblé ici pour glorifier la patrie en dressant le mémorial de ses victoires et l’apothéose de sa grandeur. Il n’y a point de pareil trophée dans le monde : batailles navales, navires aux proues recourbées comme des cols de cygnes, galères aux rames pressées, créneaux d’où partent des pluies de flèches, étendards flottans parmi les mâts, tumultueuses mêlées de combattans qui se heurtent et s’engloutissent, foules illyriennes, sarrasines et grecques, corps nus bronzés par le soleil et tordus par la lutte, étoffes chamarrées d’or, armures damasquinées, soies constellées de perles, tout le pêle-mêle étrange des pompes héroïques et luxueuses que cette histoire a promenées de Zara à Damiette et de Padoue aux Dardanelles ; çà et là les grandes nudités des déesses allégoriques ; dans les triangles, les Vertus du Pordenone, sortes de viragos colossales au corps herculéen, sanguines et colériques ; partout le déploiement de la force virile, de l’énergie active, de la joie sensuelle, et pour entrée de cette procession éblouissante le plus vaste des tableaux modernes, un Paradis du Tintoret, long de quatre-vingts pieds, haut de vingt-quatre, où six cents figures tourbillonnent dans une lumière roussâtre qui semble la fumée ardente d’un incendie.

L’esprit se trouve engorgé et comme offusqué, les sens défaillent. On s’arrête et on ferme les yeux, puis au bout d’un quart d’heure on choisit ; je n’ai bien vu aujourd’hui qu’un tableau, le Triomphe de Venise, par Véronèse. Celui-ci n’est pas seulement une fête, c’est encore un festin pour les yeux. Au milieu d’une grande architecture de balcons et de colonnes tordues, la blonde Venise est sur un trône, toute florissante de beauté, avec cette carnation fraîche et rose qui est propre aux filles des climats humides, et sa blanche jupe de soie fleuronnée se déploie sous un manteau de soie dorée. Autour d’elle, un cercle de jeunes, femmes se penchent avec un sourire voluptueux et pourtant fier, avec l’étrange attrait vénitien, celui d’une déesse qui a du sang de courtisane dans les veines, mais qui marche sur sa nue et attire à elle les hommes au lieu de tomber jusqu’à eux. Sur leurs draperies de violet pâle, près de leur manteau d’azur et d’or, leur chair vivante, leur dos, leurs épaules s’imprègnent de lumière ou nagent dans la pénombre, et la molle rondeur de leur nudité accompagne l’allégresse paisible de leurs attitudes et de leurs visages. Au milieu d’elles, Venise, fastueuse et pourtant douce, semble une reine qui ne prend dans son rang que le droit d’être heureuse, qui veut rendre heureux ceux qui la regardent, et sur sa tête sereine deux anges renversés dans l’air posent une couronne.

Le misérable instrument que la parole ! Un ton de chair satinée, une ombre lumineuse sur une épaule nue, un frémissement de clarté sur une soie mouvante, attirent, retiennent, rappellent les yeux pendant un quart d’heure, et on n’a qu’une phrase vague pour les exprimer. Avec quoi montrer l’harmonie d’une draperie bleue sur une jupe jaune, ou d’un bras dont la moitié est dans l’ombre et l’autre sous le soleil ? Et pourtant presque toute la puissance de la peinture est là, dans l’effet d’un ton près d’un ton, comme celle de la musique dans l’effet d’une note sur une note ; l’œil jouit corporellement comme l’ouïe, et l’écriture qui arrive à l’esprit n’atteint pas jusqu’aux nerfs.

Au-dessous de ce ciel idéal, derrière une balustrade sont des Vénitiennes en costumes du temps, décolletées en carré, avec un corps de jupe raide. C’est le monde réel, et il est aussi séduisant que l’autre. Elles regardent, penchées et rieuses, et la lumière qui éclaire par portions leurs habits et leurs visages tombe ou s’étale avec des contrastes si délicieux, qu’on se sent remué par des élancemens de plaisir. Tantôt c’est le front, tantôt c’est une fine oreille, un collier, une perle, qui sortent de l’ombre chaude. L’une, dans la fleur de la jeunesse, a le plus piquant minois. Une autre, ample, de quarante ans, lève les yeux en l’air et sourit de la plus belle humeur du monde.. Celle-ci, superbe, aux manches rouges rayées d’or, s’arrête, et ses seins enflent sa chemise au-dessus de son corps de jupe. Une petite fillette blonde et frisée aux bras d’une vieille femme lève sa main mignonne de l’air le plus mutin, et son frais visage est une rose. Il n’y en a pas une qui ne soit contente de vivre, et qui ne soit je ne dis pas seulement joyeuse, mais gaie. Et comme ces soies froissées, chatoyantes, ces perles blanches et diaphanes vont bien sur ces teints transparens, délicats comme des pétales de fleurs !

Tout en bas enfin s’agite la foule virile et bruyante des guerriers : des chevaux cabrés, de grandes toges ruisselantes, un soldat qui sonne dans un clairon encapuchonné de draperies, un dos d’homme nu auprès d’une cuirasse, et dans tous les intervalles une foule pressée de têtes vigoureuses et vivantes ; dans un coin, une jeune femme et son enfant, — tout cela accumulé, disposé, diversifié avec une aisance et une opulence de génie, tout cela illuminé comme la mer en été par un soleil prodigue. Voilà ce qu’il faudrait emporter avec soi pour garder une idée de Venise…
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INTRODUCTION : Pour toute préface au “Voyage aux Pyrénées” — dont est tiré “Vie et opinions philosophiques d'un chat” —, Hippolyte Taine (1828-1893) écrit : « Voici un voyage aux Pyrénées, mon cher Marcelin [de son vrai nom Émile Planat (1829-1887), illustrateur et caricaturiste] ; j'y suis allé ; c'est un mérite : bien des gens en ont écrit, et de plus longs, de leur cabinet. Mais j'ai des torts graves, et qui me rabaissent fort. Je n'ai gravi le premier aucune montagne inaccessible ; je ne me suis cassé ni jambes ni bras ; je n'ai point été mangé par les ours ; je n'ai sauvé aucune jeune Anglaise emporté par le Gave ; je n'en ai épousé aucune ; je n'ai assisté à aucun duel ; je n'ai vu aucune tragédie de brigands ou de contrebandiers. Je me suis promené beaucoup ; j'ai causé un peu ; je raconte les plaisirs de mes oreilles et de mes yeux. Qu'est-ce qu'un homme qui revient de voyage avec tous ses membres, et qui l'avoue ? J'ai parlé dans ce livre comme avec toi. Il y a un Marcelin, connu du public, fin critique, perçant moqueur, amateur et peintre de toutes les élégances mondaines ; il y a un autre Marcelin, connu de trois ou quatre personnes, érudit et penseur. S'il y a ici quelques bonnes idées, la moitié lui en appartient, je les lui rends.
Mars 1858. »
CHAPITRES : 0:00 — Introduction ; 0:25 —I ; 1:18 — II ; 2:56 — III ; 4:28 — IV ; 5:15 — V ; 7:18 — VI ; 9:46 — VII ; 11:17 — VIII ; 15:05 — Générique.
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Hippolyte Taine, Voyage aux Pyrénées, illustré par Gustave Doré, 7e éd., Paris, Hachette, 1873, p. 466-483.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Hippolyte Taine, Voyage aux Pyrénées, illustré par Gustave Doré, 7e éd., Paris, Hachette, 1873, p. 466-483.
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