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Citations sur Agent Kovacs : Mort blanche (7)

Je laisse mon regard glisser d'image en image en essayant de les examiner comme si elles appartenaient à un patient fictif, et non pas à une femme de 32 ans qui a déjà perdu le contrôle de la moitié de son corps. Mais malgré tous mes efforts, j'ai le plus grand mal à cacher mes émotions.
– Elle souffre aussi un traumatisme crânien ?
– Oui… Elle est dans le coma.
– Elle ne portait pas de casque ?
– Si, elle en avait un. Ce qui te donne une bonne indication de la violence du choc qu'elle a reçu. Sans casque, elle serait probablement morte sur le coup.
Je reste sans voix.
Les secouristes d'unités aériennes n'utilisent pas n'importe quels casques. Ils utilisent des casques en Kevlar, spécialement conçus pour les protéger dans des situations extrêmes : crash, chutes, impacts… J'ose à peine imaginer ce que la victime a dû ressentir.
– Tu vois cette zone ? Juste là ?
Sven pose son index sur l'un des clichés. Sur la partie gauche du cerveau de Sarah McKinley.
– C'est la zone d'impact ?
– Oui. On l'a étudiée millimètre par millimètre et la seule chose qu'on ait trouvée est une fracture linéaire de l'os frontal, juste au-dessous de la ligne temporale.
Je suis du regard la fine ligne blanche qu'il me montre.
– Pas d'enfoncement avec éclats, pas d'hémorragie cérébrale… Ce qui est plutôt bon signe… Avec un peu de chance, le coma dans lequel Sarah McKinley se trouve actuellement n'est qu'une réaction d'auto-préservation naturelle du cerveau et elle ne souffrira d'aucune séquelle physique et/ou mentale à son réveil, sauf peut-être de façon temporaire. Dans le pire des cas, en revanche, elle risque d'être sérieusement handicapée par cette blessure, en plus de celle de la colonne vertébrale… Ou de ne jamais reprendre connaissance.
– Vous pensez que c'est seulement l'hémisphère gauche de son cerveau qui a été touché ?
– Autant qu'on puisse l'établir à ce stade, oui.
– On parle donc de problèmes possibles touchant l'expression verbale, le comportement, la personnalité, les émotions, la concentration…
– Oui. Même si, encore une fois, je suis plutôt opti-miste de ce côté-là. En raison du type de fracture et du fait qu'elle portait un casque spécialement étudié pour ce genre de choc, je dirais qu'elle a une chance sur deux de s'en sortir indemne côté fonctions cérébrales. Si elle reprend bien sûr connaissance…
– Elle en est à combien sur l'échelle de Glasgow ?
Sven se replonge dans ses notes et je retiens mon souffle.
Sur l'échelle en question qui permet de quantifier la gravité d'un état comateux, un score de 15, le maximum, indique que tout va bien. Un score inférieur à 7 que le patient ne peut pas respirer par ses propres moyens et doit être intubé. Et un score inférieur à 3 qu'il passera probablement le reste de sa vie dans un état végétatif.
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– J'aimerais passer voir la victime avant de prendre la route, même si elle est inconsciente… Tu n'y vois pas d'objection ?
– Non. Aucune. Elle est en salle de soins intensifs. Dernier lit au fond à droite. Montre juste ta plaque aux infirmières de service et si jamais il y a le moindre problème, dis-leur de m'appeler pour que je confirme qui tu es. Je suis de garde jusqu'à demain midi.
Je jette un dernier coup d'œil sur la série de clichés encore accrochés devant moi, en réalisant soudain que je viens d'observer dans ses moindres détails la partie la plus secrète d'une personne, sans même savoir à quoi ressemble son visage.

