AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Osmanthe


« L'histoire de Shunkin » nous conte plusieurs décennies après sa mort, par la voix d'un narrateur extérieur à l'histoire, la vie d'une femme, Koto Mozuya, dite Shunkin, 1829-1887. Le narrateur a mis la main sur un livre écrit d'un certain Nukui, racontant la vie de cette femme qu'il a bien connue, et se rend sur leurs tombes voisines, d'où il nous livre le témoignage de cet homme. Fille d'un riche apothicaire d'Osaka, Shunkin est une enfant gâtée frappée très jeune par un premier drame : à 8 ans, une maladie la rend définitivement aveugle. Elle développe alors son don pour la musique, jouant des instruments traditionnels koto et shamisen, auprès du Maître Shunsho, réputé très dur avec ses élèves. Tant par son handicap que par son rang social élevé, Shunkin n'est pas autonome pour ses tâches quotidiennes. Dès sa cécité survenue, on lui adjoint en permanence le service d'un autre enfant d'origine plus modeste, Sasuke (alias Nukui), de quatre ans plus âgé. L'enfant ne tarde pas à tomber amoureux d'elle, et apprend en cachette le shamisen. Une relation très ambiguë entre ces deux êtres se déploie au fil du temps. Un jour, encore pubère, Shunkin tombe enceinte. Malgré les rumeurs et supputations, ni elle ni lui n'avoueront leur relation et elle refuse absolument toute union avec lui. La fière Shunkin devient Maîtresse de musique. Elle aussi est dure avec ses élèves et son personnel, et elle apparaît impitoyable avec Sasuke, complètement dominé, alors même qu'il est la seule personne à partager son intimité la plus secrète. La belle repousse sans ménagement les prétendants. Cette attitude lui attirera une vengeance qui lui ruinera le visage. Sasuke décide alors de s'abîmer lui-même les yeux pour ne pas lui infliger son regard...Cette forme de convergence de leur état va leur permettre d'adoucir leur relation et de vivre de manière plus sereine et tendre leurs dernières années communes. Sasuke, lui aussi consacré Maître de musique, survivra vingt ans à sa belle.
Tanizaki nous offre ici un de ses textes courts les plus connus. Il parvient à nous immerger en quelques pages dans une tradition nippone mettant les sens à l'honneur : découverte des deux instruments traditionnels par excellence que sont le koto et le shamisen, des petits oiseaux élevés pour le plaisir de leur chant, de la nourriture...pour le plaisir des sens, comme un palliatif à la cécité de ses personnages. Mais ce qui frappe, comme une constante dans son oeuvre, c'est un talent unique pour la mise en relief de relations sadomasochistes. Du grand art.
Au moyen d'un procédé narratif proche du « fusil de chasse » de Yasushi Inoue, il parvient à donner une dimension tragique universelle et intemporelle à cette histoire d'amour vécue dans un univers très japonais.

Dans le récit Ashikari, le narrateur, en se promenant au bord d'un étang, rencontre un homme qui va lui compter les raisons qui le poussent à revenir déambuler sur ces lieux environnant un ancien palais impérial. Ce sont ses souvenirs de jeunesse qui resurgissent ainsi, du temps où son père, Seribashi, l'amenait ici, attiré par la musique traditionnelle, suave et légère émanant de la noble demeure. Cette musique était interprétée par O-Yû, la femme que Seribashi a aimé toute sa vie. O-Yû, jeune veuve et mère, devait porter le deuil un temps, et Seribashi épousa sa soeur O-Shizu...qui devina vite les sentiments profonds et pudiques unissant les deux coeurs. O-Shizu fait preuve d'une noblesse d'âme et de coeur infinies en installant O-Yû chez elle pour favoriser le rapprochement des deux amoureux...mais la société japonaise très conservatrice permettra-t-elle la concrétisation d'une telle union ?
Atmosphère onirique et nostalgique pour cette belle nouvelle aux allures de fable, qui met en exergue les thèmes souvent visités par la littérature japonaise : les amours défendues, l'honneur, la pudeur dans l'expression des sentiments, la rigidité de la société et de ses codes, la mémoire et sa transmission à travers les générations.
Commenter  J’apprécie          241



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}