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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel livre !
Sans doute le plus beau de la magnifique collection "Texte et images" des Éditions Guérin, cette série d'ouvrages reconnaissables au premier coup d'oeil dans une bibliothèque par leur format carré et leur flamboyante couleur, ces livres "rouges comme les chaussettes et les pulls portés par les montagnards de mon enfance" dit Michel Guérin, le fondateur des éditions du même nom.
Ouvrir les conquérants de l'inutile, c'est l'assurance d'embarquer pour un incroyable voyage. C'est, pour le passionné d'alpinisme, l'occasion de voir ou revoir la vie de ce géant qu'était Lionel Terray ; c'est aussi, pour le lecteur moins averti, la possibilité de comprendre ce qu'est la passion de la montagne.
Les personnes extérieures au milieu montagnard ont souvent beaucoup de mal à comprendre ces hommes (et ces femmes) prêts, semble-t-il, à prendre tous les risques. Lionel Terray nous fait bien ressentir dans son livre que ce qui l'anime, comme d'autres, ce n'est pas un goût morbide du danger, mais une envie d'aventure, d'absolu, de confrontation pure avec la nature, un désir fou de se trouver en allant puiser au plus profond de ses forces physiques et mentales.
Lionel Terray était un puriste, pour qui la qualité d'une ascension, son intérêt technique, les émotions partagées avec ses compagnons de cordée primait sur tout, même sur une victoire prestigieuse. À son retour victorieux du Makalu, il semble paradoxalement presque déçu : l'affaire a été trop simple ! Il écrit à ce sujet "La victoire doit se payer à son prix d'efforts et de souffrances. Les progrès de la technique et la clémence du ciel ne nous ont pas donné celle-ci à sa juste valeur. Comme elle est loin de moi l'ivresse orgueilleuse que j'ai parfois connue, lorsque, après une lutte où j'avais mis toutes mes forces et tout mon coeur, d'un dernier coup de rein je me dressais sur un sommet plus modeste."
Lionel Terray ne cherchait pas la gloire, la performance statistique ou la célébrité ; il cherchait à vivre des expériences humainement et sportivement enrichissantes. Et son livre nous montre à quel point il a réussi à vivre sa vie comme il l'entendait. Quelle richesse, quelle variété ! Il a grimpé un peu partout dans le monde, sur les plus beaux sommets, avec de multiples compagnons d'aventure. À commencer par Louis Lachenal avec qui il forma une cordée exceptionnelle.
Le récit qu'il fait de leur ascension de la face nord de l'Eiger est saisissant. Ce sommet redoutable pour lequel tant d'hommes ont péri, Terray et Lachenal l'ont brillamment gravi. Le chapitre qui est consacré à cette terrible paroi, surnommée "Eigerwand" (le mur de l'Eiger), est particulièrement saisissant. Terray raconte tout l'historique des différentes tentatives, sa propre aventure, ainsi qu'un récit de sauvetage terriblement émouvant auquel il a participé.
Il relate dans un chapitre très touchant un grand nombre d'anecdotes qu'il a vécues dans l'exercice de son métier de guide. Un métier qu'il a exercé avec passion, et dont il parle, comme Gaston Rébuffat, avec ferveur : "Donner à un homme la joie d'escalader une cime que, sans nous, il ne pourrait atteindre, m'a toujours paru être une oeuvre de création, une réalisation tangible, et j'en éprouve le même plaisir qu'un artisan à réaliser un travail qu'il aime, voire un artiste à produire un chef-d'oeuvre."
Naturellement, une grande partie est consacrée à la conquête de l'Annapurna par l'expédition française conduite par Maurice Herzog. Là, Lionel Terray nous emporte dans l'aventure, et nous fait revivre toutes les péripéties de cette extraordinaire épopée. C'est très bien écrit, et bien plus intéressant que le récit très "moi-je, moi-je" qu'Herzog en a fait dans son livre "Annapurna, premier 8000". Terray est loin de se mettre en avant, et pourtant, il a joué un rôle capital, même si ce n'est pas lui qui est allé au sommet. Il s'est dévoué dans diverses tâches pour la réussite de l'équipe (portage de matériel, installation de camps), et surtout, avec Gaston Rébuffat, il a secouru les deux vainqueurs Herzog et Lachenal lors de leur descente. Les deux héros seraient morts sans leurs sauveteurs, mais Terray reste très modeste à ce sujet.
Ces semaines hors du temps, remplies d'émotions fortes, sont restées gravées à jamais dans la mémoire de l'auteur : "Que vaut ma vie entière de platitude et de médiocrité auprès de ces heures d'action totale et de bonheur parfait ?"
Dans ces conditions, le retour à la vie ordinaire est forcément difficile : "Un jour ce fut la première route, le premier camion. Accablé de tristesse, je compris alors que la page était tournée. À nouveau il fallait affronter le monde. La grande aventure était terminée."
L'auteur conclut son livre en disant : "Si vraiment aucune pierre, aucun sérac, aucune crevasse ne m'attend quelque part dans le monde pour arrêter ma course, un jour viendra où, vieux et las, je saurai trouver la paix parmi les animaux et les fleurs. Le cercle sera fermé, enfin je serai le simple pâtre qu'enfant je rêvais de devenir..." Lionel Terray ne connaîtra pas cette vie paisible dont il parle : en 1965, il fait une chute mortelle dans le Vercors.
Pour terminer, j'ai envie de faire une petite réflexion sur le titre, magnifique, de ce livre.
Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une réponse à ce que Terray père avait dit lorsque Lionel était jeune : "Il faut être complètement crétin pour s'esquinter à grimper une montagne, au risque de se rompre le cou, alors qu'il n'y a même pas un billet de 100 francs à ramasser au sommet." Grimper une montagne est sûrement inutile si l'on ne voit que l'aspect rentabilité financière, mais comme c'est dommage de ne voir que cela ! Après la lecture de ce livre éblouissant, il faudrait être bien insensible pour ne pas être convaincu du contraire.
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Autant que ses dons de grimpeur, Lionel Terray sait raconter, sa jeunesse de mauvais garçon, son manque de confiance vaincu par les petites victoires et les hasards de rencontre, la vie de famille pas facile à combiner avec celle de guide de montagne, son émerveillement pour les sommets, sa découverte du Canada, son amour du Népal.

