On a souvent dit et répété, et c'est devenu une sorte d'axiome, que toute notre connaissance des choses consiste à percevoir entre elles des ressemblances ou des différences. C'est juste, et cela prouve que la vie universelle est une suite ou un entrelacement sans fin de répétitions et de variations. Est-il vrai cependant qu'il n'y ait à distinguer que ces deux grandes classes de rapports entre les objets, entre les êtres ou les états des êtres ? Il y en a un troisième, que l'on oublie toujours, malgré l'importance et la gravite de son rôle : c'est la combinaison originale des deux premiers fusionnés ensemble et intimement dans le rapport d'opposition, d'inversion, de contrariété. Deux choses opposées, inverses, contraires, ont pour caractère propre de présenter une différence qui consiste dans leur similitude même, ou, si l'on aime mieux, de présenter une ressemblance qui consiste à différer le plus possible. Quand je dis qu'on ne prend pas garde à ce rapport, entendons-nous bien. Il n'en est peut-être pas dont il soit plus fréquemment parlé dans le langage courant, voire même dans les proverbes : « les extrêmes se touchent »; mais il est remarquable que la spéculation philosophique, qui s'est attaquée à tant d'idées vulgaires pour les épurer au creuset de son analyse, et les généraliser en les épurant, n'a presque pas daigné ramasser sur son chemin la notion importante dont il s'agit.