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Je vidai consciencieusement mon verre de rouge, d'abord indifférent au spectacle qui s'offrait à moi. Mon plus jeune neveu, sept ans, s'amusait à tuer des cow-boy. Un meurtre était plus artistique, et je sortis de ma torpeur. Je l'interrogeai donc sur les possibilités qu'offrait ce jeu vidéo-ludique et il me fit quelques démonstrations. Cela commença par un vieux beauf obèse qui, désireux de faire les poches de notre héros, lui offrit l'hospitalité. Je ne sauvegarde jamais ce moment, comme ça je peux recommencer, m'avoua-t-il innocemment et, enfin, j'eus l'espoir que sa naissance n'était pas si accidentelle. Il y a peut-être quelque chose à faire avec ce gosse… Enfin, l'obèse pria sa gonzesse de se dépêcher, ils avaient faim, et mon neveu dont la jeunesse lui épargne la frilosité de nos contemporains si peu virils, n'eut pas sa patience. Il lui trancha la gorge. Admiratif, je lui demandai s'il y avait des possibilités de démembrements, de nécrophilie ou d'un autre divertissement passé de mode. Oui, me répondit-il, mais faut d'abord tuer ce fils de pute. Outré par ce langage dont ma famille n'est pourtant pas usagère, je me promis de lui remonter les bretelles, mais je lui demandai avant tout de mettre pause, j'avais un besoin impérieux d'alcool. Cela m'arrive souvent lorsque je suis en transe. De retour près de ce futur Jeffrey Dahmer - j'espère qu'il aura au moins l'obligeance de ne pas s'adonner à la sodomie passive avant ses oeuvres - je le priai, fébrilement, de continuer. Il avait eu le temps de réfléchir, ce con, et il le ligota. Il délesta le gros de ses pieds, puis de sa jambe gauche, et ainsi de suite. Ne me tenant plus, je le suppliai d'en finir et de découper sa tête de bandit. Non, avant il faut faire ça. Il fit reculer son personnage, lança une sorte de cocktail molotov, et quitta la maison. Notre héros fit les cent pas devant la baraque, puis le feu éteint, y entra à nouveau. Regarde, il n'a plus ses cheveux. Nous rîmes de concert et il lui trancha la tête. Enfin ! quelle bonne matinée. Je mis mon béret et saluai mon neveu, prêt à affronter la ville. Je me substantai d'un burger Raclette au KFC et le sourire niais de la serveuse devint presque supportable, il me fallait simplement l'imaginer sous forme électronique ; la manette dans les mains de mon petit Jeffrey. Je pris ensuite la direction du bistro le plus proche et y vidait une demi-douzaine de pintes. Las, je m'aperçus que le bonheur provoqué par ces crimes virtuels était semblable aux autres, il creva au bout de quelques petites heures. J'ouvris mon sac-à-dos, véritable bibliothèque, mais rien ne m'apparut digne d'intérêt. Deux Bukowski me firent de l'oeil mais sa misanthropie vaine, cela faisait une paye qu'elle ne m'attirait plus. Où avais-je foutu ce putain de Selby (Le démon), je n'en avais aucune idée. Je sortis donc tous les ouvrages de mon sac et les étalai sur le comptoir. le patron me regarda d'un drôle d'air. Et voilà, j'avais enfin le livre qu'il me fallait : I am a vampire. Le type qui a écrit ce bouquin est un drôle de zigue. Une sorte de Jean-Louis Costes mêlé à cet introuvable Selby. Il faut dire que la littérature contemporaine est gerbante. Entre les mornes plaintes des puceaus du seizième, qui ne sont lus que sur Twitter, et les vieilles folles qui racontent comment faire un pipe à papa, on se dit qu'on a perdu du temps (déjà) à l'école primaire. A rien ne sert de bouquiner dans ces conditions ; autant bouffer des pommes de terre à Tchernobyl. Si ce livre est bandant, c'est parce qu'il ne ressemble à rien. Ni littérature « blanche » (donc pas d'extase imbécile sur cette autoroute que l'on prenait pour les vacances), ni « polar » (donc pas de vieux flic désabusé affublé d'un jeune premier qui résolvent en une semaine l'affaire la plus tirée par les cheveux qui soit), ni littérature de « l'imaginaire » (donc pas de scénario de cinoche bâclé). Ternaux se moque de tout et il le fait avec panache. C'est de la littérature de gare. Et c'est la meilleure, quand elle est ainsi pratiquée par un véritable styliste. Mais en notre époque de nyctalopes décérébrés, la plus mauvaise des littératures est considérée comme la seule qui vaille. Dans quelques jours le navrant Beigbeder sera dans toutes les mains.Ternaux dans les bonnes. + Lire la suite |