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André Markowicz (Traducteur)Françoise Morvan (Traducteur)
EAN : 9782742733293
320 pages
Actes Sud (31/05/2001)
4.06/5   40 notes
Résumé :
Après deux ans d'absence, un comte alcoolique et déchu revient au village où il retrouve son ami, un juge d'instruction cynique et débauché.

Tous deux s'éprennent d'une jeune fille en rouge rencontrée dans la forêt. Récit d'une perdition qui préfigure celle de la Russie, réflexion sur l'écriture et sur le mal, cet unique roman policier de Tchekhov, publié en feuilleton entre 1884 et 1885, était jusqu'à présent tout à fait introuvable en France.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique

"Kamychov entra, toujours aussi rose et frais, aussi beau et plein de santé que trois mois plus tôt. Ses pas étaient, comme avant, silencieux... Il posa son chapeau sur le bord de la fenêtre avec une telle prudence qu'on aurait pu croire qu'il posait une espèce de poids... Ses yeux bleus brillaient toujours d'une sorte de bonhommie enfantine, infinie."

Le rédacteur d'un journal reçoit un fonctionnaire, qui lui confie un manuscrit afin de le faire publier.
Ce fonctionnaire, un ancien juge d'instruction en poste dans une lointaine province de l'Empire russe des années 1880, est le narrateur et l'un des protagonistes de l'histoire qu'il a écrite.

Il raconte qu'un de ses amis de faculté, un comte qui possède des terres non loin de son lieu d'affectation, y revient après deux ans d'absence.
Des beuveries qui durent des jours occupent les deux jeunes gens, aussi débauchés l'un que l'autre, et font scandale dans la région.

Un jour qu'ils prennent l'air aux abords de la propriété du comte, ils croisent une très belle jeune fille vêtue d'une robe rouge, qu'ils retrouvent un peu plus tard en forêt.

Le narrateur s'éprend d'elle, mais elle a d'autres projets. Et le comte semble s'éprendre d'elle aussi.

C'est un titre peu connu, présenté comme un roman policier et publié en feuilleton, d'un Tchekhov de 25 ans qui a déjà écrit de nombreuses nouvelles et une pièce de théâtre.

Ce qui pourrait n'être qu'un marivaudage qui tourne au drame prend, sous la plume de l'auteur un relief particulier.
C'est tout le monde de la province russe au XIXe siècle qui se révèle, loin de la capitale ; ceux qui ont des terres et des intendants, des paysans qui travaillent pour eux ; les fonctionnaires qui travaillent pour le Tsar ; le médecin qui veille à la santé de tous ; et des jeunes filles au coeur brisé qui brisent d'autres coeurs autour d'elles.

Tchekhov saisit chaque situation sur le vif, avançant par petites touches dans un tableau qui prend sa forme alors qu'on a encore le nez sur les détails, tant on a été distrait par les personnages, leur description caricaturale ou délicate c'est selon, des précisions sur leur mise et leur attitude, les tics de langage des uns et des autres, maîtres, serviteurs, fonctionnaires, hobereaux, médecins…

La critique sociale ne manque pas de cocasserie, mais on sent se nouer au fil des pages un drame inexorable, par envie, par faiblesse ou par désoeuvrement ; parce que les fraîches jeunes filles ne rêvent pas forcément d'amour, parce que les jeunes gens cachent peut-être leurs blessures sous un parfait cynisme.

L'aspect "roman policier" intervient au troisième tiers du texte, avec l'enquête menée par le narrateur puisqu'il est juge d'instruction, et les indices semés par Tchekhov.

Il y a peu de suspens, mais toute la finesse de l'auteur sous des dehors faussement maladroits nous fait entrevoir une réalité autrement terrible, où les victimes n'échappent pas à leur sort, les coupables bien davantage…

