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EAN : 9782231001568
251 pages
Editions Rombaldi (30/11/-1)
4.27/5   22 notes
Résumé :
Publié en 1967, ce beau récit, d’une grande simplicité, porte en épigraphe une citation de Tolstoï : « La moralité d’un homme se reconnaît à son attitude envers la parole. » George Steiner, dans un article de la New York Review of Books où il décernait à ce livre le statut de « classique », en résume le début : « Nous sommes en février 1949, et la Jdanovchina – la purge des intellectuels décidée par Andréi Jdanov, le voyou en charge de la culture sous Staline – comm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Commande à la Librairie Caractères/ Issy (20 avril 2022)

Un choc de lecture,d'autant plus intense que son auteure garde mesure et pudeur !

Découvert tout dernièrement cette courageuse dissidente russe qui a vécu largement la cruauté du stalinisme dans les purges des années 30 du Dictateur, dans lesquelles elle a perdu son mari...et dans ce récit personnel il s'agit directement de ce drame...

Déjà plus d'un mois que j'ai lu ce texte bouleversant...Du mal à en parler tant ce pays a vu se développer de violences et de cruautés sans nom de la part de ses gouvernants !

La narratrice-l'auteure se trouve en séjour dans une maison de repos pour écrivains, où elle tente secrètement d'écrire le récit de la disparition de son mari pendant les purges des années 1930...mais même ce moment de repos dans un cadre enneigé et idyllique, ainsi que le lien de complicité amicale noué avec un rescapé des camps ne suffiront pas à lui faire oublier l'atmosphère délétère, empoisonnée par les mensonges,la propagande et le retour de la peur, de la terreur de cette année 1949 où le pouvoir stalinien se déchaîne de nouveau...Une nouvelle campagne contre "le cosmopolitisme "...

Une écrivaine de talent,sans pathos qui raconte avec infiniment de pudeur L'Insupportable, l'Innommable...qui l'a frappée de plein fouet dans sa vie intime....

"Mars 1949
Ainsi ils l'avaient tué purement et simplement. Et toutes les longues heures que j'avais passées à faire la queue à Leningrad et à Moscou avaient été inutiles. Toutes les démarches. Les lettres.Les demandes de révision du procès. Tout était venu trop tard. Pendant que je courais encore d'un guichet à l'autre,Aliocha était déjà couché depuis longtemps sous terre.
Où l'avaient-ils enterré ?
Après l'avoir tué, ils avaient continué à me mentir pendant de longues années. (p.109/ Éditions le Bruit du Temps, 2015)"


