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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Une nuit en sortant du Cercle des médecins en compagnie de son partenaire, un fonctionnaire, il n'y tint plus et dit :
- Si vous saviez de quelle femme ravissante j'ai fait la connaissance à Yalta !
Le fonctionnaire monta dans son traineau qui démarra, mais soudain il se retourna et l'interpella :
- Gourov !
- Quoi donc ?
- Vous aviez raison tout à l'heure : l'esturgeon sentait !

Ces paroles si banales l'indignèrent soudain, lui parurent avilissantes et sales. Quelles moeurs de sauvages, quels êtres ! Quelles nuits stupides, quels jours dépourvus d'intérêt et de sens ! Jouer aux cartes avec frénésie, bâfrer, s'enivrer, parler constamment de la même chose ! Des activités vaines et des conversations oiseuses toujours sur les mêmes sujets absorbent la meilleure partie de votre temps, le meilleur de vos forces, et, au bout du compte, il ne vous reste qu'une vie étriquée, aux ailes rognées, une vie de pacotille, et aucun moyen de s'en échapper, de fuir, c'est comme si l'on était enfermé à l'asile ou dans un pénitencier. »

À côté de Tchékhov le dramaturge, il ne faut pas oublier le Tchékhov nouvelliste, tout aussi brillant et tout aussi essentiel. Je suis parvenue à cette rencontre, par le biais de l'Américain Ray Carver, un autre immense nouvelliste, surnommé d'ailleurs par certains le Tchekhov américain.

C'est un Tchekhov extrêmement lucide qu'on découvre derrière ses personnages souvent désabusés. Des personnages qui disent la difficulté d'être au monde, car soit on est sans le sou et on s'échine à gagner sa croute sans pouvoir profiter de la vie, soit on est plein aux as et on s'ennuie ferme. Ses personnages disent l'impossible bonheur et la mélancolie qui en résulte. Ce sont des gens troublants de sincérité et de fragilité.

Mais là où Tchekhov, le grand Tchekhov, excelle, c'est quand il nous parle d'amour :

« Regardez ces Allemands assis près du rouf. Quand des Allemands ou des Anglais se rencontrent, ils parlent du prix de la laine, de la récolte et de leurs affaires personnelles; mais nous autres, Russes, quand nous nous rencontrons, nous ne parlons que de femmes ou de sujets élevés. Mais surtout de femmes. »

L'amour, cette quête sans fin et toujours vouée à l'échec. Il nous parle de l'inaccessible amour et de l'inexplicable beauté, aussi fragiles que les ailes du papillon qu'on ne peut attraper sans en détruire la beauté :

« Bien sûr une femme est une femme et un homme un homme, mais les choses sont-elles aussi simples de notre temps qu'avant le déluge, et moi, qui suis un homme cultivé, pourvu d'une organisation mentale complexe, dois-je expliquer le vif attrait que j'éprouve pour une femme par la seule différence de forme de son corps et du mien ? Ah que ce serait affreux ! Je veux penser que, dans sa lutte avec la nature, le génie humain a aussi lutté avec l'amour physique comme avec un ennemi et que s'il ne l'a pas vaincu, il a du moins réussi à le couvrir d'un voile d'illusions de fraternité et d'amour; et, pour moi du moins, ce n'est pas une simple fonction de mon organisme animal, comme chez le chien ou la grenouille, mais un amour véritable et chacune de mes étreintes est spiritualisée par un élan du coeur et le respect de la femme. […]
Il est vrai qu'en poétisant l'amour nous supposons chez l'être aimé des qualités que souvent il ne possède pas, bien sûr, et que c'est pour nous une source d'erreurs et de souffrances constantes. Mais, à mon avis, mieux vaut qu'il en soit ainsi, c'est-à-dire mieux vaut souffrir que se consoler en proclamant qu'une femme est une femme et un homme un homme. »

Tchekhov nous convie, à travers la vie de ses contemporains, à regarder nos vies, à oser les questions fondamentales et à tenter des réponses sincères – et du coup probablement douloureuses. L'air de rien, il nous invite à la profondeur et au ralentissement, denrées devenues exception dans la littérature contemporaine futile et expéditive. Un auteur qui nous invite à lutter et à ne pas « [nous] borner à critiquer, à dénoncer la médiocrité du monde, oubliant que [notre] critique même tourne peu à peu à la médiocrité.»