C'est un ouvrage méconnu, qui mérite d'être redécouvert.
Le titre semble a priori complètement en décalage avec le fil narratif, mais il ne faut pas se fier aux apparences avec Tchekhov . J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver son univers, que j'avais bien négligé ces dernières années, et ai passé un excellent moment de lecture.
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Je savais bien que Tchekhov est un grand auteur, mais je ne connaissais jusqu'à présent que son théâtre, lu et vu il y a longtemps.
Avec ce premier roman (pour moi), j'ai eu la main heureuse. Quel plaisir! Cela commence comme une étude de moeurs, plaisante et même prenante, mais sans plus. Puis l'intrigue s'emballe, jusqu'au dénouement à rebondissements.
C'est un récit mis en abyme: un rédacteur d'un journal de province reçoit la visite d'un ancien juge d'instruction, qui lui propose le récit d'une affaire mémorable qu'il a eu à traiter.
Tchekhov joue avec son lecteur: l'auteur du récit s'adresse à son lecteur, le rédacteur annote et modifie le récit (et signe A.T.!).
Mais surtout quelle peinture de la vie en Russie. Comme souvent dans la littérature russe, les personnages sont faibles, sont dépassés par les événements, et sombrent inexorablement. Chacune et chacun suit sa fatale trajectoire et tous les efforts pour éviter le pire sont pitoyables. Ils ne résistent pas à leur nature, ni à leurs addictions, et en même temps ne sont pas très regardant sur sur les conventions sociales. Humains, trop humains, en quelque sorte.
Un de ces jours, j'irai revoir les pièces de Tchekhov et je suis sûr que mon regard aura changé.
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Que c'est excellent, mais que c'est sombre !

Tchekhov, petit fils de moujik et médecin, grand observateur des faits sociaux, voyait bien les gens et la Russie de son époque tels qu'ils étaient.

L'abolition du servage et la décadence de la noblesse entraînent désordres et pertes de repères moraux. Nous sommes encore dans une société extrêmement inégalitaire (encore que les termes "société" et "inégalitaire" sonnent comme un pléonasme), extrêmement corrompue où les plus pauvres restent soumis et obséquieux en attendant d'avoir la force de mordre ceux qu'ils se contentent pour l'instant de piller éhontément. Mais est-ce vraiment immoral de piller des voleurs ? (car c'est bien sur la sueur des paysans que les richesses se sont accumulées dans l'escarcelle des nantis ). Problème impossible à résoudre, sauf à constater qu'un mal en engendre toujours un autre. La classe privilégiée, elle, abrutie de débauches et crassement incompétente, brûle ses dernières cartouches dans une telle débandade qu'elle semble vouloir hâter sa fin. La rapine et la folie sont omniprésentes. Tout ou presque est cynique, sordide, bas.

Les notables et les fonctionnaires ne sont pas bien scrupuleux, et les plateaux de Thémis penchent dangereusement. L'honnêteté des femmes ne pèse pas bien lourd. Peut-on leur jeter la pierre, à elles qui ont si peu la maîtrise de leur vie ? Que ferions-nous à leur place ? D'ailleurs la plus vertueuse d'entre elle est malheureuse au point de tenter de mettre fin à ses jours. Ce n'est guère encourageant.

Pourtant on a bien à faire à des humains. Et même à de braves types parfois, comme cette belle figure de médecin modeste et pur ; cet homme honnête que le chagrin mène à l'ivrognerie (tous sont d'ailleurs imprégnés d'alcool, à tel point qu'on s'étonne de les voir atteindre la trentaine) ; ce domestique amoureux des livres qui s'échine à sortir son maître de l'ornière, avec peu de succès il est vrai, mais beaucoup de persévérance.

L'effort de ces êtres courageux est anéanti par une sorte de loi universelle de la pesanteur. Tout finit par plonger dans la boue et éclabousser toutes choses alentour. Un monde entier se fait hara-kiri.

"Drame de chasse" est le récit d'une perdition qui préfigure celle de la Russie, une réflexion sur le mal dans la veine des grands auteurs russes. Il est présenté comme un roman policier, mais cette classification est un peu surfaite puisque les faits et l'enquête elle-même ne surviennent que tout à la fin. Je le qualifierais plutôt de "roman noir". Cette oeuvre parue en feuilleton entre 1884 et 1885 en Russie, n'a été publiée en français qu'en 1936 grâce à la traduction de Denis Roche.

