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Françoise Graziani (Éditeur scientifique)Charles-François Lebrun (Traducteur)
EAN : 9782080709868
449 pages
Flammarion (04/01/1999)
3.98/5   27 notes
Résumé :
"La Jérusalem délivrée est un modèle parfait de composition.
C'est là qu'on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre : l'art avec lequel le Tasse vous transporte d'une bataille à une scène d'amour, d'une scène d'amour à un conseil, d'une procession à un palais magique, d'un palais magique à un camp, d'un assaut à la grotte d'un solitaire, du tumulte d'une cité assiégée à la cabane d'un pasteur, cet art est admirable" (Chateaubriand). Le poème du T... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Pounded by the hammers
Of the giants of the world.
I can see in darkness,
I'm the overlord.
Single combat I await
My shadow brings them fear.
The spikes upon my chariot
Will grind them when they're near."
(Manowar, "Black Wind, Fire and Steel")

Avengers du 16ème siècle !
Les puristes me pardonneront, j'espère, cette introduction, mais en lisant "La Jérusalem délivrée", je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux musclors épiques sur la pochette de l'album de Manowar, ni aux paroles pleines de batailles, gloire et honneur. Sans oublier, bien sûr, l'opéra baroque de Monteverdi !
Le poème de Tasso est un feu d'artifice de couleurs et d'intrigues étonnantes : sorciers volants, déguisements improbables, nécromancie, forêts fantomatiques, interventions angéliques, guerriers invisibles, armures d'or et boucliers de diamant, têtes tranchées au même titre que bras droits, bras gauches, voire les deux en même temps (ceci plusieurs fois !), diaphragmes percés, duels brutaux entre des champions à la musculature surnaturelle et sang qui gicle par geysers !
Je classe ces aventures de Godefroy de Bouillon et les preux chevaliers de la chrétienté devant les portes de Jérusalem à peine au-dessous de l'insurpassable "Roland Furieux" d'Arioste.

Torquato Tasso fait partie des poètes européens de plus grande influence, même si de nos jours il est quelque peu tombé dans l'oubli. Pas étonnant : qu'est-ce qui pourrait être plus étrange à notre pensée que l'Italie du 16ème siècle, le renforcement du catholicisme aux dépens de la Renaissance (Tasso est né peu avant le début du Concile de Trente), le retour vers les légendes chevaleresques, voire la glorification des Croisades ? Les romans en vers ne sont plus à la mode depuis longtemps, sans parler des longues épopées héroïques. D'ailleurs, on pourrait dire la même chose de la poésie rimée tout court, et on peut difficilement compter Tasso parmi les maîtres de la trempe de Dante. Son "ottava rima" (ABABABCC) répétitive fait vite penser à un moulin mécanique, et pour une fois j'étais soulagée de devoir me rabattre sur la traduction en prose. Quel est donc l'intérêt de découvrir "La Jérusalem Délivrée" au 21ème siècle ?

La vie de Tasso vaut déjà largement un petit tour sur Wikipédia. Il n'était tout simplement pas né pour son époque, même si celle-ci lui avait été relativement favorable. Il avait le soutien des puissants, mais sa vie était remplie de tensions qui se sont pleinement manifestées qu'après l'écriture de "La Jérusalem" (1575). Tasso est subitement saisi de doutes sur l'"honnêteté" de son poème, et accessoirement sur sa propre personne. Par deux fois, il subit de son plein gré l'interrogatoire de l'Inquisition, et par deux fois on le rassure que tout va bien. Mais les doutes de Tasso sur sa propre hérésie mènent aux accès de la folie paranoïaque, et à l'enfermement dans l'asile des aliénés de St. Anne à Ferrare. Il meurt au moment où son nom atteint les sommets de la gloire.