Il sait trop bien partager ses frayeurs, chutes de pierres, avalanches avec un côté que j'ai trouvé indécent, côtoyant volontairement la mort dans des passages qu'il sait sans assistance et sans retour possible.

Lucide, il souligne l'inutilité de ces efforts, du froid, de la faim, du manque de sommeil et cinq années plus tard, dans le Vercors, une chute mettra malheureusement fin à la vie de ce merveilleux conteur.
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Lionel Terray, ce très grand alpiniste, ce guide d'exception a une chose en plus, c'est un écrivain. Déjà le titre de son livre est une réelle question philosophique. Conquérir l'inutile ! le mot conquérant fait penser à une sorte d'action militaire, à de la bravoure au combat. Mais vouloir conquérir ce qui a première vue ne sert à rien ni a personne, conquérir ce qui est vain, voilà bien une question, surtout s'il faut mettre sa vie dans la balance. Risquer son existence pour un acte inutile? Ah oui, la gloire, ce mirage! Cela fait penser à Napoléon qui envoyait ses soldats affronter la mitraille, les boulets de canon, les baïonnettes, avec cette promesse: au bout vous aurez la gloire. Qui se souvient des soldats morts à Eylau ou Borodino? Lionel Terray a conquis une forme de gloire, une grande renommée et cela fait penser à cette question posée par Homère dès le début de l'Iliade. Faut il préférer une vie courte et glorieuse ou bien une vie longue et heureuse qui se dissout au final dans l'anonymat. Bien de grands alpinistes, connus de leurs temps, se dissolvent peu à peu dans l'oubli au fil des années qui passent. Ce n'est pas le cas de Lionel Terray. Pourquoi? Parce que c'est aussi un écrivain, un homme qui aime lire. Achille ne survit dans la gloire uniquement grâce aux chants d' Homère. Sans cette oeuvre monumentale qu'est l'Iliade et l'Odyssée, qui se souviendrait des héros qui ont conquis Troie par les armes et la ruse? On se souviendra de Lionel Terray par ses mots et le titre de son ouvrage: "les conquérants de l'inutile". Lire son livre est un réel plaisir. Tous ses récits d'ascensions sont très bien écrits. Sa plume est fluide et intense. Un livre que je conseille pour tous les passionnés d'aventures. Peu importe que ce soit en montagne, en mer, dans les déserts ou les glaces des pôles, Terray c'est une réelle philosophie de la vie.
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J'aurai adoré pouvoir mettre une sixième étoile tant j'ai aimé ce livre duquel transpire tout l'amour que Terray portait aux Montagnes du monde entier, toute l'humilité d'un homme extraordinaire face à chaque cime, l'amitié sincère et la solidarité sans faille.
A lire absolument surtout si on aime les grands espaces et le récit d'une passion qui guide une vie.
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Je remercie les Babeliotes qui créent des listes de livres et donnent ainsi des envies de lectures. C'est grâce aux listes taggées « montagnes » que je me régale de récits d'aventures sans bouger de chez moi. Ce que j'aime dans les récit de montagnes, c'est le voyage, le dépaysement – et j'aime les histoires qui finissent (relativement) bien, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas en montagne. J'aime aussi découvrir ce nouveau vocabulaire, technique, propre à l'escalade, qui m'ouvre sur un autre monde.

