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inconnu (04/11/1884)
3.38/5   4 notes
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Etoiles Notabénistes : *****

Шведская спичка / Chvedskaïa spitchka
Traduction : Madeleine Durand & André Radiguet - Revu par Lily Denis pour Gallimard

ISBN : inconnu à la date de parution de la nouvelle, le 5 décembre 1884, et non-usité pour le volume dont ce texte est extrait

Peut-être à tort, j'ai l'habitude de tenir le Tchékhov de nombre de nouvelles comme un pince-sans-rire dans le style un peu anglais, voyez-vous. Ainsi, cette "Allumette Suédoise" nous est solennellement présentée comme une "histoire criminelle." Et c'est tout juste si l'on n'entend pas les sonneries de majestueuses trompettes et les amples envolées des grandes-orgues se déchaîner dès le début sur un rythme hautement solennel pour nous appeler tous au plus grand sérieux dans la lecture de cette histoire qui tourne effectivement autour du meurtre d'un notable assez vadrouilleur, dont le cadavre reste curieusement introuvable, et dont l'étrange disparition fait pourtant suspecter au moins trois personnes (dont sa propre soeur, une "vieille-croyante") de l'avoir expédié ad patres en raison de la dissolution impie de ses moeurs.

Le lecteur qui, évidemment, ne se doute en rien de la fin vaudevillesque que l'auteur lui a préparée, suit le déroulement de l'enquête avec la plus vive attention, savourant au passage les descriptions, toujours aussi vivantes et aussi détaillées, dont Tchékhov, avec son génie habituel, pimente la sauce de ce qui, dans le fond, ne saurait constituer qu'une banale histoire de crime passionnel.

Le premier à soulever d'ailleurs l'idée d'un crime de ce genre, et de fournir obligeamment en prime l'identité du meurtrier, c'est le jardinier Efrem, un gentil petit vieux qui travaille depuis des lustres sur le domaine de la victime, laquelle répondait au nom de Marc ivanovitch Kliaouzov. Mais tout commence en fait par l'irruption affolée de Psékov, l'intendant de la propriété, venu déclarer la disparition de Kliaouzov au commissariat de police du second secteur de S ... Accompagné par le commissaire, un fonctionnaire paisible qui n'a pas l'air d'une lumière et ne cesse de répéter qu'il avait bien prévenu "Marc Ivanytch" que sa vie de bâton de chaise lui ferait faire une mauvaise fin, Psékov revient sur les lieux du drame aux alentours desquels s'est déjà amassée une petite troupe de curieux.

C'est Efrem, le jardinier, qui explique au commissaire que, constatant que son maître n'avait pas montré le bout du nez depuis presque une semaine, il avait commencé à s'inquiéter. Tandis que, sur l'ordre du commissaire, on s'en va chercher le juge d'instruction, Nikolaï Tchoubikov, les agents de la force publique font évacuer les lieux de ceux qui n'ont rien à y faire et pénètrent dans la chambre de la supposée victime.

La première chose qu'ils constatent, c'est que, s'il a été bel et bien assassiné, Kliaouzov ne l'a certainement pas été dans sa chambre. Qui mieux ou qui pis est : il n'y a pas de cadavre ! Pouf ! Parti ! Envolé, le cadavre du débauché ! Divers indices - dont une paire de bottes jaunes - laissent à penser qu'on a cependant traîné un objet plutôt lourd vers la fenêtre et comme le phénomène semble suivre des traces de sang, tous les présents persévèrent dans leur certitude du meurtre. Dans la chambre ou à l'extérieur, qu'importe - qu'importe aussi que le corpus delicti ne soit plus là : Kliaouzov n'est plus de ce monde, c'est certain.

Arrive alors Nikolaï Tchoubikov, le juge d'instruction déjà cité, de caractère entier et assez irascible, accompagné de son fidèle secrétaire, sensiblement plus jeune, Dioukovski, dont le lecteur constatera bientôt qu'il a une tendance très nette - et, aux yeux de Tchoubikov, plutôt fâcheuse - à appliquer les techniques de l'illustre détective de Baker Street. C'est ainsi Dioukovski qui va découvrir, sous le lit de la victime, une allumette suédoise. Une seule, soit mais aussi un indice important. Pourquoi y voir un indice ? La protestation, quasi instantanée, est lancée par un Tchoubikov déjà suspicieux. Mais parce que, répond le placide secrétaire, et d'un, le défunt ne se servait pas de ce genre d'allumettes, et que, de deux, seuls les propriétaires terriens d'une certaine importance - et encore pas tous - sont les seuls à en faire un usage courant, la plèbe se contentant d'allumettes plus humbles et bien moins chères.

