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EAN : 9782234086487
224 pages
Stock (17/04/2019)
3.83/5   20 notes
Résumé :
Ce livre est une présentation provocatrice et cynique des sept étapes qui permettent aux leaders populistes de passer du statut de «personnage ridicule» à celui d’«autocrate terrifiant».
Ces sept étapes qui matérialisent le moment où une démocratie bascule dans une dictature, Ece Temelkuran les a identifiées dans son pays d’origine, la Turquie. Mais elle en observe aussi les prémices dans bien d’autres États, y compris des démocraties que nous pensions très s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Alors que le populisme monte en puissance en Europe et aux États Unis, et que les dictateurs sévissent un peu partout, Temelkuran partant de son propre pays , La Turquie ,analyse ce qui mène au pouvoir ces nouveaux leaders populistes sans idéologie , sans programmes économiques et sociaux définis, uniquement à la poursuite d'un pouvoir absolu, mobilisant des foules , souvent à leur détriment .

« Le respect revient souvent chez les gens qui ont voté pour Trump. L'idée est la suivante : « Trump est peut-être un abruti, il ne tiendra peut-être pas ses promesses, mais il agit comme si les gens comme moi étaient importants et que les gens qui ne me respectent pas ne l'étaient pas. » Cette citation à elle seule peut expliquer l'engouement d'un vaste troupeau d'abrutis pour un leader populiste, qui en faites lui-même vient d'une situation ou d'un passé qui nécessiterait un fort lifting moral et éducatif pour mériter ce dit respect . Or à leur opinion, le respect qui leur convient n'a pas besoin d'être mérité il suffit de l'exiger. Un respect à sens unique : on le reçoit sans le donner. Cette explication du mécanisme populiste par Temelkuran malheureusement est une vérité fondamentale et non une opinion personnelle . Ce respect exigé découle de la victimisation abreuvé de « ressentiments » dont la nature change constamment , selon ce qui est dicté aux masses par les spin doctors des leaders populistes. Les contradictions ne sont aucunement un problème, «  quand le chef est un maître de « l'hyperbole véridique « , le contenu même n'a plus guère d'importance. »

La question qui taraude est quand même «  comment les masses ont-elles pu commencer à agir contre leurs propres intérêts, et se tromper de cibles dans leur quête de grandeur, oubliant ainsi l'histoire mondiale ? ». Une question de base posée fréquemment et encore plus récemment, suite aux dernière élections turques, bien que ces dernières furent largement truquées. Ici «  l'infantilisation des masses via l'infantilisation du discours politique est cruciale ….de plus , une fois que vous avez infantilisé le discours politique commun, il devient plus facile de tromper les masses et , à partir de là , vous pouvez leur promettre n'importe quoi. »

Tout est permis pour les chefs populistes, vu que le troupeau est prêt à gober n'importe quoi. Ce qui semble presque une farce devient en faites périlleux vu que la raison devient impuissante face non seulement à la bêtise , la folie d'un seul homme, mais aussi face aux regards hypnotisés de millions de gens croyant aux bêtises de cet homme.
« Quoi qu'il en soit, quand la vulgarité et l'ignorance deviennent des valeurs tenues en estime, que fait-on ? Comment communiquer avec une personne qui accepte que l'inconsistance et l'hypocrisie de son chef soient des éléments d'une stratégie appliquée pour le bien de son peuple ? »
Temelkuran mentionne aussi dans son livre ces intellectuels de gauche qui ont soutenu Erdoğan dans ses débuts, acceptant des alliances peu orthodoxes comme Ahmet Altan ( qui joue les victimes aujourd'hui ) et qui ont fini par la suite en exil ou en prison, “Certains d'entre eux ont réussi à se réinventer comme membres déçus de l'opposition dans des pays occidentaux, créant de nouvelles alliances pour poursuivre leur carrière à l'étranger en tant que victimes exceptionnelles d'un dictateur exceptionnel.”

