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Maxime Cervulle (Traducteur)Myriam Dennehy (Traducteur)Christophe Jaquet (Traducteur)
EAN : 9782354800802
560 pages
Editions Amsterdam (01/10/2010)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Au début des années 1990, Studs Terkel interroge ses concitoyens sur une question qui leur brûle les lèvres : celle de la race. A travers le prisme de récits et de confessions qui se font écho, du prêtre blanc rebelle à la petite frappe, du propriétaire d'un pavillon de banlieue à un ex-syndicaliste au chômage, d'une professeure d'université d'origine cubaine à des couples mixtes, ou encore du neveu du fondateur de l'Apartheid à la mère d'Emmett Till, dont le lyncha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il aura donc fallu vingt ans pour disposer de la traduction de cet extraordinaire recueil d'histoires orales. Par ces multiples récits, se construit un très large panorama de la racialisation des rapports sociaux aux États-Unis.

Les discours se croisent et se complètent. Les actrices et les acteurs ne taisent pas leurs propres évolutions, résistances ou laissé-aller. Se dessine aussi une certaine mise en histoire, avec des luttes, des actions, des organisations, des avancées déségrégatives, des reculs avec l'ère Reagan et les développements de la crise économique depuis le milieu des années 70.

Il n'y a pas d'un coté des racistes et d'autres qui ne le seraient pas. Comme le beau titre de l'ouvrage le souligne, il s'agit bien d'une obsession et donc d'une construction racialisante ou raciste globale.

L'histoire officielle s'est écrit en blanc, sans Amérindien-ne-s et sans Noir-e-s esclaves. La démocratie des dominant-e-s est intimement liée aux constructions institutionnelles ségrégatives, à la domination religieuse protestante et à la méritocratie individuelle, dans un contexte de faibles services publics, limitant que peu la marchandisation de l'école, la justice, etc.

Les récits montrent la force des préjugés construits et reconstruits en permanence dans le fonctionnement de l'État, les espaces publics, l'école, les territoires, les familles et dans les têtes. Visible et invisible, l'autre est en permanence soustrait à sa complexité, l'individu-e isolé-e de ses relations et insertions sociales. Cette histoire perçue est réduite à une accumulation de faits divers, occultant les fonctionnements et constructions institutionnelles, économiques et sociales.

Une lecture, nous isolant, nous les Européen-ne-s de tels propos reclassés en caricatures, pour nous rassurer, loin de nos bonnes pratiques ou aimables pensées, serait non seulement fausse mais désarmante. Elle nous rendrait incapables de nous opposer, surtout en période de crise, à la construction et invention de boucs-émissaires, des autres trop différents, des autres donnés comme seuls responsables de ce qui nous échappent mais que nous participons à construire.

A lire, faire lire et discuter pour comprendre que le racisme, la racialisation de tout ou partie des relations entre humain-e-s sont une construction sociale mouvante, toujours en recomposition, intime liée aux constructions étatiques et idéologiques indispensables au fonctionnement du mode de production capitaliste. Et, comme toute construction sociale, il est possible de la défaire en la retournant comme un gant au profit de l'auto-émancipation.

La naturalisation des autres, leur essentialisation à la couleur de la peau, au sexe biologique, aux mesures de l'intelligence, à la taille du patrimoine, aux pratiques sexuelles, aux croyances religieuses, etc. ne saurait se résumer à des opinions ou des préjugés.

S'y confronter et donner sens à une véritable égalité concrète et permanente, passe par l'auto-organisation, l'autonomie de mobilisation et de pensée, des groupes sociaux opprimés et déniés en regard d'un modèle illusoire mais très efficace (ici l'homme blanc anglo-saxon, protestant de la classe prétendument moyenne). Les effets des fantasmagories des humains sont des forces concrètes, matérielles qui ne sauraient être circonscrites par de seules dénonciations.