Il est possible qu'une des originalités du scénario ait inspiré Agatha Christie dans l'une de ses romans. Je ne dirais pas lequel, ce serait trop révélateur.
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« le mari a tué sa femme !», c'est ainsi que crie depuis un moment le perroquet de Sériôja, le juge d'instruction. Ce n'est qu'un animal, Sériôja le traite de menteur et essaie par tous les moyens de le faire taire...mais des mois après, va mourir, assassinée au cours d'une partie de chasse, la jeune Ôlga Nicolâèvna,, une jeune fille convoitée par tous les hommes, celle qui a promis l'amour à Sériôja, celle qui a épousé Ourbènine trois fois son aîné pour se mettre à l'abri du besoin, celle qui a fuit le foyer un mois après le mariage, celle que le mari jaloux soupçonne d'adultère...Sériôja revient à la prophétie de son perroquet...
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Une touche de couleur, la "jeune fille en rouge" qui charme les hommes en marchant avec légèreté dans la forêt ; une touche d'humour, le laquais Polycarpe qui lit des romans français et admire Monte-Cristo. Et c'est tout...
Tout le reste est terriblement noir, glauque même ; en partie parce que c'est un roman policier, et que l'intrigue repose sur un meurtre, en grande partie par l'atmosphère pesante, lourde, qui se dégage du paysage et des hommes qui y vivent. Les relations sociales ne sont basées que sur l'intérêt, l'exploitation de l'autre : relations tarifées entre hommes et femmes, fausses amitiés masculines reposant sur le mépris et l'envie... le Narrateur, lui, n'est absolument pas sympathique. Il méprise ses relations, ne les considérant même pas comme ses amis, il abuse des femmes qui l'aiment, il boit et frappe les domestiques... Il se sent supérieur aux autres, tout en laissant des indices au cours du texte qu'il présente comme un roman mais qui est le récit des événements, il boit à en perdre la raison. Même si elles ne sont pas présentées directement mais par ellipses, plusieurs scènes de beuverie et d'orgie traversent le roman, avec des moments cruciaux qui se passent pendant, et qu'il faudra reconstituer, notamment ce "drame" évoqué par le titre.
Je ne dirai rien sur l'intrigue, mais j'ai bien aimé la construction du roman : cette sorte de préface qui peut sembler classique où un éditeur reçoit un écrivain venu lui déposer un manuscrit, le manuscrit tel quel, puis à nouveau une rencontre entre les deux hommes qui reviennent sur les événements. Et surtout, l'éditeur intervient par des notes dans le manuscrit, qui orientent l'interprétation finale en donnant des indices. Comme dans un véritable roman policier, le lecteur a donc tout pour trouver lui-même le coupable.
Un roman sombre, où les caractères et l'écriture comptent plus que l'intrigue elle-même.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
On dit d’un homme qu’il se suicide quand, sous l’influence d’une douleur psychique ou sous l’oppression de souffrances insupportables, il se tire une balle dans la tête; mais pour ceux qui laissent libre cours aux passions pitoyables qui leur dessèchent l’âme, aux jours sacrés du printemps et de leur jeunesse, il n’y a pas de nom dans la langue des hommes. La balle est suivie par le repos de la tombe, la jeunesse perdue est suivie par des années de douleur et de souvenirs torturants. Qui a profané son printemps comprend l’état dans lequel se trouve mon âme. Je ne suis pas encore vieux, je n’ai pas de cheveux blancs, mais je ne vis plus. Les psychiatres racontent qu’un soldat blessé à Waterloo était devenu fou et que, par la suite, il affirmait à tout le monde, et y croyait lui même, qu’il avait été tué à Waterloo, mais ce qu’on prenait en ce moment pour lui, ce n’était que son ombre, le reflet de ce “lui” passé. Ce que je vis en ce moment, c’est quelque chose qui ressemble à cette demi-mort...
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– Je ne sais pas écrire les lettres, répondis-je. Et que t’écrire, je te prie ?
– Comment ! que m’écrire ?
– Oui ; j’admets trois sortes de lettres : les lettres d’amour, de félicitations ou d’affaires. Les premières, je n’ai pas à t’en écrire, parce que tu n’es pas une femme et que je ne suis pas amoureux de toi ; les secondes, tu n’en as pas besoin ; et les dernières nous sont épargnées puisque nous n’avons pas d’affaires ensemble.
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Il est difficile de comprendre l'âme humaine, mais comprendre son âme à soi, c'est encore plus difficile. Si, réellement, je jouais un rôle, que Dieu me pardonne! Quoique, au demeurant, celui qui se moque des souffrances de son prochain ne mérite aucun pardon.
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L’aiguillon humain est plus à craindre que celui du serpent,
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Videos de Anton Tchekhov (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anton Tchekhov
Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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Le clafoutis de Tchekhov

Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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