Je me suis donc lancée dans les 576 pages des « Conquérants de l'inutile » de Lionel Terray, alpiniste et guide de montagne français connu, qui a entre autres participé à la célèbre expédition victorieuse de l'Annapurna avec Maurice Herzog en 1950. La lecture a été à la hauteur de mes attentes : un enchaînement de courses en montagne (de 1940 à 1960), racontées avec détails et la découverte d'une belle personnalité, courageuse, loyale en amitié et prête à porter secours aux alpinistes accidentés.

Un livre qui mérite sa réputation d'incontournable de la littérature de montagne.

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C'est un livre inoubliable que je viens de refermer la larme à l'oeil, tellement cette rencontre fut magnifique.

Lionel Terray nous offre un témoignage où transparait la beauté, la joie et l'émotion d'un homme voué à sa passion pour la montagne et l'alpinisme. Après une première partie sur sa jeunesse et son éducation peu banales, le lecteur est invité à le suivre avec son grand ami Lachenal, aussi exceptionnel que lui, dans leurs plus mémorables courses sur des parois mythiques. Chacune est une aventure à couper le souffle où le danger et l'enthousiasme se côtoient à chaque ligne. Dans la dernière partie, Lionel Terray "prend de la hauteur" et raconte plus brièvement d'autres expéditions hors norme avec un recul teinté de sagesse. Tout est juste, humble, animé par une force incontrôlable, cette envie, ce besoin d'y retourner à chaque fois, aussi souvent que possible.

L'écriture de Lionel Terray est superbe, à la fois poétique, précise et limpide. Il ne se gêne pas pour se tourner en dérision mais reste toujours bienveillant, avec lui comme avec les autres... C'est la première fois que je ressens ça de façon aussi évidente, mais j'aurais adoré rencontrer cet homme aussi simple qu'extraordinaire !
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Terray...j'entendis ce nom pour la première fois sur les ondes alors que je me rendais de Grenoble en Savoie avec ma mère conduisant notre vielle 403.
Je n'avais que 9 ans et l'on racontait qu'un grand alpiniste venait de mourir lors de l'ascension des aiguilles du Gerbier, dans la chaîne du Vercors. Sommet dont je pouvais apercevoir les contours en regardant au travers de la fenêtre de notre cuisine.
La montagne avait eu raison de lui, l'avais pris en traître lors d'une banale ascension comparée à son palmarès de toutes les années qui avaient précédé.
44 ans, est-ce un âge trop avancé pour s'adonner à la passion de toute une vie?
4 ans auparavant, il en parlait dans cet ouvrage magnifique. Pourtant, deux plus tard, en 62, il accomplira l'escalade du Janus, ultime défi d'une difficulté extrême et l'ayant laissé sur sa faim lorsqu'il conclut l'ouvrage.
Alpiniste paysan, issu d'une famille de notables, marié à une institutrice, il renoncera aux études pour l'amour du rocher. Il s'improvisera avec succès, éleveur dans les alpages pour compléter les revenus de son épouse dans une période de grande incertitude. Les évènements de 1940 ne semblent pas l'atteindre dans ses montagnes élevées en citadelle. Les circonstances feront de lui un résistant puis un combattant des troupes alpines, tout naturellement, sans volonté apparente.
Il évoque dans cet ouvrage sa rencontre avec les plus grands précurseurs de l'alpinisme moderne, Herzog, Lachenal, Rebuffat et d'autres mais il nous livre dans le détail les épisodes de la fameuse ascension de l'Annapurna en 1950, la vie des sherpas capables de porter des charges incroyables malgré leur aspect chétif. Indépendamment de la montagne, Il se passionne également pour le Pérou et son peuple,
Lionel TERRAY se révèle être un "intellectuel de la montagne" et surtout un grand écrivain qui n'aura pas eu le temps de nous laisser d'autres témoignages. Dommage ...
Pour compléter ce récit: voir la vidéo très bien faite de Yannick GRAZIANI et Stéphane BENOIST retraçant leur récente ascension de l'Annapurna.
Et surtout, toujours en vidéo, le témoignage émouvant du dernier survivant de la première ascension de l'Annapurna décrite dans ce livre, Francis de Noyelle, mort à 97 ans en 2017.
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Magnifique ouvrage d'un grand alpiniste français. de splendides ascensions, de terribles vérités. A lire. de toutes façons, dès que l'on a commencé on ne peut plus s'arrêter.
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Un grand classique des récits de montagne qui figure dans la liste des 100 plus grands livres d'aventures de tous les temps selon la National Geographic Society.

Lionel Terray est une grande figure de l'histoire chamoniarde pour ses exploits ainsi que pour sa personalité attachante et modeste. Ayant bénéficié d'une "bonne éducation" pour le milieu des guides de haute montagne à cette époque et avec son talent d'écriture assez naturel, Lionel Terray nous livre ici une autobiographie particulièrement attachante, qui nous plonge dans le monde de l'alpinisme, pour le meilleur et pour le pire.
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A lire absolument… Pour la montagne, pour Terray mais aussi pour l'écriture (même si, parait-il, Lionel Terray a été aidé) …
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