AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 978B003X81P96
Le Livre de Poche (01/01/1973)
3.67/5   12 notes
Résumé :
Songez que je suis née ici, que mon père, ma mère, mon grand-père vivaient ici : j'aime cette maison. Sans la Cerisaie je ne comprends pas ma propre vie et, s'il faut vraiment vendre, qu'on me vende avec le jardin...
La propriété a beau représenter pour Lioubov son enfance et le souvenir d'une vie de nonchalance, Lopakhine, ancien serf devenu marchand, l'achètera, mais afin d'en abattre les arbres comme si, pour posséder cette Cerisaie de peu de rendement mai... >Voir plus
Que lire après La Cerisaie - La MouetteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ceux qui me connaissent un petit peu savent que j'aime, de temps à autres, me faire l'avocate, soit du diable, soit des causes perdues. Et bien que j'aie déjà proposé un commentaire pour chacune des deux pièces qui composent cet ouvrage, j'aimerais amener votre attention sur cette édition en particulier. Nous savons tous que les très vieilles éditions du « Livre de Poche » ont une réputation de ringardise absolue, esthétiquement, surtout, mais aussi piètre qualité du papier ou de la reliure, ou encore appareil critique inexistant, et cætera, et cætera, j'en passe comme vous pouvez vous le figurer.
Nonobstant, au risque d'en surprendre certains, j'ai une affection toute particulière pour ces mal-aimées chez les classiques.
Premièrement, elles conservent totalement ce qui fit leur succès en leur temps, à savoir une extrême modicité de coût quasi imbattable sur le marché de l'occasion.
Deuxièmement, et on ne le souligne jamais (ou jamais assez), je constate que ces vieilles reliques du Livre de poche n'ont à rougir devant personne quant au nombre des coquilles, surtout pas devant Folio ni même la pourtant fort prestigieuse Pléiade.
Troisièmement, et là encore on n'en fait guère de cas, je veux parler de la pertinence des choix éditoriaux, souvent copiés par la concurrence, mais dont tout le mérite devrait revenir en premier lieu à cette collection. Ceci nous ramène à ces deux pièces de Tchékhov. En effet, quelle bonne idée de les proposer ensemble, ces deux-là, et non deux autres. Certes, on peut toujours plaider en faveur du hasard qui, pour le coup, aurait été heureux. On ne peut l'exclure, mais je n'en crois pas une lettre. Ces deux pièces ont évidemment des rapports multiples qu'il est très intéressant de mettre en miroir.
L'une comme l'autre abordent la notion de vacuité des apparences, du fourvoiement de ceux qui font passer le PARAÎTRE avant l'ÊTRE. Dans La Cerisaie, cette course aux apparences conduit au naufrage financier, dans La Mouette, elle conduit au malheur extrême des âmes qui s'y adonnent.

La Cerisaie est une oeuvre symbolique. Les cerisiers en fleur (n'oublions pas la vogue japonaise qui avait frappé l'occident durant le XIXème siècle) symbolisent le raffinement, l'esthétique, l'éphémère, l'art, le faste, le tape-à-l'oeil, la frivolité, en un mot l'aristocratie.
Ceci s'oppose bien évidemment au matérialisme, au pragmatisme, à la terre, au sol, en tant que quantité de mètres carrés sur lesquels poussent ces arbres.
C'est donc tout un symbole que la cession de la cerisaie (demeure et domaine de la noblesse russe) par l'aristocratie à la bourgeoisie et c'est ce symbole que choisit Anton Tchékhov pour nous montrer la fin d'une époque, la prise de pouvoir par les financiers au tournant du XXème siècle, notamment suite à l'abolition du servage en Russie en 1861.
Cette pièce est donc tout à fait dans la droite lignée des Démons (les Possédés) de Dostoïevski. Tchékhov sent aussi parfaitement monter les ferments de ce qui sera la révolution de 1917.
Pour nous montrer cette décadence, cette perte de contrôle de l'aristocratie, ce manque de lucidité, au début de la pièce, chaque personnage est dans sa propre bulle, chacun répond à côté de la plaque, sauf l'homme d'affaire, descendant de paysan, Lopakhine, qui, lui, a bien perçu que le vent a tourné et qu'il apporte des odeurs de roussi.
Tous les autres sont dans les mirages d'un monde et d'une époque qui a disparu, révolue, qui s'est évanouie pour laisser place à une autre, mais que leurs yeux sont incapables de déceler, sauf peut-être l'étudiant utopique Trofimov, ancien précepteur d'un enfant qui est mort (encore un symbole !) et qui attend béatement l'heure du changement en s'imaginant que tout sera bonheur, liberté et égalité si une révolution survient.
En ce sens, c'est-à-dire, la poursuite des chimères, la non perception de la réalité, cette pièce se rapproche de la Mouette. C'est probablement la pièce la plus célèbre de Tchékhov, mais, définitivement, ce n'est pas ma préférée, car Oncle Vania m'a beaucoup plus séduite.
Évidemment, le ton Tchékhov, la facture Tchékhov, les ingrédients Tchékhov sont tous là, et comme ses trois soeurs (excusez-moi le calembour, il s'agit évidemment de la Mouette, Oncle Vania et Les Trois Soeurs) c'est une tragi-comédie grinçante et très typique de l'auteur.
On peut juste préciser que certaines mentions, notamment aux vacanciers, à la révolution latente, aux changements économiques annoncent ou font écho à l'oeuvre de Gorki.
Voilà, si je dois conclure, je dirais que cette pièce, très caractéristique du style Tchékhov est un trait d'union entre Dostoïevski et Gorki, le témoin d'un pan de l'histoire russe qui s'effondre et d'un autre, à créer.

