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Mohammed Taleb (Directeur de publication)
EAN : 9782844541499
426 pages
Dervy (09/04/2002)
4/5   1 notes
Résumé :
La physique quantique, les géométries non euclidiennes, les mathématiques non standards, les sciences cognitives, la biologie nous offrent une image du monde bien différente de celle propagée, aux XVIIe et XVIIIe siècles, par les programmes scientistes et positivistes.

Ces débats ne sont nullement confinés dans les laboratoires de recherche ou les revues scientifiques. On assiste même au contraire à la convergence entre ce nouveau paradigme et les n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le but de cet ouvrage est annoncé clairement par Mohammed Taleb. Il s'agit de déconstruire le modèle scientiste, réductionniste et matérialiste de la connaissance actuelle en montrant quelles sont les raisons qui la rendent inséparables de la modernité capitaliste. Cette déconstruction n'est pas seulement théorique. Elle vise également une application pratique de réenchantement du monde et se rattache à la pensée d'un anticapitalisme qui serait plus éthique, culturel et spirituel que notre bon vieux capitalisme séculaire.


Les moyens envisagés dans la réalisation de cet objectivisme s'organisent autour de la réhabilitation de philosophies et de paradigmes délaissés au moins depuis la Renaissance mais parfois aussi depuis les temps plus anciens de l'antiquité. La question de la transdisciplinarité est aussi évoquée comme élément essentiel dans la construction d'un nouveau modèle de réflexion qui éviterait de sombrer dans le totalitarisme et la prétention de notre modèle scientifique actuel. La forme de l'ouvrage illustre cette qualité en réunissant une dizaine d'intervenants qui abordent chacun, d'après le point de vue spécifique de leurs affinités intellectuelles, de leur profession et de leur expérience, les conditions d'évolution de notre rapport à la science. Ces fragments décloisonnent le système d'une pensée univoque et favorise l'émergence de connexions entre les différentes voix et idées soumises à la réflexion.


Parmi les interventions les plus enrichissantes, on citera tout d'abord celle de Mohammed Taleb. En revenant sur la différenciation qui s'est opérée entre l'église occidentale et l'église orientale, il nous montre que la pensée scientifique moderne ne s'est pas faite contre le christianisme, comme aimeraient le croire les partisans « libérés » de la pensée « laïque », mais qu'elle s'est au contraire constituée en alliance avec un certain christianisme qui a évolué en synergie avec la nouvelle civilisation capitaliste. Jean-Jacques Wunenburger revient plus précisément sur la constitution de ce christianisme qui se justifie selon lui par la synthèse que Thomas d'Aquin réalisa entre la métaphysique chrétienne et la logique d'Aristote. En créant une métaphysique de la religion, il aurait contribué à l'idée selon laquelle Dieu et le monde sont des réalités connaissables accessibles à l'homme rationnel. Cette pensée s'oppose à la théologie négative de la philosophie néoplatonicienne qui articule la thèse d'une ineffabilité du principe (l'Un) à celle de l'émanation. Jusqu'à la Renaissance, les deux pensées étaient encore représentées mais le développement des sciences et de la technique, conduites et favorisées par les nécessités d'un nouveau système capitaliste, ont rapidement privilégié la première au détriment de la seconde. Et si on a du mal à voir le lien entre religion et science, souvenons-nous que l'établissement de la méthode scientifique expérimentale de René Descartes constituait selon lui un acte de piété qui permettrait d'atteindre l'instance dernière de la religion chrétienne : la vérité révélée grâce à la raison objective. Anne Perol nous explique que « la méthode cartésienne […] se donne pour but d'ordonner le monde concret en y retrouvant la perfection divine, l'existence de Dieu ayant été au préalable démontrée par l'existence même, chez les hommes sages, du désir de perfection et de connaissance. »


Philippe Jouët évoque également les modalités de constitution d'une science laïque en accord avec les principes les plus fondamentaux de la pensée religieuse chrétienne :


« le scientisme retrouve, sur un mode laïcisé, les principaux éléments de cette conception religieuse : la linéarité segmentaire d'un temps finalisé qui, tiré du néant par un opérateur censé être omniscient, s'auto-consomme jusqu'à sa résorption dans une « loi » absolue ; l'isolement du sujet de tout aléatoire et sa totale soumission à la subjectivité de l'opérateur ; la réduction des aléas biologiques au « péché » (ce n'est pas l'opérateur qui se trompe, c'est la nature) ; la signification morale de l'expérience ; l'universalisation des résultats et des fins, etc., voilà le protocole d'expérimentation de ce christianisme-là. »


La déconstruction de la pensée scientifique moderne se fait avec une facilité si étonnante et convaincante qu'on se sent bien obligé d'admettre qu'elle est d'une inconsistance navrante. Mais pour approuver de tout coeur cette démarche, il faut avoir déjà soi-même ressenti la déception que suscite la science moderne lorsqu'elle définit, catégorise et réduit les phénomènes en steaks sacrificiels destinés à assouvir la faim du progrès capitaliste. Alors, si ces fragments transdisciplinaires ne convainquent pas l'unanimité, ils draineront au moins dans leur sillage ceux qui espèrent retrouver bientôt une pensée vivifiante, ceux qui aimeraient souffler et retrouver une souplesse de la pensée plus uniquement asservie au technicisme et au profit.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
« Le scientisme retrouve, sur un mode laïcisé, les principaux éléments de cette conception religieuse : la linéarité segmentaire d’un temps finalisé qui, tiré du néant par un opérateur censé être omniscient, s’auto-consomme jusqu’à sa résorption dans une « loi » absolue ; l’isolement du sujet de tout aléatoire et sa totale soumission à la subjectivité de l’opérateur ; la réduction des aléas biologiques au « péché » (ce n’est pas l’opérateur qui se trompe, c’est la nature) ; la signification morale de l’expérience ; l’universalisation des résultats et des fins, etc., voilà le protocole d’expérimentation de ce christianisme-là.
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[Le refus du sensible et l’intellectualisation] tendent à justifier philosophiquement le dualisme, c’est-à-dire la coupure entre le sens et le réel, traduite, dans le domaine religieux, comme séparation entre le divin et le monde vivant. Dès lors le sens devenu « essence », figée et non dynamique, n’est plus ce qui fonde ou révèle mais ce qui s’oppose à la réalité : l’essence s’oppose à l’accident (Aristote), à la substance (Descartes), à l’apparence (Kant) et enfin à l’existence (Sartre). L’existentialisme, avec son choix d’une illusoire liberté au détriment du sens […] n’est, avec le nihilisme qu’il engendre, que l’aboutissement ultime de cette intellectualisation de l’idée.
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On en est venu à considérer ce qui n’est pas rationnel comme quelque chose d’anormal, profondément hétérogène par rapport à notre nature. C’est encore, insidieusement, passer d’un réductionnisme méthodologique nécessaire (la raison comme outil scientifique) à un réductionnisme ontologique abusif (la rationalité comme essence de l’homme, conforme à sa nature).
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Chez Descartes notamment, la raison et la foi chrétienne allaient de pair : l’écriture d’un mode d’emploi à l’usage de tout homme raisonnant fut pour lui un acte de piété. L’instance dernière de la religion chrétienne réside dans la raison objective et la vérité révélée.
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La philosophie de la science classique est en profonde harmonie avec la philosophie chrétienne occidentale de la nature : les deux pensent la réalité sous le double signe du dualisme ontologique, c’est-à-dire de la séparation de l’humain, du cosmique et du divin et de l’objectivation (la réalité est connaissable dans son essence).
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