Tchekhov, un maitre essentiel de la nouvelle, à garder à porter de main, sur la table de chevet, aux côtés de Ray Carver.
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Le 15 juillet 1904, Anton Tchékhov passait l'arme à gauche. Il n'imaginait pas que ses pièces de théâtre allaient devenir des exemples indémodables pour plusieurs générations de comédiens et metteurs en scène. Plus d'un siècle après sa mort, les répliques de la Mouette, Oncle Vania et Une demande en mariage continuent de résonner sur les planches, pour le plus grand plaisir des spectateurs. le nom de Tchékhov est devenu, à lui-seul, une évocation du milieu théâtral. Cette notoriété tend à éclipser une autre facette de la vie de l'auteur russe, celle de nouvelliste prolifique. En effet, il a rédigé plus de six cent nouvelles qui sont autant de mises en bouche pour ses célèbres pièces de théâtre. le recueil La Dame au petit chien et autres nouvelles est un condensé de son art. Analyse.

Le livre s'articule autour de quinze nouvelles où la femme est au centre de chaque histoire. Olga, Anna, Ariane, Maria, etc. sont autant d'héroïnes aux parcours différents mais qui finissent par se rassembler dans la figure préférée de Tchekhov: celle de la femme sensible et incomprise qui rêve d'une autre vie.

"Mon mari est un honnête homme, un brave homme, mais c'est un valet. Si je ne sais pas au juste quel est son emploi, je sais bien que c'est un valet. Lorsque je me suis mariée, j'avais vingt ans. J'avais la curiosité de connaître une vie meilleure, car je me disais qu'elle existe. Et j'avais envie de vivre. Vivre ! Vivre ! Cette curiosité me brûlait. Vous ne comprendrez peut-être pas cela, mais, je vous jure que je ne pouvais plus me posséder ; il se passait en moi quelque chose d'indéfinissable. À la fin, je n'y tins plus. Je dis à mon mari que j'étais malade et je vins ici…"

Ce désir d'émancipation de la femme russe du XIXème siècle nous le retrouvons chez d'autres auteurs russes, comme Tolstoï ou Dostoïevski, mais Tchékhov le traite d'une manière singulière. Il ne cloisonne jamais ses histoires de manière définitive. Il laisse la fin en suspens pour mieux laisser le lecteur interpréter l'histoire qu'il vient de lire. Les nouvelles de Tchékhov s'apparentent à des tableaux dont la signification est laissée à l'appréciation de tout un chacun. A titre d'exemple voici les derniers mots de la nouvelle “Le récit de Mlle X” où nous ne saurons jamais si l'héroïne s'est suicidée:

"Après l'avoir accompagné à la porte, je suis revenue dans mon bureau et me suis rassise sur le tapis devant la cheminée. Les braises rouges se sont couvertes de cendre et ont commencé à s'éteindre. le gel a frappé aux carreaux avec une fureur accrue et le vent s'est mis à chanter dans la cheminée.

La femme de chambre est entrée et, me croyant endormie, m'a appelée …"

Au niveau de l'écriture, chacune des quinze nouvelles prouve à l'envi que Tchékhov savait faire l'économie des mots pour susciter la curiosité de ses lecteurs. L'auteur russe a le don d'évacuer le style au profit du scénario qui se déroule comme dans un film ou plutôt … une pièce de théâtre! Car c'est aussi à ce titre qu'il faut lire ce recueil de nouvelles, il permet de comprendre pourquoi Tchekhov était un dramaturge hors-pair.

Il me semble tout aussi important de parler des personnages tchékhovien qui fonctionnent d'une manière étonnante. L'auteur russe les compose au plus près d'eux-même comme si ils étaient réels. Il ne les prend pas tels des épouvantails pour faire passer une morale ou une idéologie ; c'est d'ailleurs ce que l'on peut voir chez un Tolstoï ou un Dostoïevski qui eux ont un message à faire passer au travers de leurs personnages. Chez Tchekhov, les protagonistes se valent par eux-même et servent l'histoire. Ni plus, ni moins.

Enfin, La Dame au petit chien et autres nouvelles est un recueil divertissant qui se lit avec plaisir. A l'instar des pièces de théâtre d'Anton Tchékhov, ses histoires sont ciselées pour traverser les époques et les modes. Je suis convaincu que ses textes continueront de susciter en nous un panel d'émotions compris par toutes les générations.

