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Critique de Woland


Woland
26 décembre 2007
Sometimes Madness is Wisda
Traduction : Camille Fort

C'est la lecture de "Tendre est la nuit", oeuvre où son auteur tente à la fois d'exorciser le souvenir de la vampirisation qu'il fit subir à son épouse et de se présenter comme la seule vraie victime de leur couple qui m'a donné envie d'en savoir un peu plus sur Zelda et Francis Scott Fitzgerald.
Lui, comme Gatsby bien plus tard, venait du Midwest et était né dans une famille modeste. Pas plus que Gatsby, il n'aimait à parler de son enfance et de son adolescence, dominées par un désir obsessionnel de quitter à jamais la petite bourgeoisie dont il était issu. Elle appartenait à une famille sudiste assez fortunée de Montgomery, dans l'Alabama et, à l'instar de son futur époux, se fit souvent remarquer par un parcours scolaire jonché de mauvaises notes et de farces douteuses.
Cette excentrique forcenée qui préfigurait déjà ce que nous avons appelé "les garçonnes" tandis que les Américains leur donnaient le nom de "flappers", rencontra Fitzgerald à l'un des nombreux bals qui se donnaient, en 1917, en l'honneur des jeunes gens engagés pour aller se battre en Europe. Elle le trouvait beau, séduisant mais, déjà, le jugeait faible et indécis.
Il mit cependant un point d'honneur à l'épouser en dépit de l'avis de toutes et de tous, à commencer par celui des Sayre, les parents de Zelda, qui voyaient d'un assez mauvais oeil ce jeune homme certes brillant mais qui ambitionnait de gagner sa vie en écrivant nouvelles et romans.
A partir de là - et l'on reprochera sans doute à Kendall Taylor de ne pas s'être penchée sur les raisons auto-destructrices qui motivèrent le couple - les Fitzgerald affichent un alcoolisme outrancier et un goût des fêtes et des excentricités qui ressemble à une formidable fuite en avant. Outre l'alcool, qu'ils ingéraient dans des quantités presque incroyables (Fitzgerald, qui buvait avant de rencontrer Zelda, avait son bootlegger attitré), il semble bien que les jeunes gens aient aussi touché à la cocaïne et à d'autres drogues.
Il régnait entre eux une atmosphère de rivalité que Francis tolérait sans problème sauf sur un point bien précis : l'écriture. Lui qui, dès son premier roman, ne se gêna pas pour y intégrer des passages de lettres et des lettres entières de Zelda, s'opposa toujours férocement à ce que son épouse publiât quoi que ce fût. Et quand il l'y autorisa avec "Save the last waltz", il s'arrangea pour que les épreuves ne fussent pas corrigées dans les formes. de même, nombre de nouvelles écrites par Zelda seule parurent sous le nom de Fitzgerald.
Ce refus d'admettre l'identité propre de Zelda allié à ce qu'il faut bien nommer une entreprise de vampirisation psychique à son encontre - tout au long de son oeuvre, Fitzgerald suit et observe Zelda, quoi qu'elle fasse et jusque dans son effondrement, avant de le retranscrire il est vrai avec un grand talent - et à une santé fragilisé par l'alcool et les excès amenèrent la jeune femme à se diluer dans une schizophrénie qui prenait probablement ses sources au coeur de sa famille - son frère, Anthony, se suicida.
Dès lors que cette maladie dont Zelda ne se remit jamais s'infiltre dans les pages de cette biographie, celle-ci devient véritablement passionnante. On y découvre un Scott Fitzgerald génial mais qui n'avait vraiment rien d'un ange.
Alcoolique capable de boire jusqu'à l'épuisement, obsédé par l'idée de faire partie des happy few, admirateur trouble d'un Hemingway avec qui il eut (peut-être) une liaison homosexuelle, coureur de jupons qui n'hésite pas enfermer sa femme à clef lorsque celle-ci prend enfin un amant, amant enfin lui-même très médiocre et souvent proche de l'impuissance (par goût naturel envers le sexe opposé ou/et en raison de l'alcool ?), Fitzgerald nous prouve ici une fois de plus que, trop souvent dans la vie, l'homme et l'artiste qui vit en lui ressemblent à une autre version du tandem Hyde-Jekyll.
L'écrivain savait cependant ce qu'il devait à celle qui lui céda tout. Jusqu'au bout, il s'ingénia à écrire des nouvelles pour payer les frais de clinique de Zelda qu'il veilla toujours à interner dans des endroits hauts de gamme. Un peu avant la mort du romancier cependant, Zelda avait été prise en charge par sa mère qui l'accueillait périodiquement chez elle. Lorsqu'elle ne se sentait pas trop bien, elle retournait au Highland Hospital pour s'y recadrer.
C'est pendant son sommeil que Zelda Sayre Fitzgerald y mourut asphyxiée, le 11 mars 1948, huit ans après le décès de son mari :
"... Les restes de Zelda ne purent être identifiés que par leur emplacement, son dossier dentaire et une seule pantoufle brûlée, découverte sous son corps calcinée. (...) Par un beau jour tiède, à la Saint-Patrick, à Rockville, Zelda fut enterrée aux côtés de Scott, dans le cimetière de l'Union. ..."
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