Possible ouvrage en miroir : Pierre Saint-Arnaud : L'invention de la sociologie noire aux États-Unis d'Amérique. Essai en sociologie de la connaissance scientifique (Editions Syllepse et Les Presses de l'Université de Laval, 2003, 591 pages, 43 euros)
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Je tiens tout d'abord à remercier le site Babelio et les éditions Amsterdam pour l'envoi de ce livre, dans le cadre de la masse critique.

Bien que l'auteur de ce livre soit Studs Terkel, il n'a écrit que peu de texte. En fait, ce livre est un recueil de témoignages de plusieurs dizaines de personnes. Ces témoignages tournent tous autour du même thème : la ségrégation et les problèmes raciaux aux Etats-Unis. Studs Terkel ne pose que peu de questions. En réalité, c'est comme si les gens avaient besoin de se livrer, de dire tous ce qu'ils avaient sur le coeur. Chaque témoignage fait plusieurs pages.
Comme vous pouvez l'imaginer, la plupart des gens qui nous racontent leurs histoires sont des Africains-Américains. Ils partagent leur ressenti, leurs expériences plus ou moins douloureuses et leurs visions des choses sur le racisme aux Etats-Unis. Ils parlent du passé, du présent mais aussi du futur, donc ce livre couvre plusieurs décennies ce qui est vraiment très intéressant. Les dates des interviews ne sont pas toujours précisées. Mais, les témoins parlent souvent de personnages historiques comme Martin Luther King, donc on comprend tout de suite quelle époque ils évoquent. On peut donc lire les témoignages de personnes ayant participé à la lutte des droits civiques aux côtés de MLK, ou d'autres qui ont fait partie des Black Panthers, ou même des noirs musulmans qui admiraient Malcolm X. On peut aussi découvrir la colère des gens face aux mesures sociales du président Reagan et c'est vraiment intéressant car cela date seulement des années 80. On a du mal à se dire que certaines des anecdotes racontées se sont déroulées il y a à peine 30 ans...

Même si les Africains-Américains représentent la plus grande partie des témoins, il y a aussi des gens d'autres origines. Il y a par exemple des immigrés et descendants d'immigrés Polonais, Latinos ou Japonais. Concernant ces derniers, on en apprend un peu plus sur leurs conditions de vie pendant la seconde guerre mondiale. On se rend compte que le racisme envers les noirs n'est pas le seul présent aux Etats-Unis. En effet, la haine envers les "Japs" est toujours là. On en apprend aussi un peu plus sur les camps d'internement dans lesquels les Japonais (ou plutôt Américains d'origine japonaise) étaient enfermés lors de la seconde guerre mondiale. Ce livre est donc passionnant, dans le sens où il nous permet d'en apprendre plus sur des événements sombres de l'histoire des Etats-Unis que les livres d'histoire évoquent peu.

Mais le vrai point positif de ce livre, c'est qu'il met en contraste les propos des gens victimes de la ségrégation, et ceux des gens qui l'exercent. En effet, on y trouve des témoignages de blancs, qui n'ont jamais aimé les noirs et qui ne s'en cachent pas. Certaines paroles sont choquantes. Certaines interviews sont dures à lire. Par exemple, je trouve ça tellement horripilant de voir quelqu'un parler des "Nègres" et encenser le Ku Klux Klan. On se demande comment des gens peuvent continuer à penser comme ça. Les "nègres" et les "japs" sont des termes tellement péjoratifs et ils rappellent le terme de "youpin" qui évoque une des périodes les plus horribles de l'histoire moderne... Je ne comprend pas comment on peut encore utiliser ces mots là. Surtout aux Etats-Unis qui sont tout de même une terre d'immigration depuis le XVIIe siècle. Les Américains, (sauf les Indiens d'Amérique), ne doivent pas oublier qu'ils sont tous descendants d'immigrants... Enfin bref, restons dans la chronique!
Dans ce livre, on en apprend aussi sur le racisme de certains noirs Américains envers les juifs ou envers d'autres communautés. En fait, ce livre n'est pas fait pour stigmatiser les blancs, en disant "Tous les blancs sont des racistes, tous les noirs sont des victimes". Non, chacun est libre de se faire sa propre opinion sur ce qu'il lit car tous les points de vue sont représentés.