Voir son autre texte : https://www.babelio.com/livres/Tchoukovskaia-Sophia-Petrovna/213298/critiques/2978325
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Un jour, il y a de cela trois mille ans, je m'étais arrêtée devant le stand des Éditions « Le bruit du temps » au Salon du livre Paris (quand le Salon du livre ressemblait à un Salon du livre) et, indécise devant autant de titres inconnus et prometteurs, j'avais demandé que l'on m'en conseille un. L'indispensable, bien sûr, celui sans lequel ma vie resterait médiocre et fade à jamais... Sans hésiter, une jeune femme m'avait tendu « La Plongée » de Lydia Tchoukovskaïa. Tiens, évidemment, une Russe… (Les Russes, ils m'énervent. Parce que je sais que leur littérature est incontournable, indispensable, profonde et forte, un abîme d'intelligence, mais je n'y comprends pas toujours grand-chose et j'en ai très vite marre… Dostoïevski par exemple, je me suis attaquée à « L'idiot » des centaines de fois. Rien à faire. Malgré toute la meilleure volonté du monde, je finis par abandonner avec une mauvaise conscience absolue. Bon, j'ai quand même lu Tchekhov et Tolstoï, j'adore « Le Maître et Marguerite » de Boulgakov, et je voue un culte infini à « Oblomov » de Gontcharov. Mais quand même, les Russes, c'est pas simple... )
Après avoir laissé un bon bout de temps ma « Plongée » prendre la poussière, j'ai fini par la tirer des oubliettes (je ne vous dis pas pourquoi, c'est une trop longue histoire) et m'y suis plongée... (elle est nulle celle-là). Il s'agit d'une oeuvre inspirée de la vie de l'autrice, dissidente convaincue dont le second mari a été arrêté en 1937. Elle ne l'a jamais revu. (Je regarde par la fenêtre : une merlette accompagnée de ses deux petits, trois fois plus gros qu'elle et ne se déplaçant qu'en courant, pique dans un gros champignon blanc et donne la becquée à ses deux lourdauds ridicules qui n'auraient qu'à baisser la tête pour se nourrir eux-mêmes mais qui attendent qu'on leur fourre la bouffe dans le gosier… Ces deux gros patauds ont l'air complètement idiots. Je souhaite bon courage à la mère...) Dans ce roman qui a la forme d'un journal intime, Nina Sergeievna, traductrice, part se reposer dans une maison réservée aux écrivains et gérée par l'État, dans la partie russe de la Finlande. Nous sommes en 1949 (date à laquelle une nouvelle purge d'intellectuels commence), son propre mari a été arrêté lors des persécutions staliniennes de 1937. Elle ne sait pas ce qu'il est devenu, s'il est mort ou vivant, et elle souhaite profiter de cette retraite pour faire des « plongées » en elle-même, dans sa mémoire, afin de retrouver par l'esprit l'homme qu'elle a aimé et essayer d'imaginer ce qu'il est devenu. Elle tente d'écrire sur ce sujet. Dans cette maison, elle se retrouve avec d'autres écrivains plus ou moins ouvertement à la botte du pouvoir. Leurs propos l'insupportent, l'atmosphère est parfois très oppressante et c'est auprès de la nature qu'elle trouve un peu de réconfort. Elle tombe cependant amoureuse d'un certain Bilibine avec lequel elle se promène en forêt. Il lui semble être bien différent des autres, peut-être parce que lui aussi a vécu la déportation… Ambiance tchekhovienne garantie (ici chacun se méfie de tout le monde et c'est surtout dans les forêts de sapins que l'on accepte de se confier...), un bon suspense (qui est vraiment ce Bilibine, cette « âme-soeur » qui suscite la confiance de la narratrice et quel est le contenu du livre qu'il est en train d'écrire?) et surtout une évocation de la nature (bouleaux enneigés et compagnie) absolument magistrale… J'ai vraiment beaucoup aimé ce texte. L'avez-vous lu ? En tout cas, je vous le recommande !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Saluons le travail des petits éditeurs (souvent petits par la taille mais grands pour la littérature) qui nous font (re)découvrir des auteurs importants malencontreusement oubliés car enfouis sous la masse de publications contemporaines (masse qui contient aussi son lot de bons livres et d'auteurs de valeur, soit dit en passant). Ainsi, c'est avec un certain bonheur, une grande jubilation même, que j'ai redécouvert celle que Joseph Brodsky nommait "la conscience de la littérature russe" : Lydia Tchoukovskaïa, que je connaissais à peine de nom pour avoir vu passer un livre d'elle aux éditions Interférences, mais dont j'ai enfin pu savourer la prose intelligente et littéraire par le biais de cette réédition bienvenue aux éditions du Bruit du Temps, ainsi qu'une critique très positive (et là bien méritée) lors de l'émission La Dispute sur France Culture. S'il y a des auteurs qui n'écrivent que pour la notoriété, par le passé comme aujourd'hui (beaucoup de nos jours à vrai dire), ça peut paraître incroyable de se dire que Lydia Tchoukovskaïa n'ignorait pas que son livre ne paraîtrait pas de son vivant. C'est donc une plongée littéraire qu'elle nous propose, une plongée dans les souvenirs, une plongée dans les ombres de l'histoire. En quelque 200 pages d'une narration efficace, subtile et concise, l'auteure met en jeu le rôle ambivalent de l'écrivain sous la dictature soviétique ainsi que presque tous les destins et les attitudes qui doivent faire face, tant bien que mal, parfois en s'en accommodant, à ce qui se passe dans le pays et que seules les longues promenades dans la nature hivernale, une nature d'ailleurs magnifiquement décrite, que seules ces promenades permettent d'oublier, pour un bref moment, comme un temps figé, pour revenir ensuite à la sordide réalité d'un système où la vérité n'existe plus. La plongée est un magnifique livre, un cas d'école, de ce que peut être l'écriture au service de la parole et du souvenir, de l'absence de celui-ci aussi, et ce n'est pas pour rien que Lydia Tchoukovskaïa mêle avec grand habilité ses promenades, ses dialogues et mêmes son monologue intérieur aux poésies et aux textes de Pasternak, Blok, Essenine et tant d'autres grandes plumes russes, car, comme le disait Nietzsche : "Ce qu'il y a de grand dans l'homme, c'est qu'il est un pont et non un but : ce que l'on peut aimer en l'homme, c'est qu'il est un passage et un déclin. J'aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour disparaître, car ils passent au delà" - oui, Tchoukovskaïa est un pont entre l'avant et l'après, elle a su disparaître et passer au delà, en laissant une oeuvre, petite certes, mais ô combien essentielle.
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Rédigé entre 1949 et 1957, La plongée se déroule dans une sorte de sanatorium isolé dans la campgnes russe. La narratrice y passe quelques semaines hivernales en compagnie d'autres artistes de son époque, rescapés des deux guerres et de la révolution de 17. Ses journées sont rythmées par les temps d'écriture, les balades sur les chemins enneigés, les soirées dans la grande salle et les rencontres avec ses comparses. Les bonnes paroles de circonstances laissent rapidement place aux confessions au détour d'un chemin isolé, derrière les portes fermées.
La plongée est un texte magnifique aux allures de journal intime, on y découvre les mécanismes de l'écriture, on y plonge pour ainsi dire dans l'esprit de l'écrivain russe du milieu du 20ème siècle, on y soigne les ravages des totalitarismes sur la pensée libre et sincère.
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L'héroïne de ce merveilleux roman, Nina Sergueïevna séjourne , en 1949, au fin fond de la Russie, dans une maison de repos pour écrivains.
Nina est hantée par la disparition de son mari, victime des purges staliniennes . Elle tente d'écrire , cherche la vérité .
La beauté des paysages enneigés , les liens qu'elle tisse avec les autres pensionnaires , troublent l'écrivaine .
La mesquinerie, la fausseté , la peur empoisonnent l'atmosphère et bouleversent Nina.

