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Critique de paulmaugendre


A moi, il me fend la Pierre, et à toi, il ne fend rien ?

Derrière chaque roman, se cache un auteur, et derrière chaque auteur se cache un homme (ou une femme, ménageons les susceptibilités) qui possède son univers, ses préoccupations, ses thèmes favoris, quel que soit le genre littéraire abordé.

Chez Brice Tarvel, l'élément récurrent c'est l'eau. Normal, me direz-vous, puisque l'eau c'est fait pour récurer. Mais on la trouve sous toutes ses formes naturelles, en pluie, suintante, dégoulinante ou stagnante dans des plans d'eau ou des rivières. Mais ne nous laissons pas déborder par cette précision, et plongeons allègrement dans le récit qui est un peu une histoire en vase clos.

Sous un immense dôme d'où exsude l'eau, Viridis est une salle-territoire bénéficiant d'un éternel printemps et ses habitants qui ne connaissent rien d'autre même s'ils savent que d'autres salles-royaumes existent, n'ont guère envie de quitter ce vaste enclos. Car tout autant que Chaloir, Feuille-Sèche et Pierre-Fendre, Viridis possède sa propre autonomie, sa saison bien définie. Chaloir, c'est l'été, chaud, étouffant, et rares sont ceux qui traversent ce désert de sable, des tribus qui se déplacent à l'aide de bouts de bois accrochés à leurs jambes. Feuille-Sèche correspond à l'automne tandis qu'à l'autre bout s'étend Pierre-Fendre qui comme son nom l'indique l'hiver règne en permanence. Ces quatre territoire-saison sont ramassés dans un immense castel entouré de hauts murs les protégeant, selon les légendes, de la Sommeilleuse et du Grand Dehors. le soleil est caché sous une chape de grisaille, comme un éteignoir qu'un jour un hurluberlu a essayé de teinter en bleu. En pure perte, la peinture s'effritant en confettis disgracieux.

Dulvan et Garicorne, deux jeunes garçons aventureux épris l'un de l'autre ont décidé de se rendre à Pierre-Fendre. Dans quel but se demande Aurjance, la soeur de Dulvan, qui s'inquiète du départ des deux adolescents. La réponse en est donnée par Jazole, l'oiseau-parleur :

Les deux jouvenceaux se sont donnés pour mission de secouer la Sommeilleuse afin de l'arracher à ses songes perpétuels. Ils espèrent ainsi faire tomber les murailles, faire disparaître le manoir et pouvoir accéder ensuite au Grand Dehors.

Aurjance enfourche donc son fier destrier, un gonche, un cheval mâtiné de dragon, et en compagnie de son amie Farille, les voilà toutes deux parties sur les traces des deux foutriquets. Seulement, la magicienne guérisseuse sorcière Murgoche, dont le physique fait penser à la grosse bonne-femme de Dubout, ayant ouï le départ de Dulvan et Garicorne, ne l'entend pas de cette oreille. Et elle se met en route également afin de les stopper dans leur entreprise.

En cours de route, qui n'est pas la même empruntée par ces trois minis convois, chacun d'entre eux va faire des rencontres intéressantes, ou pas.

Ainsi Dulvan et Garicorne, ils sont inséparables, décident de rejoindre Pierre-Fendre par les courtines, en haut de l'enceinte, et se trouvent bientôt nez-à-nez avec un aérostier, le baron Elven de Champdorge, dont le ballon a chu et la nacelle démantibulée. le baron habite Feuille-Sèche et a laissé sa femme au foyer afin de découvrir le monde restreint par les airs. Quant à Murgoche, elle va faire alliance avec Yuk Long Renard, un brigand placé à la tête d'Acérains, sortes de grosses écrevisses, et autres maufaiteurs. Ils s'élancent dans Chaloir, subissant les affres de la chaleur et les attaques du sable. Un défaut dans le dallage qui s'étend sous la couche de granulats cristallisés et ils tombent, enfin ceux qui restent après avoir subis quelques avatars, dans des souterrains non balisés. Ils ont aussi récupéré, pendu dans un arbre Fauric, le forgeron qui est amoureux d'Aurgence.

Quant à Aurgence et Farille, elles vont être affublées d'un étrange compagnon, un borgnot nommé Blériot, qui a été embauché par le roi Archon de Viridis, pour retrouver deux pendards du nom de Dulvan et Garicorne. Il se prétend mire, médecin, mais en réalité il s'agit d'un Josh Randall médiéval.

Ces trois expéditions, au but différent, vont connaître bien des vicissitudes, des tourments, des mésaventures en tout genre, des drames, mais derrière, ou en contrepoint de la narration de ces pérégrinations, se profilent quelques métaphores, des paraboles que l'on peut s'amuser à dénicher si l'on en veut pas rester un lecteur passif.

Ainsi les passage de Viridis à Chaloir, puis à Feuille-Sèche jusqu'à Pierre-Fendre peuvent être comparés aux âges de la vie, chaque étape étant significative. D'autant que si Viridis peut faire penser à un royaume médiéval, Feuille-Sèche possède des avancées technologiques dont le fameux aérostat du baron Elven de Champdorge, mais également des armes à feu, pistolet et fusil, encore rudimentaires mais efficaces. Et si Viridis peut être similaire à l'adolescence, Feuille-Sèche serait alors le cap de la soixantaine, celui de la création et de la connaissance. Chaloir étant dans ce cas l'étape de la fougue du jeune homme, les tempêtes de sable agitant l'esprit rebelle de celui qui, ayant vingt à trente ans, brûle sa vie par les deux bouts. Quant à Pierre-Fendre… le déclin de la vie, la neige qui recouvre le territoire étant celle qui parsème les cheveux d'une tête chenue.

Mais Pierre-Fendre est également un roman qui prône la tolérance, envers la pureté des sentiments des homosexuels, par exemple, les différentes religions représentées, à Feuille-Sèche où l'esprit d'un Dieu et la représentation de son effigie sur une croix, n'obturent pas l'esprit des habitants.

Et la grande muraille qui entoure cet immense castel pourrait être la métaphore de celles que construisent certains pays, jugés développés technologiquement à défaut de l'être intellectuellement, qui érigent des frontières de béton pour se protéger des migrants.

Un ouvrage foisonnant comportant également quelques clins d'oeil, dont l'évocation du chat Chastragnette, animal cher à Robert Darvel.

Il y aurait encore beaucoup à dire, en bien, sur ce roman à l'écriture rabelaisienne, mais il ne s'agit pas de ma part de rédiger un article universitaire, d'ailleurs je serais bien en peine de le faire, ne possédant pour tout bagage qu'un Bac moins trois, mais de constater que certains ouvrages ne recueillent pas toute l'attention qu'ils mériteraient, alors qu'il suffirait à Brice Tarvel d'écrire une banale histoire d'amour genre Muly ou Lesso, pour devenir un habitué des meilleures ventes. Mais le désire-t-il vraiment ?


Lien : http://leslecturesdelonclepa..
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