A partir de l'unique botte restée dans la chambre, de la trace de sang filant jusqu'à la haie et de la fameuse allumette suédoise, avec le concours aimable et bon enfant d'Efrem le jardinier rappelant au juge d'instruction et à son secrétaire, qu'il invite à partager son déjeuner, que le barine - le "maître" en russe - avait une liaison tumultueuse avec une certaine Akoulka, femme de militaire qui ressemble plus ou moins, selon ceux qui ont pu se procurer à l'époque ce livre scandaleux (et évidemment français ) qu'est la "Nana" de Zola, à Anna Coupeau, dite "Nana", au sommet de sa gloire de demi-mondaine, Dioukovski échafaude toute une théorie intéressante mais où, justement, l'allumette suédoise fait - sans jeu de mots sanglant - un peu tache.

Cette allumette suédoise d'ailleurs, le juge d'instruction commence à en avoir plus qu'assez ! Pourquoi s'attacher à un tel détail ? Ce qu'elle faisait sous le lit de la victime ? Mais on s'en fout, ça n'a pas d'intérêt ! ... Mieux vaut interroger ce Nicolachka, qui fut l'amant d'Akoulka avant que Kliaouzov ne la lui enlevât et qui, pour l'instant, pleure et se console avec de la vodka dans la cuisine voisine ! Et pourquoi ne pas interroger aussi les autres amants d'Akoulka, hein ? Voici qui serait constructif ! Bien plus en tout cas que cette allumette suédoise qui, chaque fois qu'il y pense, fait monter la moutarde au nez sensible de Tchoubikov.

Le juge d'instruction a oublié un détail : lui aussi a été l'amant d'Akoulka, même qu'elle avait quitté son époux pour vivre avec lui !

Complètement écoeuré par cette histoire si prometteuse et qui lui garantirait peut-être un avancement quelconque s'il la résolvait, Tchoubikov laisse donc partir une Akoulka indignée par l'idée qu'il ait pu l'imaginer vivant avec quelqu'un d'autre que lui ou son mari légitime, et invective son incapable de secrétaire qui, n'en ayant cure et enfonçant sa casquette sur la tête, décide d'aller enquêter sur les personnes qui ont acheté des allumettes suédoises. Tous les magasins n'en vendent pas : cela devrait simplifier les recherches ...

Et, en un sens, lecteur, ça va les simplifier. le problème, voyez, c'est que la découverte de la personne qui a acheté la boîte contenant la fameuse allumette suédoise, si elle permet de retrouver Kliaouzov, ne risque guère de provoquer l'avancement de Tchoubikov s'il s'avise de révéler son nom et sa participation dans la disparition de l'ancien amant d'Akoulka. Mieux vaut, à vrai dire, classer l'affaire puisque la réapparition d'un cadavre bien vivant et irrémédiablement décidé à aller faire un tour à l'estaminet ne s'y oppose pas. Et tout porte à croire qu'il en sera fait ainsi.

Ainsi donc, seuls le lecteur, la pseudo-victime, le juge d'instruction, son tenace secrétaire et l'auteur seront les seuls à connaître la vérité sur cette "histoire criminelle" bien particulière et qui, contrairement à l'usage, se termine on ne peut mieux. Une vérité joviale et grinçante à la fois, qui fait ricaner, puis rire carrément et met un point final bien mérité à cette saynète de la vie rurale dans la Russie des années 1880, avec ses portraits finement détaillés, ses coutumes et ses traditions dont certaines attendrissent alors que d'autres seraient plutôt comiques, ses préjugés divers et son silence chuchotant d'une petite ville qui a l'air, comme ça, paisiblement endormie mais où, mine de rien, il se passe pas mal de choses, surtout sur le plan sentimental et ... charnel.

Je m'éclipse donc pour vous laisser le plaisir de découvrir cette miniature artistiquement travaillée par le grand Anton Pavlovitch Tchékhov. ;o)

_________________
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J'ai lu la nouvelle d'Anton Tchekhov dans la série bilingue : « Press Pocket »

Je l'ai lue, relue, et re-relue car mon niveau de russe ne me permet pas encore de lire sans coup férir de telles pages d'un seul jet. Elles sont très bien écrites, dans un style pas trop alambiqué. Elles me familiarisent avec des tournures de phrase originales et des proverbes dont la langue russe est riche et qui sont très différents des nôtres.

Мели, Емеля, твоя неделя. Traduit en français par ‘petit malin, dévide ton moulin' C'est exactement le reproche que je fais à Woland, autre critique faite à propose de cette nouvelle. Less is more, chère diablesse, si je peux me permettre.

Ты заварил кашу, ты и расхлебывай : traduit poliment par ‘c'est toi qui a fait cuire ce brouet, à toi de l'avaler''

Дюковцкий, беспокойно, как волк в клетке, шагал из угла в угол. Cette tournure de phrase a été traduite par ‘ D., agité marchait de long en large comme en ours en cage'.

Point n'est besoin de raconter ou de plagier cette nouvelle. Il suffit de la lire. En français ça prend une demi-heure, en russe et à mon niveau beaucoup, beaucoup plus. Mais quelle joie d'arriver au bout.

il n'y a qu'à lire les nouvelles ou les pièces de théâtre de Tchekhov , pour mieux appréhender les maux dont souffrait la société russe prérévolutionnaire :
-alcoolisme, adultère : любов, водка и закуска ‘de l'amour, de la vodka et de quoi manger'.
-Irresponsabilité des nobles terriens : Распутство не доводит до добра ‘la débauche ne mène à rien de bon'
- Multiplication des fonctionnaires de l'état tsariste.

