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Critique de antoineperroud


Ô Dingos, ô Châteaux !, Jacques Tardi adapte Jean-Patrick Manchette, troisième épisode. Ce roman, antérieur de quelques années au Petit bleu de la côte ouest et à La position du tireur couché, pose les bases de ce qui deviendra le néo-polar ou roman noir, genre que Manchette affina et revendiqua toute sa vie. Taper dans le concret, cracher au visage de la société pour mieux en dénoncer les dérives, ce récit ne fait pas dans la dentelle. L'histoire, avec sa distribution délirante (un tueur professionnel rongé par la folie, des hommes de main aussi obtus que les pandores sur leurs basques, un grand-patron prétendument bienfaiteur mais véritablement amoral et une garde d'enfant tout juste sortie de l'asile, sans être vraiment guérie), n'est que prétexte à une longue descente en enfer dans la réalité de la France de Pompidou.

Au moment de sa parution en 1972, le sujet et le style voulaient refléter leur époque, presque quarante ans plus tard, sa version dessinée conserve, d'une manière inquiétante, toute sa gravité. le fond du propos reste, malheureusement, toujours d'actualité : les patrons se gavent et dictent leur loi, consommation et croissance règnent dans les discours, quant aux fous, ils courent toujours. Tardi n'a qu'à se servir dans la prose de Manchette pour raconter une histoire particulièrement jouissive, outrageuse, à la limite d'un surréalisme sanguinolent.

Graphiquement, le dessinateur « déroule » son art sans trop se poser de questions. Les passages se passant à Paris n'offrent pas grand-chose de nouveau ; Tardi a tant montré la capitale, arrondissement par arrondissement, à toutes les époques, que ses vignettes sont quasiment entrées dans l'imaginaire des bédéphiles. Par contre, la longue course poursuite à travers l'Hexagone et le final façon puzzle dans le Massif Central, permettent au créateur d'Adèle Blanc-Sec de s'illustrer (!) dans de nouveaux paysages plus bucoliques, d'une manière que les frères Coen ne dédaigneraient pas.

Parfois trop bavarde, cette adaptation reste des plus (trop ?) fidèles au texte d'origine. Respect littéraire ou peur de trahir l'ami trop tôt disparu ? Au lecteur d'en décider. Toujours est-il que Tardi propose avec Ô Dingos, ô Châteaux ! un très bon album. À lire.
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