Dans ces circonstances préserver sa santé mentale devient extrêmement difficile pour ceux ou celles qui ont encore un minimum de sens de l'éthique, de l'honnêteté et une conscience. Tout ce qui paraît insensé, une honte pour nous , devenant très vite la norme, crée un désespoir existentiel infini, « La souffrance d'avoir à être soumis au mal éhonté est une chose, mais c'est autre chose d'avoir l'oppression comme équivalent de la « vraie démocratie », présentée comme telle en réponse à la soi-disant demande du vrai peuple – et supporter de voir le pouvoir politique faire une chose en prétendant faire exactement le contraire ».
Ce livre écrit en 2019 éclaire parfaitement le pourquoi des résultats des dernières élections turques, bien que généreusement abreuvées de fraudes, désormais une des règles du système établie. Tout ceci montrant à mon avis un Monde à la dérive .
Je remercie infiniment mon ami babeliote Apo qui m'a proposée cette lecture suite à une question que je lui avais posé, et la réponse s'y trouve effectivement. Un excellent livre et une rencontre précieuse avec une femme intelligente et courageuse.

« Deviens fou si tu en as les moyens. »
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Le grand leader turc semble actuellement (légèrement) en perte de vitesse, comme la laisse supposer son annulation des élections municipales récentes d'Istanbul. Il est vrai que les résultats n'étaient guère favorables à Erdoğan, ce qui est une bonne chose en soi et devrait rendre optimiste la redoutable journaliste turque, Ece Temelkuran. Quoique dans les bleds paumés d'Anatolie ou la carte islamique joue un rôle de première importance, il reste dangereusement populaire.

L'auteure est née à Izmir, il y a 45 ans, et après ses études de droit à l'université d'Ankara est devenue chroniqueuse au quotidien "Milliyet" (= La Nation) de 2000 à 2009 et pendant les 3 ans suivants pour "Habertürk" (= nouvelles turques), jusqu'à son renvoi, début 2012, pour sa critique à l'adresse du gouvernement Erdoğan III et le bombardement du village kurde d'Uludure, faisant 34 morts. N'empêche qu'elle a raflé 2 fois le prix de la journaliste politique la plus lue dans son pays. Craignant pour sa liberté (et peut-être même sa vie), Ece a pris la fuite et continue, à partir de Zagreb en Croatie, ses chroniques pour Le Monde Diplomatique et le Guardian.

Selon le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), la Turquie est restée en 2017 le pire geôlier du monde avec 73 journalistes derrière les barreaux. Donc, pour elle rester dans son pays relèverait de la pure insouciance.

Parallèlement, elle a (déjà) publié 12 livres, dont 2 ont été traduits en Français : "À quoi bon la révolution si je ne peux danser", en 2016 et cette année l'ouvrage commenté ici. Ece est également l'auteure d'un roman fort original et intéressant "The Time of Mute Swans" (le temps des cygnes muets), paru le 7-11-2017 et pas encore traduit.

Ece Temelkuran démarre son ouvrage à Istanbul, le 15 juillet 2016, la nuit du fameux coup d'État militaire manquė.
Pour elle "ce n'est pas un coup d'État, nous le savons bien. ...il s'agit d'une mise en scène pour légitimer le régime présidentiel - aux dépens du régime parlementaire - que réclame le président Recep Tayyip Erdoğan..."

Dans ce plutôt long exposé (7 chapitres + une introduction, en tout 315 pages), l'auteure veut mettre en alerte les pays tiers où un mouvement populiste est apparu qui menace plus ou moins sérieusement à bref ou à moyen terme les acquis démocratiques. C'est le cas de la Hongrie de Viktor Orbán par exemple.

Elle met en exergue la référence à ce qui est appelé faussement le "vrai peuple", les gens qui soutiennent les populistes. Il y a 3 ans, le petit rigolo de Nigel Farage parlait aussi de "victoire du vrai peuple" après le stupide référendum du Brexit du 23 juin 2016. Il célébrait d'ailleurs "l'indépendance de l'Angleterre" ( ? !), mais ne mentionnait plus sa promesse que la contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne irait maintenant intégralement à la caisse maladie nationale britannique ! Un gros mensonge délibéré, dit nonchalamment en passant, pour influencer le résultat du vote.

En Turquie, le "vrai peuple" ne sont sûrement pas les citadins d'Istanbul et d'Ankara qui osent voter pour un autre parti que l'AKP (Parti de la justice et du développement) du bey Erdoğan ou tout individu critique à l'adresse de l'homme qui contrôle le pays depuis 2003, soit depuis déjà 16 longues années. Pour Erdoğan, le vrai peuple est à l'opposé de ce qu'il qualifie "d'élite oppressive", comme si lui ne serait pas l'oppresseur principal de la nation.