Dans La Mouette, Tchekhov aborde la thématique, ô combien d'actualité, des jeunes gens désirant plus que tout s'adonner aux métiers artistiques, et tout particulièrement, ceux du spectacle. Combien d'apprentis chanteurs, danseurs, acteurs, humoristes, musiciens, écrivains se retrouveront, eux et leurs illusions déçues dans cette mouette, symbole du jetable, un coup de fusil et on n'en parle plus. Mais, « La Mouette », c'est aussi bien plus que cela et s'il est bien une oeuvre qui souffre de la traduction, c'est bien celle-là. En effet, Anton Tchekhov joue fréquemment sur le signifiant et le signifié des mots et des noms qu'il emploie, chose indubitablement perdue à la traduction. En russe, le mot « mouette » ressemble à un verbe qui signifie « espérer vaguement quelque chose, plutôt en vain » (de même pour le nom de Medvedenko qui évoque en russe l'ours pataud). de plus, si l'on se souvient que la scène se déroule au bord d'un lac à l'intérieur des terres, La Mouette devient un oiseau égaré, blanc parmi les sombres alentours, symbole donc à la fois de candeur, de fragilité et d'égarement, d'espoirs plus ou moins déçus et de voix dissonante. On est donc loin des hordes piaillardes et envahissantes des bords de mer auquel le nom « mouette » fait référence, de prime abord, pour nous autres, habitants des franges du continent. L'oiseau le plus proche en français de ce qu'a voulu exprimer l'auteur serait peut-être l'hirondelle, pour la notion de fragilité et de vague espoir, mais bien loin de recouvrir toutes ces thématiques évoquées plus haut.
Tchekhov nous dépeint un monde où les artistes célèbres sont mesquins, égoïstes, narcissiques et sans intérêt comme l'actrice Irina Arkadina ou l'écrivain Trigorine, ceux qui désirent devenir artistes sont gonflés d'orgueil et de talent parfois douteux à l'instar de Treplev et Nina, les gens en place désirent autre chose que ce qu'ils ont tels Sorine, Medvedenko, Macha ou Paulina. Bref, tous courent plus ou moins après des chimères (la reconnaissance du public ou celle de ses pairs, l'amour de quelqu'un qui ne vous aime pas, le mode de vie opposé à celui que l'on pratique, etc.). Finalement, (est-ce un hasard sachant que Tchekhov est médecin de formation ?), un des seuls à avoir des yeux lucides semble être le médecin Dorn, qui possède un regard distancié et détaché des émotions, qui sait goûter le talent quand il est là, qui n'essaie pas d'avoir un autre âge que ce qu'il a.
En somme, une pièce qui remue beaucoup du côté de nos attentes, souvent un peu triviales ou inaccessibles, alors qu'à deux pas, l'accessible est négligé, tels l'amour de Macha pour Treplev, l'amour de Treplev pour Nina ou sa mère, l'amour d'Arkadina pour Trigorine, l'amour de Paulina pour Dorn etc. le message de Tchekhov pourrait être, ne regardez pas trop haut, n'allez pas vous griller comme un papillon de nuit sur une lampe brûlante et sachez jouir de ce qui est à votre portée. Si vous obtenez de la reconnaissance sans l'avoir cherché, tant mieux, sinon, ce n'est pas bien grave, les trompettes de la renommée sont bien mal embouchées comme disait Brassens...

