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Myako Slocombe (Traducteur)
EAN : 9782847052831
112 pages
Espaces 34 (22/06/2023)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Un jeune randonneur entre dans un modeste restaurant d'Osaka.
Le propriétaire, aussi excentrique qu'asocial, lui propose de prendre sa place en tant que chef : il lui suffira de suivre ses indications par une oreillette et de servir les clients dans la salle tandis que lui, le chef, restera à l'étage, reclus, voyant sans être vu.
Les clients reviennent dont des habitués et un riche entrepreneur chinois à l'affût des bonnes affaires.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pour être grand amateur de littérature japonaise, j'admire particulièrement les grands classiques. On connaît leurs noms, une dizaine d'auteurs se détachent parmi d'autres de talent. Sur la nouvelle génération de romanciers, j'ai déjà pu exprimer ici mon scepticisme sur l'intérêt des parutions qui se succèdent avec toujours les mêmes thèmes éculés, distillés jusqu'à plus soif, les chats, les mamies cultivant leurs fleurs et légumes, les cafés perdus, retrouvés, avec les souvenirs et un fantastique boîteux et naïf. Bref, un feel good overdosé jusqu'à l'écoeurement. de temps en temps émerge une rare pépite, avec des Mieko Kawakami, Yukiko Motoya, Hideo Furukawa…Malgré tous les indicateurs socio-démo-économiques dans le rouge, et probablement de manière irrémédiable, il reste une lueur pour ce pays qui se bat pour conserver sa culture traditionnelle, tellement enracinée, et qui, effet de l'esprit d'impermanence des choses, ne craint pas de surprendre, de tout oser, de se réinventer sans cesse. Il en va ainsi du théâtre, art majeur au pays du Nô, du Kyôgen, du Bunraku et du Kabuki, où les metteurs en scène contemporains sont particulièrement bien inspirés, en particulier pour dénoncer les travers de leur société. Et c'est bien dans la traduction de leurs textes que réside une impertinence, un esprit contestataire et un humour salvateurs. Et nous avons de la chance en France : les éditions Espace 34, comme leur concurrente franc-comtoise Les solitaires intempestifs, les plus emblématiques pour moi mais sûrement parmi d'autres, nous font le bonheur de publier de beaux textes théâtraux, d'auteurs français et internationaux. Parmi eux, de brillants Japonais : Tomohiro Maekawa, Hideki Noda, Shu Matsui, Oriza Hirata, Yôji Sakate, et ici, Kurô Tanino.

The dark master se passe dans un restaurant quasi invisible dans une banlieue pour ainsi dire désertée d'Ôsaka. Un jeune Japonais randonneur et glandeur de Tôkyô est venu s'y perdre, et se fait rouvrir le rideau tombé nuitamment par le patron, un ronchon qui malgré tout finit par lui servir un plat quand ils se rendent compte qu'ils aiment tous les deux le baseball. Mais le patron en a marre, les clients se font rares, il cherche un hypothétique repreneur. Alors il a un plan, qu'il ne tarde pas à mettre à exécution : introduire de force une minuscule oreillette dans l'oreille du jeune, et le forcer à le remplacer en cuisine, en envisageant de lui faire reprendre le restaurant. le Jeune n'y connaît strictement rien à la cuisine, mais moyennant une avance de billets, et les consignes en continu que le patron, retiré et enfermé à l'étage lui donnera à l'oreillette, il se met au travail, sous les multiples caméras dont dispose le patron dans sa tour de contrôle du dessus.

Dès lors, durant plus d'un mois le jeune va remplacer le patron aux yeux des clients, se mélanger les pinceaux entre les paroles de l'oreillette et les demandes en salle, s'aguerrir, profiter des services d'une jolie prostituée mais tomber sur un os de taille : un chinois…

Ce texte est réjouissant, malin, drôle, et est enrichi d'une didascalie audacieuse. Quand la pièce a été représentée en France il y a quelques années, il y avait visible tout le réseaux de caméras et écrans de contrôle, on imagine un centre de contrôle urbain, avec ces hommes qui scrutent une myriade d'écrans, et la cuisine était faite sur scène, les spectateurs profitant à fond des bonnes effluves. Car si la cuisine est un peu crasseuse, les plats qui se succèdent nous régalent, notamment l'omuraisu, l'omelette au riz japonaise.