D'après la journaliste turque, les ouvrages de George Orwell et Hannah Arendt se retrouvent de nouveau sur la liste des best-sellers, ce qui est évidemment révélateur. En ce qui concerne "Les origines du totalitarisme" de la grande philosophe allemande, cela se comprend, bien entendu. Et d'Orwell elle fait référence à "1984", "big brother" et le contrôle de la presse par Erdoğan et sa fine équipe.

Un point sur lequel je suis légèrement en désaccord avec Ece Temelkuran se réfère au rôle des personnes. Selon elle, remplacer des Trump, Orbán..... ne changera pas grand-chose, parce qu'ils seront aussitôt succédés par des gugusses du même gabarit. Je pense personnellement que dans la pratique ce n'est pas si facile de trouver des remplaçants qui soient en mesure de continuer purement et simplement la même politique de la même façon.

L'intérêt de cet ouvrage réside à mon avis dans la finesse de la description du système Erdoğan : comment il s'est débrouillé pour assurer la mainmise sur un État dont l'importance stratégique, à cheval entre 2 continents, ne saurait être surévaluée. Tandis que Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938) a essayé d'introduire la Turquie dès 1923 dans le monde moderne, Erdoğan lui, préfère un retour en arrière, une politique rétrograde, qui lui permet de maintenir et d'accroître son propre pouvoir. Ses 2 atouts majeurs : l'islam et le populisme.

Une combinaison néfaste (religion + populisme) contre lequel Ece Temelkuran, avec beaucoup de clairvoyance et de fougue, en donnant le triste sort de son pays en exemple, s'insurge et veut éviter qu'un système analogue de gouvernement s'instaure dans d'autres pays occidentaux lors des prochaines élections.
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Un grand merci à Babelio et aux Editions Stock, pour l'envoi de cet ouvrage.

Journaliste et auteure Turque, Ece Temelkuran, constate la fin de la démocratie en Turquie la nuit du 15 juillet 2016 et tente de nous mettre en garde contre la montée dans «nos»pays, du populisme.

L'auteure analyse la montée du populisme en Europe et aux Etats-Unis et nous explique comment on peut sortir de la démocratie sans s'en apercevoir...

L'auteure semble nous dire que le populisme semble être le contraire des villes c'est- à-dire du cosmopolitisme. le «vrai peuple» (l'identité, l'authenticité...) lui, vient de la province.

C'est un avis trancher que je ne partage pas tout-à-fait, même si l'exemple des «gilets jaunes» pourrait correspondre à ce constat, cependant leurs revendications bien que très diverses, pour nombre d'entre elles sont justifiées.(mon avis n'est pas très important et qui suis-je pour prétendre le contraire?)

Pendant trop longtemps une certaine catégorie de la population a eu le sentiment d'avoir été mépriser par une autre et d'être les oubliés du «progrès» or, au lieu de s'en prendre aux «vrai» causes: précarité, pauvreté, mondialisation sans contôle,chômage.. Ils s'en prennent aux «élites et aux immigrés» (qu'ils pensent être les responsables de leurs malheurs, et se jettent dans les bras du premier bonimenteur venu: Erdogan,Orban,Trump,Chaves,Salvini,Le Pen, j'en passe et des pires.

Après avoir refermé cet excellent essai, je me dis qu'on a du boulot si on veut réconcilier ces deux mondes. L'histoire balance entre progrès et réaction, j'ai peur que l'on soit rentré dans une sombre période.