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Au fond de moi, je pense qu'elle va sortir du coma dans les heures ou dans les jours qui viennent sans la moindre séquelle, ou avec des séquelles minimales, temporaires, et qu'on pourra la transférer au plus vite dans un service de neurologie spécialisé dans les lésions médullaires. Mais je ne sais pas si c'est vraiment un pronostic objectif ou une sorte de souhait un peu irrationnel…
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– Sarah McKinley souffre d'une double fracture lombaire avec déplacement de vertèbres. La vertèbre L4 a littéralement explosé sous le choc et les L2 et L3 ont glissé latéralement pour compenser, sectionnant la moelle épinière. Avec une fracture de ce type, à ce niveau, on parle bien sûr de paraplégie totale, sans aucune sensation ou mouvement possible dans les membres inférieurs, mais avec la possibilité d'avoir des terminaisons nerveuses encore valides au dessus des hanches. Dans l'univers des blessures de la moelle épinière, c'est loin d'être le pire des scénarios. Même si le patient n'a aucune chance de remarcher un jour, il garde le contrôle de la partie supérieure de son corps – bras, mains, système respiratoire, muscles abdominaux, etc. –, ce qui limite les risques de complications et permet une qualité de vie bien supérieure à celle d'un paraplégique souffrant d'une fracture à un niveau plus élevé. Tout étant bien sûr relatif, surtout quand on parle de quelqu'un qui a dû passer une bonne partie de sa vie à faire des activités physiques extrêmes, pour son métier et j'imagine aussi pour son plaisir.
Il me laisse quelques instants pour bien enregistrer les informations affichées devant moi : les fragments d'os, les vertèbres déplacées… Et alors que je commence à sentir un mélange de colère et de dégoût monter en moi devant un tel gâchis, Sven décroche la série de clichés radiographiques et la remplace par une série de planches IRM représentant différentes vues de cerveau humain, prises en coupe.
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– J'imagine que tu veux un compte rendu détaillé des blessures dont souffre Sarah McKinley, c'est bien ça ?
– Oui. Si tu peux. Si tu as le temps.
– Pas de problème.
Petersen attrape un dossier posé sur son bureau et reprend, les yeux fixés sur moi.
– Vous pensez qu'il ne s'agissait pas d'un accident ?
– Je ne sais pas. On n'a pour l'instant que très peu de détails. C'est pour ça que j'aimerais avoir un maximum d'informations sur son état de santé avant de me rendre à Whistler.
Il secoue la tête et éteint les néons du plafond en soupirant, avant d'accrocher une série de clichés radiographiques sur un négatoscope.
– Parce qu'entre nous, si jamais ce qui lui est arrivé est la faute de quelqu'un, j'espère que la personne en question aura du mal à dormir pendant un bon moment… Il allume les panneaux de Plexiglas et quand la lumière se glisse à travers la fine couche plastique, je ne peux m'empêcher de soupirer à mon tour. Parce que ce qu'il y a maintenant devant moi montre de façon irréfutable la colonne vertébrale de quelqu'un qui ne remarchera jamais.
– OK…
Sven se plante devant le premier cliché : une vue d'ensemble du dos de Sarah McKinley sur laquelle une fracture lombaire est clairement visible.
– J'imagine que tu sais déjà ce que je vais dire ?
J'acquiesce, les mots soudain coincés au fond de ma gorge.
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– Affirmatif. Ils ont été évacués par une autre patrouille de secouristes, par voie terrestre, environ une heure après la tentative d'hélitreuillage ratée. Et ils sont tous les trois indemnes.
– Ils n'ont absolument rien ?
– Que dalle. Pas une égratignure. L'un d'entre eux souffrait d'hypothermie relativement avancée mais c'est tout. Par mesure de précaution, ils vont tous les trois passer la nuit en observation au centre médical de Whistler et on devrait pouvoir les interroger demain matin à la première heure.
Je regarde ma montre – 19:37 – et j'essaie d'organiser au mieux les choses, en prenant en compte les deux heures de route qui séparent Vancouver et Whistler.
– Tu sais qui s'est occupé de la victime à son arrivée au St Paul's ?
– Oui. C'est Petersen qui était de service. J'ai réussi à l'avoir deux secondes au téléphone, juste avant de t'appeler, et il m'a dit que tu pouvais passer le voir aux urgences si tu le souhaitais.
– Il ne t'a rien dit d'autre ?
– Non. Il était speedé comme pas possible. Aux bruits qu'il y avait en arrière-plan, je dirais qu'il était encore en train de s'occuper de la secouriste quand je lui ai téléphoné. Tu veux que je le rappelle, pour avoir plus de détails ?
– Non. Je vais y aller direct. J'aimerais qu'on ait le maximum d'informations sur la victime avant de s'attaquer aux témoignages des différentes personnes impliquées dans l'accident.
– Tu veux qu'on parte tous les quatre à Whistler ce soir ?
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cette planète avec les deux êtres qui comptent le plus pour moi. Dans ma tête. En repensant à des moments heureux qu'on a passés ensemble.
Comme avant. Avant que mon corps ne vienne s'écraser contre une paroi rocheuse, dans un bruit d'os et de cartilages qui explosent. 
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