Je vais continuer à lire les très nombreuses nouvelles de Tchekhov. Как хорошо читать Чехова!
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... - "Il a enfin avoué," dit Tchoubikov en s'étirant voluptueusement. "Il s'est trahi ! Je m'en suis rudement bien tiré, quand même ! Je l'ai submergé de questions ...

- Il n'a pas nié l'existence de la femme en noir," ajouta Dioukovski en riant. "Quoi qu'il en soit, l'allumette suédoise me préoccupe toujours. Je ne peux pas attendre davantage. A tout à l'heure. Je m'en vais !"

Il mit sa casquette et partit. Le juge d'instruction commença l'interrogatoire d'Akoulka, qui déclara qu'elle ne savait rien de rien.

- "J'ai vécu qu'avec vous, avec personne d'autre," dit-elle.

Vers six heures, Dioukovski était de retour, plus excité que jamais. Ses mains tremblaient à un tel point qu'il n'arrivait pas à déboutonner son pardessus. Ses joues étaient en feu. On voyait qu'il rentrait avec des nouvelles intéressantes.
.
- "Veni, vidi, vici !" proféra-t-il en faisant irruption dans le bureau du juge d'instruction, et se laissant tomber dans un fauteuil. "Parole d'honneur, je commence à croire à mon génie ! Ecoutez, que diable ! Ecoutez, vénérable monsieur, et que l'étonnement vous saisisse ! C'est à la fois comique et affligeant ! Vous en tenez déjà trois, n'est-ce pas ? ... J'en ai trouvé un quatrième, ou, plus exactement une quatrième, car c'est une femme ! Et quelle femme ! Rien pour pour effleurer ses épaules, j'aurais donné dix ans de ma vie ! Mais ... écoutez. J'ai tourné en rond autour de la propriété de Kliaouzov. En chemin, je suis entré dans toutes les boutiques, auberges, débits, en demandant partout des allumettes suédoises. Partout, on me répondait : "Il n'y en a pas." J'ai rôdé toute la journée et ne suis tombé sur l'objet de mes recherches qu'il y a une heure à peine. A trois verstes d'ici je demande des allumettes. On me tend un paquet de dix boîtes. Il en manquait une ... Sans perdre une seconde : "Qui a acheté cette boîte ?" demandai-je. - Une telle. Ça lui a plu ... ça craque." Mon ami ! Jusqu'où peut aller un garçon renvoyé du séminaire qui a beaucoup lu Gaboriau ! C'est inconcevable ! Désormais, j'ai gagné ma propre estime. Ouf ! ... Allons-y !" ... [...]
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[...] ... Durant le repas, les langues se délièrent.

- "La montre, l'argent et le reste ... tout est intact," dit Tchoubikov. "Aussi vrai que deux et deux font quatre, le vol n'a pas été le mobile du meurtre.

- Il a été commis par un homme cultivé," intervint Dioukovski.

- Qu'est-ce qui vous fait tirer cette conclusion ?

- C'est l'allumette suédoise ; les paysans de cette région en ignorent l'usage. Il n'y a que les propriétaires terriens qui s'en servent, et encore pas tous. Du reste, soit dit en passant, le meurtrier n'était pas seul, ils étaient trois au minimum : deux pour le tenir, le troisième pour l'étouffer. Kliaouzov était vigoureux, et les meurtriers le savaient sans doute.

- A quoi pouvait lui servir cette force, si, par exemple, il dormait ?

- Ils l'ont surpris pendant qu'il enlevait ses bottes. S'il était en train de se déchausser, c'est qu'il ne dormait pas.

- Freinez votre imagination ! Vous feriez mieux de manger !

- A mon idée, Votre Excellence," dit le jardinier Efrem, en posant le samovar sur la table, "c'est personne d'autre que Nicolachka qui a fait ce mauvais coup.

- C'est fort possible," dit Psekov.

- Qui est ce Nicolachka ?

- Le valet de chambre du barine, Votre Excellence," répondit Efrem. "Personne d'autre n'aurait fait ça. C'est un bandit, Votre Excellence ! Un ivrogne, un débauché, Reine du Ciel, préserve-nous de ces gens-là ! C'est lui qui portait la vodka au barine, c'est lui qui l'aidait à se coucher ... Qui ce serait, à part lui ? Et puis, si j'ose avancer ça à Votre Excellence, un jour, au cabaret, il s'est bien vanté qu'il tuerait le barine. Tout ça à cause d'Akoulka, une femelle, la femme d'un militaire ... Nicolachka la fréquentait. Mais le barine l'a trouvée à son goût et l'a prise à son service. Alors l'autre, c'est normal, il a vu rouge ... Il est à la cuisine. Il pleure, de ce temps-là, soûl comme une bourrique, et fait semblant de regretter le barine. ... [...]
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Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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