Sans en dévoiler davantage, en seulement 85 pages bien aérées de dialogues, l'auteur parvient à mettre en lumière tous les maux de la société japonaise actuelle. Les jeunes urbains qui ont de moins en moins le coeur à l'ouvrage, la désertion de la province, un écart d'attractivité qui ne cesse de se creuser entre le Grand Tôkyô et cette province (et pourtant on est à Ôsaka, deuxième ville du pays), la société de surveillance par la technologie, les rapports de soumission-domination tant au travail que dans la vie privée (la figure du patron, de la prostituée), mais aussi la transmission et la problématique du vieillissement (qui pour prendre la relève, notamment des petits commerces traditionnels), et pour finir la menace chinoise : le Chinois qui a désormais le pouvoir économique quand le Japon ne peut pas lutter, ce méchant Chinois, brutal et sans vergogne, qui rachète tout. Alors certes, le jeune s'avère finalement assez débrouillard, il apprend vite, croît s'émanciper…Mais la vie n'est qu'un éternel recommencement de rapport dominant-dominé.

Heureusement il y a le baseball, qui est d'ailleurs encore pour le coup le bon fruit d'une soumission, celle du Japon aux Etats-Unis, devenu le sport n°1 (c'est peu dire que la TV japonaise a son M'Bappé en la personne de Shohei Ohtani, la superstar du baseball, qui évolue à Los Angeles).

The dark master est une très bonne pièce, et une lecture qui allie l'agréable, la réflexion et l'impertinence, avec du rythme. Les éditions Espace 34 ont également publié de Kurô Tanino, Avidya, l'auberge de l'obscurité. Gageons qu'il y en aura d'autres de cet auteur talentueux et de ses compatriotes.
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Après m'être délectée de : Avidya, l'auberge de l'obscurité, je n'avais qu'une hâte, découvrir une nouvelle oeuvre de Kurô Tanino !
Quel talent bon sang ! C'est tout bonnement incroyable… Il réussit à nous transporter sur scène en un clin d'oeil ! Tout y est ! le décor, les odeurs, les matières, l'atmosphère…

Cette auberge bien modeste, voire crasseuse, qui semble d'ailleurs de prime abord fermée, est devenue le décor parfait pour ce huis-clos des plus perturbants et des plus envoûtants… le duo époustouflant de réalisme tenus par le propriétaire et ce marcheur de passage fraîchement débarqué de Tôkyô, transmet à la fois une impression de gêne et de complicité. Comme si la confiance mutuelle s'était installée comme par magie.

À travers l'élève qui souhaite faire aussi bien que son Maître, Tanino fait intervenir des clients bien spécifiques qui dénoncent brillamment et subtilement la dépossession du patrimoine japonais, mais aussi ce rapport hiérarchique entre les êtres qui semble inéluctable et pourtant vain à l'élévation des Hommes.

Tanino est véritablement un virtuose dans l'art de rendre extraordinaires les situations les plus communes. Il parvient à s'infiltrer dans l'esprit de ses personnages et nous présente toujours des personnalités inoubliables. On s'immisce alors dans leurs pensées, leurs secrets, leurs rêves, leurs aspirations, leurs hontes… La manipulation exercée dans cette pièce est totalement représentative du monde qui est le nôtre et du fonctionnement inhérent à notre société.

Cette pièce est un véritable bijou d'émotions. On passe par toutes les sensations possibles. Ce huis-clos est bien plus qu'une pièce de théâtre, c'est une expérience exceptionnelle de lecture ! Une fois le livre refermé, je peux vous dire que vous resterez pourtant encore un sacré bout de temps dans cette auberge…

Je n'ai à présent qu'une seule envie : lire tous les ouvrages de Monsieur Kurô Tanino !
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Amatrice de théâtre, j'étais curieuse de découvrir cette pièce de théâtre japonaise contemporaine. Je l'ai donc demandé lors d'une masse critique Babelio et je remercie les éditions Espaces 34 pour l'envoi.

C'est une pièce qui a pour lieu un restaurant d'Osaka qui passe inaperçu dans le quartier. Toutefois, un jeune randonneur s'y arrête alors que le patron du restaurant vient de fermer. Ce seront les deux personnages principaux de cette pièce.

Le patron est une personne excentrique et asociale qui va proposer au jeune homme de prendre sa place. Ce dernier ne sait rien faire. Il n'a jamais trouvé sa voie et c'est pour cela qu'il parcourt le pays. Bref, il ne sait pas le moins du monde cuisiner donc refuse, mais le propriétaire insiste. Il lui donnera des directives dans une oreillette !