En somme, n'arrêtez pas de lire ces vieilles éditions qui paraissent si ringardes et qui, parfois, ne le sont pas, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          582
La Mouette, comédie en quatre actes, n'est pas une farce, mais Tchekhov est-il un farceur ?
La province russe du XIXe siècle, la petite noblesse, des personnages qui ne sont ni héros, ni bons, ni mauvais, vivent dans un temps qui s'écoule lentement et qui use. Usure jusqu'à la sclérose. Les personnages cherchent et se cherchent mais d'une manière si passive qu'ils échouent forcément et dans leur chute ils emportent une image et un sens déformés de la réalité. Le drame fait entendre sa voix en basse continue, le tragique aussi, tout à l'air de se décomposer.
Mais, derrière le drame on sent Tchekhov sourire, car il met la mort, l'échec, le suicide dans le domaine de l'ironie.
D'ailleurs, pourquoi s'attrister sur le sort des personnages de Tchekhov ? L'oeuvre est loin d'être noire, l'ironie y est présente.
Commenter  J’apprécie          50
L'empire du soleil levant entre en guerre et la Russie se fait belligérante.

Théodore Roosevelt s'installe à la maison blanche et la douceur de vivre se fait ressentir à Lioubimovka.

De la façade seigneuriale au lent cours d'eau serpentant par les terres et peupliers de cette contrée.

Promenade de lignes et de mots à suivre dans son repos et ses promenades de ce temps où, hier encore, le soleil venait s'y reposer.





















;
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
TROFIMOV : Elle ne devrait pas se mêler de ce qui ne la regarde pas. De tout l'été, elle ne nous a pas laissés en paix, Ania et moi, de peur d'une romance entre nous. En quoi ça la concerne ? En plus, je n'y ai même jamais songé. Je suis si loin d'une telle vulgarité. Nous sommes au-dessus de l'amour !
LIOUBOV : Et moi, je dois être au-dessous de l'amour.
Commenter  J’apprécie          130
LOPAKHINE : Permettez-moi de vous demander : que pensez-vous de moi ?
TROFIMOV : Ce que je pense de vous ? Eh bien je vais vous dire : vous êtes un homme riche, bientôt vous serez millionnaire. Si, pour le cycle de la matière, une bête de proie qui dévore tout sur son passage est nécessaire, alors vous êtes nécessaire.
Commenter  J’apprécie          100
LIOUBOV ANDREEVNA
il faut être un homme, à votre âge, il faut comprendre ceux qui aiment. Il faut aimer soi-même... tomber amoureux ! ... vous n'êtes qu'un petit garçon, un type ridicule, un avorton...
TROFIMOC, épouvanté
Mais qu'est-ce qu'elle dit ?
LIOUBOV ANDREEVNA
"Je suis au-dessus de l'amour"! Vous n'êtes pas au-dessus de l'amour, vous n'êtes tout bonnement qu'un empoté, comme dit notre Firs. Quand je pense, à votre âge, ne pas avoir de maîtresse !...
Commenter  J’apprécie          60
TROFIMOV
Nous sommes en retards, au moins de deux cents ans, nous n'avons encore rien acquis, nous ne sommes même pas capables de juger notre passé, nous ne savons que philosopher, que nous plaindre de l'ennui, que boire de la vodka. Il est clair, pourtant, que pour vivre dans le présent il faut d'abord liquider notre passé, le racheter, et ce n'est possible que par la souffrance, par un travail extraordinaire, incessant.
Commenter  J’apprécie          50
LOPAKHINE
Excusez-moi, mes amis, mais je vous avoue que je n'ai jamais rencontré de gens aussi légers, aussi peu pratiques, aussi étranges que vous. On vous dit pourtant en langage clair que votre propriété sera vendue, mais on a l'impression que vous ne comprenez pas.
LIOUBOV ANDREEVNA
Que faut-il faire ? Quoi ? Dites-le nous.
LOPHAKINE
Il faut louer à bail votre cerisaie et vos terres, les lotir pour des datchas... le plus rapidement possible... et vous serez sauvés.
LIOUBOV ANDREEVNA
Mais des datchas, et des estivants - c'est tellement vulgaire, excusez-moi.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Anton Tchekhov (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anton Tchekhov
Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
Vous avez aimé cette vidéo ? Abonnez-vous à notre chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/¤££¤28Hôtel Calvet17¤££¤4fHZHvJdM38HA?sub_confirmation=1
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux ! Facebook : https://www.facebook.com/Telerama Instagram : https://www.instagram.com/telerama Twitter : https://twitter.com/Telerama
+ Lire la suite
autres livres classés : théatre russeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (37) Voir plus



Quiz Voir plus

Le clafoutis de Tchekhov

Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

Nikita
Volôdia
Fiodor
Boris
Andreï

10 questions
26 lecteurs ont répondu
Thème : Anton TchekhovCréer un quiz sur ce livre

{* *}