Le tsar fou, tome 1 : L'habit ne fait pas le roi

Le dessin est une peu désordonné, le trait brut et rapide, personnellement je préfère presque ce genre de graphisme à d'autres bien plus sophistiqués, plus travaillés, au trait plus fin, plus réaliste. Ce que j'aime dans ce genre de graphisme (Blain, Trondheim, Sfar, Bouzard, Tanquerelle et tant d'autres encore…) c'est qu'il se met au service du récit, il se fait discret devant la narration, tout en étant très vivant, les couleurs sont vives et chaleureuses, et parfois une grande illustration vient apporter un point de suspension, le rythme est intense, on ne se perd pas dans la contemplation, et pourtant on s'imprègne complètement de l'histoire, le trait est à l'image du temps de laventure.
Nous voici au XIXe siècle, dans le règne d'un Tsar quelconque, l'Histoire avec un grand H n'est pas vraiment respectée, ce Tsar est en est plusieurs et aucun à la fois, fictif, dans une Russie pourtant assez réaliste. Tarek nous embarque dans une variation sur le thème des mille et une nuit, en reprenant le conte de ce calife qui se déguise en manant pour espionner sa population et se rendre compte de la vie de son peuple. le gouvernement est corrompu et la révolution gronde. le récit des mille et une nuit s'imbrique dans l'ambiance russe du XIXe siècle, navigant avec subtilité entre le conte et le roman historique, c'est chargé de références, avec des personnages cocasses. Voici donc une bande dessinée qui m'a ravi.

Chouette découverte que cet album.

Moscou. le tsar balise un peu. Selon plusieurs de ses ministres, tout va bien. le peuple est satisfait, l'armée et la police sont bien aussi, etc. Evidemment, rien de tout cela n'est vrai et la corruption règne en maître. On ment au tsar, on conspire en cagoule et le tsar peut compter les fidèles sur les doigts de la main.

Le déclic vient chez le tsar quand il assiste à un spectacle d'une troupe où le conteur parle d'Haroun Al-Rashid, le calife qui se déguisait en paysan pour parcourir les rues de sa cité la nuit et prendre la température du peuple. le tsar va faire pareil.

Mais ce faisant, il perd un peu le pouvoir de vue et c'est le coup d'état. Il est pris pour un illuminé et emprisonné. Puis, les putschistes le prenant réellement pour un moujik, il est remis sur le trône sur base du fait qu'il est un sosie... Et le tsar reprend du poil de la bête.

Le dessin s'apparente au travail de Sfar dans le Chat du Rabbin. Déroutant au début. Mais on finit par s'y habituer. Il y a de la dérision (la dernière page est un régal), de la parodie, des références... (Tarek aime visiblement bien la Russie de cette époque, vu son travail sur Raspoutine)

Un conte un peu enfantin, un peu onirique, qu'on suit avec plaisir. Surtout à mon sens grâce au dessin de Lionel Chouin, d'un style chargé contemporain et sautant du drame à l'humour avec beaucoup de réussite.