Je suis sortie. Pour m'assurer que je n'étais pas seule à vivre. M'assurer que je n'étais pas la seule que vivre inquiétait ainsi.
Si nous continuons à fréquenter notre troquet, c'est que nous nous ressemblons. Nous n'avons pas seulement les mêmes goûts rares. Sans doute notre façon d'être avec l'autre nous convient-elle à chacun.
Plus de trente années nos séparent mais je me sens infiniment plus proche de lui que de certains amis du même âge que moi.
Je me rendais compte que j’étais toujours avec le maître, lui seul. Boire du saké en compagnie de quelqu’un, me promener… à part avec le maître, il y avait longtemps que ça ne m’arrivait plus. J’essayais de me rappeler avec qui je faisais ce genre de choses, avant, mais personne ne me venait à l’esprit.
Le sol était humide. Au milieu des herbes, il y avait une multitude de choses. Des champignons… Et puis, sous la terre, des organismes microscopiques… Des insectes qui rampaient sur le sol… Et d’autres, dans le ciel, dont les ailes leur permettaient de voler… Et puis, des oiseaux sur les branches… Et le souffle des gros animaux, vivant au fond des bois, qui venait comme gonfler l’atmosphère. J’étais entourée d’une multitude d’êtres vivants.
J’étais seule. Seule je prenais le bus, seule je déambulais dans les rues, seule je faisais des courses, seule j’allais boire un verre. Quand je me trouvais avec le maître, je me sentais dans le même état d’esprit que celui qui m’habitait avant, quand je faisais tout toute seule. Mais alors, quel besoin avais-je d’être avec lui ?
Une lèvre douce vous promet une éternité de baisers.
Tu étais du genre à hésiter avec conviction ! (p.177)
Ma mère s'est tue. Moi aussi. Nous avons mangé en silence. ESt-ce que nous n'avions rien à nous dire? Nous avions sans doute des choses à nous raconter. Mais tout à coup, nous ne savions plus de quoi parler.
Alors que nous étions proches, ou plutôt parce que nous étions proches, nous ne pouvions nous rejoindre....
"Au fond, vivre, c'est causer du tord à quelqu'un..."
"Tremblant le saule
Blanche la rivière dans la nuit
Et au-delà dans la fumée des près
A peine perceptible le son d'une flûte
Émeut le coeur du voyageur."