Ce livre, tout en finesse, souligne l'intelligence et la grande culture de Lydia Tchoukoskaïa, décédée en 1996.

Un vrai bijou littéraire.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Saluons le travail des petits éditeurs (souvent petits par la taille mais grands pour la littérature) qui nous font (re)découvrir des auteurs importants malencontreusement oubliés car enfouis sous la masse de publications contemporaines (masse qui contient aussi son lot de bons livres et d'auteurs de valeur, soit dit en passant). Ainsi, c'est avec un certain bonheur, une grande jubilation même, que j'ai redécouvert celle que Joseph Brodsky nommait "la conscience de la littérature russe" : Lydia Tchoukovskaïa, que je connaissais à peine de nom pour avoir vu passer un livre d'elle aux éditions Interférences, mais dont j'ai enfin pu savourer la prose intelligente et littéraire par le biais de cette réédition bienvenue aux éditions du Bruit du Temps, ainsi qu'une critique très positive (et là bien méritée) lors de l'émission La Dispute sur France Culture. S'il y a des auteurs qui n'écrivent que pour la notoriété, par le passé comme aujourd'hui (beaucoup de nos jours à vrai dire), ça peut paraître incroyable de se dire que Lydia Tchoukovskaïa n'ignorait pas que son livre ne paraîtrait pas de son vivant. C'est donc une plongée littéraire qu'elle nous propose, une plongée dans les souvenirs, une plongée dans les ombres de l'histoire. En quelque 200 pages d'une narration efficace, subtile et concise, l'auteure met en jeu le rôle ambivalent de l'écrivain sous la dictature soviétique ainsi que presque tous les destins et les attitudes qui doivent faire face, tant bien que mal, parfois en s'en accommodant, à ce qui se passe dans le pays et que seules les longues promenades dans la nature hivernale, une nature d'ailleurs magnifiquement décrite, que seules ces promenades permettent d'oublier, pour un bref moment, comme un temps figé, pour revenir ensuite à la sordide réalité d'un système où la vérité n'existe plus. La plongée est un magnifique livre, un cas d'école, de ce que peut être l'écriture au service de la parole et du souvenir, de l'absence de celui-ci aussi, et ce n'est pas pour rien que Lydia Tchoukovskaïa mêle avec grand habilité ses promenades, ses dialogues et mêmes son monologue intérieur aux poésies et aux textes de Pasternak, Blok, Essenine et tant d'autres grandes plumes russes, car, comme le disait Nietzsche : "Ce qu'il y a de grand dans l'homme, c'est qu'il est un pont et non un but : ce que l'on peut aimer en l'homme, c'est qu'il est un passage et un déclin. J'aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour disparaître, car ils passent au delà" - oui, Tchoukovskaïa est un pont entre l'avant et l'après, elle a su disparaître et passer au delà, en laissant une œuvre, petite certes, mais ô combien essentielle.
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On ne l'avait emmené nulle part il n'avait eu à subir ni le wagon à bestiaux ni les chiens.Tout s'était terminé bien avant. D'après Nicolaï Alexandrovitch,"dix ans sans droit de correspondance " n'était qu'une formule convenue pour désigner le peloton d'exécution. Pour éviter de prononcer trop souvent,aux guichets le mot "exécuté ","exécuté ",et pour qu'il n'y ai pas de crise et de sanglots dans la queue."
( p.106 / Le Bruit du Temps,2015)
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Je n'aurais rien pu lui répondre. Cette nuit,et toutes les nuits et tous les jours précédents, j'avais été tourmentée non par mon chagrin,mais par quelque chose de pire: l'impossibilité de comprendre et de nommer ce qui est en train de se passer.Le chagrin ? Le chagrin était-il vraiment ainsi ? Le chagrin a un nom et si vous avez du courage,vous trouvez la force de le prononcer. Mais ce qui nous était arrivé n'avait pas de nom, parce que cela n'avait pas de sens.
(p.151 / Le Bruit du Temps, 2015)
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Mars 1949