Пожалуйста 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Toujours cette sensibilité, cette subtilité servies par un style si beau (belle traduction également) ; ces portraits de femmes sont autant de tableaux aux couleurs parfois douces parfois sombres, toujours mélancoliques (la peinture de la couverture de cette édition l'illustre parfaitement) et surtout tellement vivants ; l'auteur est un grand psychologue et la profondeur et la justesse de son point de vue surprennent toujours.
Etre femme russe dans la société archaïque de cette fin du dix-neuvième siècle était souvent un long chemin de douleur, et on sort de cette lecture tout chamboulé.
Mes préférées : les beautés, la cigale, la dame au petit chien ....
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Comme dans ses oeuvres théâtrales, les nouvelles de Tchékhov semblent ne pas avancer, comme si l'intrigue n'importait pas. Des personnages s'agitent, s'aiment, se disputent, discutent, mangent, boivent et rêvent. Et c'est dans cette activité permanente qui paraît pourtant anodine et insignifiante qu'il se passe quelque chose de très intense qui nous touche et nous emporte.
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La savoureuse plume de Tchekhov dépeint sans pareil ses contemporains, ainsi que les strates de la société russe et les rouages de la vie de chacun.
Dans ses nouvelles on retrouve toujours des personnages attachants, au prise avec leur obligations, leurs tourments ou les injonctions de la société et les jugements de leurs pairs, et on ne peut s'empêcher d'avoir de l'empathie pour eux.

Leur vie est faite d'attente, leur destin toujours en suspension.

Les réflexions sous-jacentes sont toujours très actuelles et d'une grande tolérance. Quand on lit Tchekhov on lit un humaniste qui déplore la misère et le manque d'égalité entre hommes et femmes.

Un de mes auteurs préférés
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J'avoue que le théâtre de Tchekhov était pour moi synonyme d'ennui et que cet auteur ne faisait pas partie de mes envies littéraires avant de voir passer un avis élogieux sur cette dame au petit chien. Et bang, coup de coeur ! Je découvre un style superbe. Dans ce recueil, quinze nouvelles sont présentées en ordre chronologique d'écriture et elles ont toutes pour thème les femmes. Si la première nouvelle (La pharmacienne) m'a un peu laissée sur ma faim, la suite m'a conquise. Beaucoup de regrets, de beauté et de jeunesse éphémères, d'amours déçus, cachés ou non assouvis, mais aussi des instants comiques, et des fins ouvertes, à l'image des personnages qui peinent à prendre des décisions et le contrôle de leur vie.
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S'il y a bien une chose que je referai dans ma brève existence de lecteur, c'est lire Anton Tchekov beaucoup plus tôt. A travers ces nouvelles, j'ai découvert cet auteur russe hors du commun qui, à mes yeux, dispose d'un talent époustouflant ! Qu'est-ce que c'est beau, fin et magnifiquement écrit ! L'auteur a une maîtrise parfaite de la description et de la narration. En quelques mots, minutieusement choisis, il nous transporte doucement dans l'ambiance de chaque nouvelle et nous partage les émotions et les sentiments de chacun des protagonistes. Chaque nouvelle a son propre ton, sa musicalité et sa poésie. On dirait un tour de magie tellement la sensation est surnaturelle !
L'éditeur a fait le choix de rassembler dans cet ouvrage des nouvelles avec un socle commun : il s'agit de portraits de femmes magnifiquement ciselés au point qu'on a l'impression de les côtoyer et de les connaître le temps d'un bref instant.
Ces portraits sont divers et variés mais traitent globalement de femmes malheureuses dans leur foyer, de femmes frivoles et égoïstes qui ne pensent qu'à leur propre plaisir, de femmes éperdument amoureuses, de femmes d'une rare beauté dans des patelins perdus, de femmes tenaillées par la solitude, la nostalgie ou le regret etc. J'aimerai décortiquer ici chacune de ces nouvelles mais cela prendra trop de place, ce qui n'est pas le but recherché. Toujours est-il que pour vous donner envie, c'est comme si on ouvrait une boîte de chocolats raffinés et que l'on déguste chaque pièce unique avec un plaisir infini !
Vous l'avez deviné : je suis enchantée et je rêve de découvrir l'intégralité de l'oeuvre de cet auteur ! Pour conclure, je considère que c'est un ouvrage indispensable à lire pour les passionnées de nouvelles ainsi que pour les amoureux de la littérature russe ! Spasibo Maestro Tchekhov !
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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Quel délice que ce recueil de nouvelles ! La femme est le centre de ces divers écrits, et plus largement, l'amour ! Des amours incomprises, des amours idéalisées, des amours maudîtes, des amours ratées…
À grignoter sans modération !
Anton Tchekhov, qui disait « si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas », disait également « une nouvelle qui n'a pas de femmes, c'est une machine sans vapeur. »
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Chaque nouvelle de ce recueil subjugue tant les sentiments et atermoiements des personnages sont justes. L'écriture est d'une grande beauté.
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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