Certains témoignages sont vraiment touchant. Je ne pourrais pas vous dire le nombre précis de récits qui m'ont mis la larme à l'oeil, mais il y en a eu un certains nombres. J'ai choisi de vous parler du témoignage de Tyrone Mitchell. On le trouve dans le chapitre Lost And Found. En français, cela donnerait Objets trouvés. En fait, dans ce chapitre on peut lire le témoignage de plusieurs noirs Américains qui ont fait partie d'un gang (ou qui en font toujours partie) mais qui cherchent à se racheter et qui à présent veulent juste une vie normale, une femme, des enfants et un travail. Tyrone faisait partie d'un gang étant plus jeune, ils faisaient souvent appel à la violence. C'était sa façon de vivre. Maintenant il a un travail et essaie de parler aux jeunes pour ne pas qu'ils suivent le même chemin que lui. La dernière phrase de cette interview est "C'est trop bon : Tyrone est de retour." Il est de retour. Il est revenu de cette vie de violence et de vices. Il a réussi à sortir de cet enfer et aspire maintenant à une vie tranquille. C'est vraiment touchant de lire des témoignages de ce genre.

En ce qui concerne le style d'écriture, on ne peut pas vraiment en parler car, comme je vous l'ai dit au début de cette chronique, Studs Terkel ne retranscrit pas les interviews à sa façon, il les retranscrit telle quelle. Chaque personne a donc une manière différente de s'exprimer. Certains parlent très correctement, avec un langage très soutenu, d'autres ont eu une moins bonne éducation et utilisent donc un vocabulaire commun, voire même familier. Mais ce n'est pas dérangeant. En fait, cela nous aide à cerner la personne à laquelle on a à faire. En effet, avant chaque témoignage, Studs Terkel nous fait une brève présentation de la personne, mais l'âge ou l'origine n'est pas toujours précisée. C'est au cours de notre lecture que l'on comprend qui est vraiment cette personne.

Quand à la structure de ce livre, elle est plutôt bien pensée. Les témoignages sont regroupés par catégories. Par exemple, un des chapitres se nomme "911". C'est-à-dire que les personnes interrogées sont ou étaient des policiers ou des pompiers. Un autre chapitre concerne l'éducation, un autre se concentre sur l'habitation... le livre est en fait divisé en plusieurs thèmes.

En bref, voici un livre que je vous invite fortement à découvrir. Il est vraiment bien conçu et nous permet d'en apprendre plus sur la société américaine. de plus, vous n'avez pas besoin de le lire d'un trait, car il n'y a pas d'histoires à proprement parler. Vous pouvez lire un témoignage de temps en temps. Donc je pense que tout le monde peut l'apprécier d'une façon différente.
Lien : https://alltimereadings.word..
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Je remercie d'abord Babelio et les éditions Amsterdam pour la lecture de ce livre. Cela m'a donné envie de lire les autres grandes enquêtes de Studs Terkel.


"Race : histoires orales d'une obsession américaine" est un livre de Studs Terkel consacré aux relations raciales aux États-Unis. Il est basé sur une série d'entretiens menés par l'auteur entre les années 60 et le début des années 90.


La plupart des personnes interviewées sont des habitants de Chicago, même si d'autres villes et régions peuvent être évoqués, comme Durnham, en Caroline du Nord. Donc le livre évoque essentiellement les relations raciales à Chicago, une ville du Nord non touchée par la ségrégation sudiste, mais où le racisme prit une forme à la fois plus insidieuse et finalement plus dure.


Si la majorité des intervenants sont des afro-américains, l'auteur s'est aussi intéressé aux autres communautés, blanche, latino et asiatiques (dans leurs diversités); il interroge même deux sud-africains, un noir et un blanc, pour un regard extérieur assez détonnant. Ainsi racistes et victimes du racisme expliquent leur expérience et leur ressenti, donnant un panorama assez complet du problème racial. Il me semblent quand même que les classes moyennes et supérieures sont surreprésentées parmi les intervenants.