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Merci à Babelio et aux Editions Stock, pour cette masse critique "Non fiction".
S'il était besoin de nous en convaincre, Ece Temelkuran nous démontre avec force d'exemples, que nos démocraties sont sérieusement en danger et que la situation actuelle de nombreux pays confirme le diagnostic implacable de cette journaliste, elle-même en lutte dans son propre pays contre Erdogan et sa politique rétrograde.
Il est clair que la situation a de quoi alarmer, tant le fossé entre "le peuple" et nos technocrates se creuse inexorablement, l'arrogance (et les privilèges) de nos élus devenant insupportable pour un très grand nombre. Fort de ce constat, pas étonnant que le populisme creuse malheureusement un sillon inquiétant (la tentation du pourquoi pas eux après tout ?) face à une élite de plus en plus déconnecté des réalités.
On est forcément inquiet devant ce tableau pessimisme qui semble apparaitre de plus en plus inévitable.
Un texte qui forcément ne laisse pas indifférent. Espérons seulement qu'Ece Temelkuran se trompe. L'espoir fait vivre.
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Lecture de travail pour préparer mon cours de Spé Histoire/Sciences-Po.
Commençons par dire que j'éprouve le plus grand respect pour le combat que mène Ece Temelkuran depuis des années en faveur des libertés et de la cause féminine en Turquie. Je partage avec elle l'avis que le régime autoritaire imposé par Recep Tayyip Erdogan et son parti l'AKP constitue une tragique catastrophe dans la longue histoire de ce pays.
L'auteure est incontestablement une fine analyste de la société et de la politique turques. C'est sur ce sujet que son livre est précieux et particulièrement intéressant. Je reste pourtant sur une semi-déception car le titre m'avait fait espérer une analyse plus structurée et de type plus universitaire. de ce point de vue, si l'approche journalistique est tout à fait percutante pour décrire par petites touches le basculement de la Turquie vers la dictature, la démarche est moins féconde lorsqu'il s'agit d'élargir le sujet à d'autres pays et d'autres situations. En d'autres termes, le livre fait une promesse qu'il ne tient pas vraiment, et à mes yeux il ne réussit pas son pari de l'essai politique capable de transcender les frontières. Ece Temelkuran se montre toujours pertinente et bien informée quand elle parle de la situation turque, mais le lecteur doit en revanche se contenter de papillonner autour de considérations bien plus générales lorsqu'elle tente les comparaisons. Difficile ainsi de dire qu'on trouve dans ces pages une analyse approfondie et structurée du populisme dans ses invariants par delà les particularismes nationaux : piocher des éléments dans les États-Unis de Trump, la Hongrie d'Orban ou la Russie de Poutine (en attendant, on peut le craindre, la France de le Pen) ne suffit pas à faire un tout. Or il y a incontestablement un tout derrière ces phénomènes...
Lecture très profitable, donc, mais qui n'épuise pas le sujet et devra être complétée par d'autres.
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Quand, régulièrement, des enfants se font violer par douzaines dans un hôtel géré par une fondation islamiste pro-gouvernementale à Karaman – une ville conservatrice et le bastion du parti dirigeant en 2016 – et quand les journalistes qui en parlent sont emprisonnés à la place des coupables ; quand des membres du gouvernement font alors l’éloge de cette fondation comme étant l’institution du pays la plus scrupuleuse en termes de droits de l’enfant et organisent une séance de photos de famille avec les représentants de la fondation, quelle est la réponse possible ? Vous restez bouche bée tant vous êtes choqué, sans voix, les yeux vous sortent de la tête, et un bruit semblable à un hoquet sort de votre bouche : « Ah ! » Votre cerveau, dupé par la tension de vos muscles faciaux, commence alors à générer du rire. C’est le rire qui survient quand l’humain a atteint ses limites émotionnelles. Quand l’esprit est contraint de tester ses capacités à traiter le répugnant et l’illogique, et quand cette tâche ne cesse de prendre de l’ampleur, qu’elle ne cesse jamais de se répéter, le cerveau finit par être saturé et transmet un message d’erreur. C’est comme si ce nouveau genre d’émotion était incapable de trouver sa place sur la carte des neurones et ne pouvait donc que surgir sous forme de rire. C’est ce qui arrive quand vous avez épuisé votre colère, et quand vos réserves de désespoir et de dégoût sont elles aussi taries. Et au contraire du sultan dans ce conte populaire, le dirigeant continue à repousser sans cesse les limites, jusqu’à ce que le répugnant et l’absurde deviennent la nouvelle norme.