Ainsi ils l'avaient tué purement et simplement. Et toutes les longues heures que j'avais passées à faire la queue à Leningrad et à Moscou avaient été inutiles. Toutes les démarches. Les lettres.Les demandes de révision du procès. Tout était venu trop tard. Pendant que je courais encore d'un guichet à l'autre,Aliocha était déjà couché depuis longtemps sous terre.
Où l'avaient-ils enterré ?
Après l'avoir tué, ils avaient continué à me mentir pendant de longues années. (p.109/ Éditions Le Bruit du Temps, 2015)
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Aujourd'hui j'ai vu dans le bois un sapin extraordinaire. Comment ne l'avais-je pas remarqué plus tôt ! Il se dressait, majestueux et puissant dans un cercle étroit de bouleaux. Prisonnier. Prisonnier heureux. J'ai ri tout haut en le voyant. Pareils à des fillettes en habits de fête, les bouleaux faisaient la ronde autour du sapin de Noël. Toute leur vie, ils fêtaient la veille de Noël.
Aujourd'hui, il faisait gris, gris et bourbeux dans le bois. On marchait dans une boue liquide bleuâtre. Mais ici, au grand air, même la boue paraissait belle, argentée, c'était dommage de la piétiner. Après avoir jeté un coup d'oeil autour de moi et constaté que j'étais tout à fait seule, je commençai à réciter des vers. A chercher les sons qui s'harmoniseraient avec ces bouleaux, cette neige précaire.
J'essayais Pouchkine, Pasternak, Nekrassov, Akhmatova. Oui, tous étaient originaires de ce lieu. Tous convenaient à ce lieu. "Tout est correct" comme on l'écrit avoir avoir vérifié un télégramme. Tous les mots avaient poussé sur cette terre, et, imprégnés de l'air d'ici, s'étiraient vers le ciel, comme ces bouleaux. En les récitant, je sentais non seulement la beauté de la poésie, mais aussi sa lassitude et la joie qu'elle se donnait à elle-même. Mes lèvres étaient heureuses de rencontrer les mots et les mots de rencontrer mes lèvres.

La tempête, hurlant avec rage,
Lançait la neige contre les carreaux
Le soleil se levait sans joie.
Il était ce matin-là
Témoin d'un triste tableau*.

*Nouvelle citation du poème de Nekrassov, "Le gel au nez rouge".
(page 86)
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Vidéo de Lydia Tchoukovskaïa
Lecture de la Plongée, de Lydia Tchoukovskaïa, par Anne Alvaro La 23e édition du Printemps des poètes, du 13 au 29 mars, est placée sous le signe du Désir. À cette occasion, la bibliothèque de l'Arsenal donne carte blanche à l'actrice Anne Alvaro pour une lecture de la Plongée de Lydia Tchoukovskaïa, récit initialement publié en 1967 et réédité en 2015 par les éditions le Bruit du temps.
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