Les chapitres du livre son thématiques. Ils abordent toutes les aspects de la vie sociale : l'école, le travail, la rue, le parc, l'amitié, la police, etc... Ainsi on s'aperçoit que la dimension raciale touche tous les domaines, devenant une obsession quotidienne pour les Américains, même pour ceux qui veulent y échapper.


Comme une bonne partie des entretiens datent des années 90, on revient souvent sur certains enjeux de cette période : le rôle de Reagan dans le démantèlement des programmes progressistes des années 60, l'antisémitisme de Louis Farraghan... D'autres thèmes restent permanents : le rôle des gangs et du trafic de drogue, la fuite du centre-ville par les Blancs, une ségrégation quasiment organisée par les autorités municipales de Chicago, la disparition de l'homme noir comme chef de famille, l'abandon des pauvres de la communauté par la classe moyenne noire...


On a donc une vision assez sombre de la situation raciale au début des années 90, même si de nombreux témoins veulent être, de par leur expérience personnelle, optimistes. Certaines même réussissent à être drôles. Je regrette qu'il n'y ait pas une postface, même courte, sur l'actualité de la question raciale.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Il fallait des changements pour les Noirs dans tous les services. Il fallait avoir des contremaîtres noirs, des responsables noirs - tout sauf des patrons (Rires). Dans l'aciérie, pour chaque Blanc, il fallait un Noir.

Les Latinos étaient là : "Dites donc, si vous prenez un Noir, il faut prendre un Latino." Ils se sont pas focalisés sur les Blancs, mais sur le maillon faible : "Si les Noirs montent, on veut monter aussi." J'ait dit : "Écoutez, il vingt contremaîtres blanc et seulement un Noir, et vous protestez contre le seul Noir qui a eu le poste !" Ce n'est pas qu'ils se battaient contre les Noirs, ils se battaient pour la justice, mais final ils se battaient les uns contre les autres.
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Etre noir en Amérique, c’est comme être obligé de porter des chaussures trop petites. Certains s’adaptent. C’est toujours très inconfortable, mais il faut les porter parce que c’est les seules que nous avons. Ça ne veut pas dire qu’on aime ça. Certains en souffrent plus que d’autres. Certains arrivent à ne pas y penser, d’autres non. Quand je vois un Noir docile, un autre militant, je me dis qu’ils ont une chose en commun : des chaussures trop petites.
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Dans une certaine mesure, on est tous racistes. Peut-être pas au point de brûler des croix [comme le faisait le KKK], mais en nous, il y a des attitudes dont on n’a même pas conscience. Je sais que je n’en serai jamais totalement libérée. Je suis tout le temps en train de lutter contre. C’est des choses avec lesquelles on a grandi, toute sa vie. Jamais je n’arriverai au stade où je pourrai m’asseoir à côté d’un Noir sans avoir conscience qu’il est Noir. J’ai toujours peur de dire quelque chose de mal, même avec ceux que j’aime et en qui j’ai confiance.
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À une époque, le travail ne manquait pas pour les cols bleus, pour toutes les tâches manuelles exigeant peu de qualifications : dans la sidérurgie, l’automobile et les usines en général. C’étaient des boulots plutôt bien payés. Avec la restructuration de l’économie, ces emplois ont disparu. Les Noirs ont été frappés particulièrement durement. Les usines qui ont fermé sont celles qui fournissaient aux quartiers noirs l’essentiel de leurs emplois. Les Noirs n’ont pas la même liberté de se déplacer vers les nouveaux bassins d’emplois, à cause de leur difficulté à entrer sur le marché du logement.
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Aujourd’hui, dans beaucoup de nos banlieues, quand un Noir marche dans la rue à une heure tardive, ça provoque généralement une réponse des policiers. Une voiture de police le suit et garde un œil sur lui. Même s’il porte un attaché-case. Il est absurde de nier que la race joue un rôle. Demandez à n’importe quel homme noir ce qu’il ressent quand il va dans un parking la nuit. Par sa seule présence, il suscite la peur. Imaginez ce que cela peut faire de marcher dans la rue et, du seul fait d’être là, de susciter la peur.
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