Citations sur La maison à claire-voie (19)
Les bêtes, ça n’allait jamais à l’école, rien que pour cette raison, elles méritaient le respect.
Elle décolla son dos poisseux de sueur du siège, ouvrit la portière et jeta ses jambes dehors. Elle portait un débardeur jaune, un jean serré et était chaussée d’espadrilles à semelles compensées. Ça n’allait pas être l’idéal pour crapahuter dans la rocaille et ce n’était pas la meilleure protection s’il prenait l’envie à d’éventuels serpents de faire sa connaissance. Elle n’oublia pas le larfeuil rempli de billets, ni la bouteille d’eau tiède, puis s’éloigna.
Elle était capable de vous faire un long exposé sur la régulation du transit intestinal, mais n’y connaissait rien en mécanique. Que la panne fût grave ou non, elle se retrouvait le bec dans l’eau. Encore aurait-il fallu qu’il y ait en vue une source, un ruisseau, car elle ne possédait plus pour s’humidifier le gosier que le quart d’une bouteille d’Ozarka, chaude comme de la pisse. Pour ne rien arranger, la batterie de son téléphone cellulaire semblait sur les genoux et, de toute façon, il n’y avait manifestement pas de réseau.
On racontait que des ermites, d’anciens hippies et autres, vivaient ici. Ils avaient l’air de peace and lovers quand, par le plus grand des hasards, il arrivait d’en surprendre un, car, d’ordinaire, rien ne laissait deviner leur présence. Pas une seule cabane, pas de grotte susceptible d’être habitée. Des rumeurs effrayantes couraient sur eux. On les disait voleurs d’enfants afin de leur inculquer une éducation de sauvageons, de leur apprendre à se nourrir de choses immondes et de les initier à de répugnantes pratiques sexuelles ignorées à leur âge.
Les monts Ozarks, ce devait être cela, alentour. Pas que de simples collines. Des forêts en draperies accrochées à des versants rudes menant à des sommets tels des coins de roc sertis dans le ciel, des jonchées de caillasse sans prétention de devenir chemins, des pans de courtes prairies herbeuses et pentues piquetées de fleurs sur lesquelles il était difficile de mettre un nom. Le trou du cul du monde. Un fort joli trou du cul, mais n’empêche…
Au début, il l’appelait « mon cœur », par la suite, il aurait pu dire « mon cul », car il lui arrivait d’exiger de baiser trois fois par jour. Puis il s’était mis à l’insulter, à la rabaisser quand il accueillait certains de ses copains. Depuis deux mois, il en était venu aux coups. Elle avait porté plainte, avait été reçue cinq minutes par le shérif du comté, et c’est tout juste s’il ne lui avait pas ri au nez. Elle avait fini par apprendre que ce gros porc faisait partie des flingueurs de cerfs.
P’pa se tenait vautré sur le canapé, la tête rejetée en arrière, la gorge ouverte, avec un hideux plastron rouge sur la poitrine.
Elle n’avait jamais porté de montre, se fiait à l’heure que lui indiquait son portable. Et comme celui-ci ne donnait plus signe de vie, bernique ! Mais peu importait.
Elle sentait sa poitrine enflée de liberté, ce sentiment apte à gommer tout ce qui lui était étranger. Et puis, merde, elle finirait bien par tomber sur un semblant de civilisation, une cabane de bûcheron, un refuge pour randonneurs ou un élevage de poulets.
En fait, elle n’avait pas peur, n’était pas triste. Il y avait ce soleil qui la caressait d’un fer rouge, mais ce n’était rien comparé aux poings de Matt