En lisant "La Jérusalem", on peut comprendre d'où venaient ces craintes. le cadre de la foi chrétienne est presque accessoire : Tasso mélange l'exotisme et la magie orientale avec l'amour passionné et la beauté sensuelle de la nature et des hommes. Son épopée est plus proche de "L'Enéide" de Virgile, et la mission des chevaliers de Godefroy de Bouillon fait penser avant tout à la fantasy moderne. Les épisodes fantastiques nourrissent l'imagination, sans manquer pour autant de profondeur émotionnelle et morale. Même si la division du Bien et du Mal est évidente, même si tout se dirige inévitablement vers un heureux sac/libération de Jérusalem, une étrange mélancolie flotte au-dessus des vers de Tasso. Passions, haines, trahisons, douleurs... dans un tableau qui montre un pays irréel au-delà de toutes les banalités.
Il n'est pas sans intérêt de noter la force des caractères féminins, et on apprécie que Tasso n'a pas hésité à joindre à l'aventure quelques dames plus que mémorables. La machine de guerre musulmane nommée Clorinde s'approprie un grand nombre des meilleures scènes, même si je me demande quelles chances aurait cette belle guerrière au casque du tigre contre la célèbre Bradamante d'Arioste, dans un combat singulier... Hm, finalement peu importe, car les deux demoiselles restent dans l'ombre de la divine Armide, une magicienne férue de tir à l'arc et d'élaboration de projets ingénieux. Enfermer cinquante chevaliers chrétiens dans un château sodomite enchanté est de sa part certainement une expérience de qualité ; mais le déguisement du puissant Rinaldo en femme et les jeux olympiques pseudo-lesbiens au milieu d'un labyrinthe qui s'ensuivent n'ont probablement plus aucune concurrence ailleurs. Peut-être seulement dans l'inoubliable combat final des deux amants tragiques, Tancrède et Clorinde.

Il se peut que, comme Tasso, nous soyons prisonniers d'une époque qui aime parler d'émotions, sans oser les vivre vraiment. de ce point de vue, "La Jérusalem" paraît assez actuelle. Comme autrefois, elle comble les besoins traumatiques, sans mener, comme dans le Werther de Goethe, vers une crise existentielle sans issue . le Romantisme a fait tomber l'exubérant monde de Tasso dans l'oubli, car les émotions faisaient partie de la vie réelle (y compris, parfois, ces suicides). Mais le Romantisme a été remplacé par le pragmatisme rationnel, et l'engouement actuel pour la fantasy et les aventures fabuleuses n'est pas un brusque retour en arrière, seulement le désir spontané de compenser l'ordinaire par l'extraordinaire. Voir le monde plus en couleurs, tel est peut-être le message légué par Torquato Tasso. 4,5/5
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Après avoir lu le "Roland Furieux" de l'Arioste, j'ai complété ma découverte des oeuvres références de la littérature classique européenne avec la "Jérusalem libérée" du Tasse (traduction de Michel Orcel).
Se nourrissant, notamment, de "l'Énéide" de Virgile, Le Tasse transpose l'épopée antique au temps des croisades, tout à la gloire des princes de l'Europe. Écrit pour satisfaire l'égo de ses mécènes, la vision proposée de la prise de Jérusalem prête à rire pour le lecteur d'aujourd'hui. Pourtant, si on laisse de côté la propagande chrétienne faite de musulmans couards et perfides, laids et cruels, le récit du Tasse nous embarque dans une formidable aventure cumulant les sanglantes batailles, les duels au sommet, les ensorcellements, les interventions divines et les passions amoureuses. Et, avec un peu d'attention, on remarquera que le tableau du Tasse ne fut pas si élogieux qu'il n'y paraissait. Les atrocités des défenseurs du Christ en terre orientale ne nous sont pas cachées, et les païens, quant à leurs princes du moins, font souvent l'objet d'une fascination toute exotique, cachant sous le masque de la sauvagerie, la présence d'hommes en tout point identiques aux croisés.
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Un magnifique petit ouvrage trouvé dans une boîte à livres.

Il s'agît d'un classique de la Renaissance, écrit par Torquato Tasso, vingt poèmes qui nous transportent en 1099, au temps de la première Croisade.

En cette année, les soldats Croisés, menés par Godefroy de Bouillon, s'emparent de la cité de Jérusalem, permettant aux chrétiens de se rendre à nouveau au Saint Sépulcre, et abolissant l'esclavage des populations chrétiennes par les Turcs.