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En hiver, il n’y a vraiment pas grand-chose à faire. Il y a des jours où nous ne faisons rien. C’est ce qu’a dit Gyongyi Orgyan, une habitante de Siklósnagyfalu, à un journaliste du New York Times le 3 avril 2018, quelques jours avant les élections législatives en Hongrie. Elle faisait partie de tous ceux qui avaient bénéficié des faux emplois qu’avait fournis le dirigeant hongrois Viktor Orbán aux villageois afin de s’assurer un réseau d’électeurs. Au cours des huit années de son second mandat en tant que Premier ministre, en fournissant aux gens sans emplois des boulots saisonniers d’été subalternes payés par l’État et organisés par l’administration locale, pour quelques heures par jour, Orbán a fait baisser le taux de chômage de 11,4 à 3,8%. Ce qui lui a permis de gagner des milliers de loyaux sympathisants dont le pain quotidien dépendait de sa réélection. La base de son pouvoir reposait sur les pauvres et sur ceux qui bénéficiaient financièrement de son régime et qui sont devenus comme Jan-Werner Müller les appelait dans son article de la New York Review of Books – « les nouveaux riches, des citoyens responsables, bourgeois conservateurs ».
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Cette expression, « montée du populisme », est commode pour notre époque. D’une part, elle masque le contenu idéologique de droite des mouvements en question et, d’autre part, elle n’explique en rien le désir suspect du je de se fondre en nous. Elle décrit à la perfection ces chefs charismatiques tordus qui mobilisent les masses et, avec application, les réduisent à un peuple de déçus et d’ignorants.
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6. « "Et donc me voilà, d'anarchiste post-structuraliste je suis devenu surveillant d'urnes électorales ! Oui, tout le monde sait maintenant où est sa place !"
Le 1er novembre 2015, ce Tweet est instantanément devenu un classique du répertoire, qui ne cesse de se renouveler, de l'humour noir turc. Il a été posté le jour des élections législatives et partagé par la vaste communauté des gens instruits qui s'étaient portés volontaires pour surveiller les urnes.
[…]
L'infantilisation et le pathétique du climat politique ont rendu superflues leurs capacités intellectuelles et ils en étaient réduits à se poster dans les bureaux de vote pour s'assurer que les urnes n'étaient pas truquées par les partisans d'Erdoğan, comme cela avait été le cas lors des précédentes élections. Ceux qui ont repris la blague à leur compte faisaient aussi référence aux années précédentes, au cours desquelles ils avaient regardé, amusés, l'establishment et son appareil d'État pourri être secoué et littéralement démantelé par les conseillers en communication du mouvement populiste. L'ironie étant que, précédemment, la plupart d'entre eux voyaient la démocratie moderne comme un simple habillage de vitrine pour le système néolibéral et s'étaient réjouis de voir l'appareil d'État puni pour son hypocrisie. Mais désormais ils subissaient un étrange effet boomerang car ils devaient défendre la machine politique et protéger un système de démocratie représentative que la plupart d'entre eux trouvaient 'dépassé'. » (pp. 128-129)
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8. « Vous restez bouche bée tant vous êtes choqué, sans voix, les yeux vous sortent de la tête, et un bruit semblable à un hoquet sort de votre bouche : "Ah !" Votre cerveau, dupé par la tension de vos muscles faciaux, commence alors à générer du rire. C'est le rire qui survient quand l'humain a atteint ses limites émotionnelles. Quand l'esprit est contraint de tester ses capacités à traiter le répugnant et l'illogique, et quand cette tâche ne cesse de prendre de l'ampleur, qu'elle ne cesse jamais de se répéter, le cerveau finit par être saturé et transmet un message d'erreur. C'est comme si ce nouveau genre d'émotion était incapable de trouver sa place sur la carte des neurones et ne pouvait donc que surgir sous forme de rire. C'est ce qui arrive quand vous avez épuisé votre colère, et quand vos réserves de désespoir et de dégoût sont elles aussi taries. » (p. 252)
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Videos de Ece Temelkuran (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ece Temelkuran
Le mardi 16 avril à 19h à la Maison de la Poésie. Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
Dans un livre ambitieux, passionné et provocateur, l?auteure et journaliste turque Ece Temelkuran dissèque la montée du populisme dans le monde. Elle explore les causes profondes et les différentes façons dont les pays, mêmes les nôtres, peuvent sortir de la démocratie sans s?en apercevoir. Selon elle, les soulèvements récents survenus en Turquie font partie d?un phénomène mondial qui doit servir d?avertissement aux pays occidentaux. Elle vient dialoguer ce soir avec Kamel Daoud - journaliste, auteur de plusieurs récits et d?un premier roman marquant (Meursault, contre-enquête, Actes Sud) - dont on connait la parole courageuse et enlevée.
À lire ? Ece Temelkuran, Comment conduire un pays à sa perte (Du populisme à la dictature), Stock, 2019 - Kamel Daoud, le peintre dévorant sa femme, Stock, 2018.
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