J'ai trouvé ce procédé théâtral bien trouvé et je ne cessais d'imaginer comment cela rendrait sur scène. le public entend le patron mais ne le voit plus. C'est assez simple de se projeter dans la mise en scène car il y a pas mal de didascalies. Toutefois, certaines indications sont très originales. Si mon imagination a travaillé facilement, je me demande concrètement comment cela se matérialise dans les théâtres.

C'est aussi un procédé qui permet des situations comiques comme les quiproquos car, à ce duo atypique de patron voyant-voyeur et apprenti-ignorant, viennent s'ajouter quelques clients qui ne doivent pas deviner le subterfuge.

La pièce est très drôle, mais le rire n'est pas la seule émotion qu'elle provoque. le comique fleurte avec un côté un peu malsain qui semble prendre progressivement le pas. A travers le théâtre, Kurô Tanino explore les rapports de pouvoir et dénonce notamment la corruption et la société d'hypersurveillance. En tant que lectrice-spectatrice (car je visualisais la scène), je suis passé du rire à l'inquiétude face à certaines situations de plus en plus osées et absurdes. L'humour demeure mais devient noir. Cela crée également un effet de suspens. Vers quoi vont évoluer ces différentes situations de plus en plus rocambolesques ? La fin est excellente.

En bref, Kutô Tanino nous fait passer par toutes les émotions, tout en maintenant l'humour jusqu'à la fin. Et on referme le livre/les rideaux avec des réflexions en tête que l'on partagerait bien avec le spectateur ou la spectatrice assis.e à nos côtés. Que j'aimerais voir cette pièce !

En attendant, je me pencherai sur le catalogue des éditions Espaces 34 qui a l'air diversifié et intéressant.
Lien : https://lectoplum.wordpress...
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La 4e de couverture parle d'une dénonciation de la cupidité et de la perte de culture nationale, ce qui est sans doute présent même si ce n'est pas ce que j'en retiendrai. Pour ma part, j'y ai avant tout vu une histoire d'emprise et de dévoiement de moyens technologiques (hypersurveillance). Sans être une experte de Faust, l'accord passé entre le patron et le jeune homme, qui devient son serviteur dévoué, n'est pas sans rappeler ce pacte avec le diable. le titre de la pièce, The Dark Master, vient d'ailleurs accentuer cette impression.
Voilà une pièce que j'aimerais beaucoup voir jouée pour découvrir l'interprétation qu'en ferait un metteur ou une metteuse en scène. le texte alterne répliques cocasses, scènes de préparations culinaires appétissantes et situations dérangeantes. On peut donc imaginer une mise en scène qui irait plus vers le rire ou au contraire le tragique, vers le terre-à-terre ou le philosophique, ou encore qui serait sur le fil entre toutes ces visions du texte. Un texte qui ne laisse pas indifférent(e) et que je trouve très japonais précisément parce qu'il oscille si brillamment entre humour et malaise.

Un grand merci à Babélio et aux Éditions Espaces 34 pour m'avoir offert ce livre lors d'une récente Masse critique en échange d'un avis. J'ai été ravie de lire cette pièce et compte bien aller piocher prochainement dans le passionnant catalogue de cette maison d'édition spécialisée dans les oeuvres théâtrales contemporaines et du 18e siècle.
Lien : https://des-romans-mais-pas-..
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Singulier et troublant, The Dark Master m'a entraîné dans les rêves inachevés de mon adolescence. Riche de didascalies précises et originales, cette pièce se déroule sous nos yeux à sa simple lecture. Un texte à la fois simple et profond, comme on en entend chez Beckett, vernaculaire et fantastique comme on en lit chez Murakami. Il nous enferme dans un petit restaurant qui ressemble à la petite cuisine où s'élaborent nos songes comme nos souvenirs : passé, présent et futur s'y entremêlent pour ne plus faire qu'un. Je n'ai jamais eu l'occasion d'assister à une représentation de cette pièce, ce doit être une étrange expérience : un vrai défi lancé aux metteurs en scène comme aux comédiens qui s'attaqueraient à cette oeuvre qui pourrait bien devenir un classique de notre temps pour les générations futures.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
CLIENT 3. - Vous tenez ce restaurant depuis longtemps ? Je ne l’avais jamais remarqué, et pourtant je suis souvent passé dans cette rue.

LE JEUNE. - Oui, c’est petit…

CLIENT 3. - Ça fait combien d’années ?

LE JEUNE. - Combien d’années ? Je sais plus …trente, à peu près.

CLIENT 3.- Trente ans? Tant que ça ? Vous aviez un prédécesseur ?

LE JEUNE. Non, pas trente, n’importe quoi… (Il réfléchit un moment) Désolé, j’ai oublié !
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