Ce livre reprend les codes de la chevalerie, les chevaliers ne vaincront pas simplement un peuple avec qui ils sont en guerre.
Ils devront apprendre à mener une lutte intérieure, faire fi des tentations et du péché, se montrer dignes de leur foi pour libérer Jérusalem.
Cet aspect est notamment mis en lumière par la présence divine, l'aide des archanges, et la lutte contre la sorcellerie.

Un récit épique et empli de piété, écrit à une période où l'humanisme et le protestantisme faisaient leur apparition, secouant les fondements du catholicisme.

Le poète devait d'ailleurs être couronné par le Pape Charles VIII en tant que roi des poètes, lorsqu'il fut emporté par la maladie en 1595.

Une belle découverte donc, d'une oeuvre historique dont on entend peu parler.
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À lire en parallèle avec ce très beau livre d'Amin Malouf Les croisades vues par les Musulmans. le récit des faits héroïques rapportés par Le Tasse sera rudement mis à l'épreuve par Malouf. Il n'empêche que résident quelques superbes moments de poésie dont les plaidoyers de Sophronie et Olinde ou encore le célèbre combat de Tancrède et Clorinde. À cette dernière lecture, le lecteur musicologue ne pourra s'empêcher d'entendre Monteverdi.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Damas et les provinces voisines étaient sous la puissance d’Hidraot, illustre et fameux enchanteur. Dès son plus jeune âge il s’était initié à l’art des devins, et avait conservé cette passion dans sa vieillesse. Science inutile, puisqu’il ne peut prévoir l’issue de cette guerre ! La contemplation des étoiles fixes ou errantes, les réponses de l’Enfer même ne lui ont point fait connaître l’avenir. Ô aveuglement de l’esprit humain ! Combien les jugements des mortels sont vains et trompeurs ! Hidraot s’est persuadé que la ruine et la destruction attendent l’armée qui s’avance des régions de l’Occident ; et, certain que les Infidèles cueilleront les palmes de la victoire, il veut que son peuple en partage la gloire et le prix.
(Chant IV, trad. de M. V. Philipon de La Madelaine)

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Reggea Damasco e le città vicine
Idraote, famoso e nobil mago,
che fin da' suoi prim'anni a l'indovine
arti si diede, e ne fu ognor piú vago.
Ma che giovàr, se non poté del fine
di quella incerta guerra esser presago?
Ned aspetto di stelle erranti o fisse,
né risposta d'inferno il ver predisse.

Giudicò questi (ahi, cieca umana mente,
come i giudizi tuoi son vani e torti!)
ch'a l'essercito invitto d'Occidente
apparecchiasse il Ciel ruine e morti;
però, credendo che l'egizia gente
la palma de l'impresa al fin riporti,
desia che 'l popol suo ne la vittoria
sia de l'acquisto a parte e de la gloria.
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Renaud, un enfant, efface tous les héros chrétiens. Sur son front majestueux éclate une douce fierté. Tous les regards sont fixés sur lui. Ses exploits ont devancé l'âge et surpassé les espérances ; les premiers jours de son printemps donnent des fruits que d'autres ne cueillent que dans leur automne. Couvert de son armure, la foudre à la main, c'est le dieu des combats : s'il ôte son casque, c'est l'Amour.
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Car il n’est point de discipline entière
Quand on attend le pardon, non la peine.
Tout royaume s’écroule, et la clémence
Qui n’a la peur pour socle est négligence.
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Avril a beau revenir, la jeunesse ne reverdit jamais.

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La terre est pleine d’armes, et les armes
Pleines de sang, et le sang de sueur.
Brillent comme l’éclair, comme ciel tonnent
Les deux épées, comme foudre pilonnent.
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Vidéo de Le Tasse
Émission "Une Vie, une Œuvre », par Simone Douek, diffusée le 26 octobre 2003 sur France Culture. Invités : Michel ORCEL, traducteur ; Franck LA BRASCA, enseignant au Centre d'études supérieures de la Renaissance de Tours ; Françoise GRAZIANI, maître de conférence à Paris VIII ; Giovanni CARERI, maître de conférence à l'EHESS ; et Jean-Charles VEGLIANTE, traducteur et professeur à la Sorbonne Nouvelle - Paris III.
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