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EAN : 9789523403499
220 pages
Atramenta (26/11/2018)
5/5   2 notes
Résumé :
Le carburant préféré d'un auteur est sa mémoire, l'introspection est son terreau et la page blanche son jardin. La nouvelle et la chronique se frôlent sans cesse, la différence entre une histoire imaginaire presque vécue et un souvenir teinté de sépia est bien mince. Les brouillards du Rhône contient des nouvelles sombres, d'autres moins, des hommages au polar et à ses maîtres comme James Cain, Jim Thompson et Frédéric Dard, une réflexion sur la création littéraire ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je découvre Dominique Terrier avec ce recueil de nouvelles. Il est déjà l'auteur d'un roman Tuez moi demain publié aux éditions Les carnets à spirale. J'ai beaucoup aimé son style d'écriture, incisif, imagé, direct. Il ne prend pas de gants pour expliquer les choses, il les dépeint avec beaucoup de justesse, sans enjoliver.

Lire des nouvelles est toujours un exercice particulier. Il y a mes adeptes de la lecture dans le désordre, ou encore d'en lire une de temps en temps. Moi, je préfère tout lire en même temps et dans l'ordre où l'auteur nous les propose. Je me dis toujours qu'il a plus ou moins fait un ordre dans la rédaction. Autant, les premières auraient pu se lire indépendamment, autant certaines sont à lire ensemble. Il a même créé au sein d'une même nouvelle, plein d'autres, comme s'il y avait des chapitres. Ces grosses nouvelles ont une trame et suivent une suite logique.

Dans les premières histoires plus indépendantes, l'auteur nous brosse le portrait d'hommes ou de femmes, où les uns trompent les autres, où il est question également de voyous, de bandits, une sorte de satyre sociale des rapports humains. le ton est très vif, emprunt d'humour avec une pointe d'argot qui n'est pas sans rappeler le style de Michel Audiard, n'hésitant pas à le citer comme cette phrase que j'ai relevée et qui me fait sourire à chaque fois : « Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche ». J'ai eu d'ailleurs plus d'une fois l'impression d'entendre la voix de Bernard Blier pour nous raconter les scènes. Dominique Terrier n'hésite pas d'ailleurs à citer le grand cinéaste.
Certaines nouvelles sont très courtes, un peu moins d'une page. D'autres sont au contraire plus longues. Par exemple, dans This is the end, on trouve un style d'écriture très haché, avec des phrases ne comportant parfois qu'un seul mot. La globalité de l'histoire est coupée en plusieurs nouvelles qui ont des titres de chanson. L'auteur emploie d'ailleurs un style très musical, n'hésitant pas à mettre des extraits de chanson.
Dans Mon clavier s'appelle Christian, il nous conte l'histoire d'un écrivain, son histoire peut-être, qui écrit tous les jours sur son ordinateur dont le clavier est prénommé Christian. Il donne avec beaucoup de modestie des conseils d'écriture, parle des sources d'inspiration, il fait également mention de son premier roman. Il parle également de la lecture, sur liseuse qui l'avait éloigné un temps du livre papier. Il nous explique par exemple qu'il est plus adepte de la forme que du fond d'un écrit, où il nous complète une citation de Michel Audiard en disant : «  Ce n'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut s'arrêter d'écrire » Il nous explique également qu'à contrario de ce qui est tout le temps dit qu'il ne faut pas raconter sa vie, lui pense que justement il faut la raconter et la retranscrire car c'est le meilleur sujet que l'on connait. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle où on voit l'envers du décor d'un écrivain. Je retiendrai un de des nombreux conseils, qui dit qu'il faut aimer la lecture pour aimer l'écriture, qu'il faut aussi être curieux et que si on a ces deux ingrédients on a forcément de l'imagination….la recette d'un bon écrivain en quelque sorte…
J'ai également beaucoup aimé les deux dernières grosses nouvelles, où il nous parle plus intimement de lui. Dans Quand j'étais gone il nous parle de son enfance à Lyon, à l'école primaire puis au collège, avec sa grand-mère pu aux boules avec son grand-père, ses promenades au parc de la Tête d'Or, de ses jeudis sans école où il allait au cinéma, de ses vacances en Aveyron, du catéchisme, de ses débuts en apprentissage. Il ponctue le tout avec des anecdotes, des spécialités culinaires ou autres de cette ville. Et il parle aussi des émissions et feuilletons télévisés qui ont bercé son enfance. J'ai retrouvé alors mes propres souvenirs avec Skippy, Mannix ou encore Les Envahisseurs. Je ne suis pas Lyonnaise d'origine, mais j'ai eu l'occasion déjà de me promener dans Lyon et j'ai retrouvé certains endroits, certains restaurants et spécialités.
Ensuite, il continue de brosser son parcours dans les Mémoires d'un prolétaire en nous parlant de sa vie adulte, marié avec des enfants, habitant la campagne et devant faire des kilomètres pour aller à son travail. Il parle d'ailleurs beaucoup de celui-ci qui se fait à l'usine, à la chaine. Il raconte son implication dans le syndicalisme pour faire bouger les choses. Et en même temps situe cet engagement dans le contexte politique du pays, avec l'arrivée du socialisme, l'espoir que cela a créé, les désillusions également, les périodes de cohabitation, les meetings de syndicats où il a pu rencontrer Georges Marchais. Il a déjà l'âme d'un écrivain et il allie ces deux notions en publiant au sein de son entreprise un petit journal, le Pélican, où il parle de toutes ses actions. On le quitte environ à ses quarante ans. J'ai travaillé en usine et j'ai retrouvé certaines préoccupations qu'étaient les miennes à cette époque là.
J'ai beaucoup aimé ces nouvelles, où je me suis sentie très proche de l'auteur. En plus, il a employé la première personne du singulier pour raconter. Ce « je » permet de rentrer encore plus dans la tête de l'auteur et d'être au plus près de ses pensées, un sentiment de profonde intimité avec ses ressentis. le style n'est pas le même par rapport aux autres nouvelles, il y a moins d'argot, il est beaucoup plus « littéraire » et moins parler. J'ai apprécié cette faculté qu'a l'auteur de différencier son écriture selon ce qu'il veut raconter.

Pour conclure, j'ai passé un très bon moment de lecture avec toute la multitude de personnages et d'univers que l'auteur nous invite à visiter. Des moments distrayants mais également très enrichissants et intimistes. J'espère ne pas avoir été trop bavarde et surtout vous avoir donné envie de découvrir ces nouvelles et Dominique Terrier à l'occasion. Pour ma part, ce sera un grand plaisir pour moi de le découvrir dans son roman Tuez moi demain qui est annoncé comme un polar inspiré d'authentiques faits réels et dont le titre est un programme à lui seul… de quoi mettre l'eau à la bouche…
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Dominique Terrier nous propose 340 pages de nouvelles, courtes, voire très courtes, qui selon ses propres termes vont du noir foncé au rose bonbon.
C'est d'ailleurs par du très sombre que le recueil débute. Une succession de petites histoires dans le style série noire à l'américaine. Avec quelques représentantes du beau sexe, la femme «l'avenir de l'homme» selon Aragon, mais un avenir peu radieux, entre quatre murs voire quelques planches. Des belles à pourrir la vie d'un honnête truand.
Heureusement, par un sourire, la belle peut illuminer la première journée de liberté d'un taulard.
Malgré la noirceur de certains textes, le style est imagé, empreint d'un humour à la Audiard dont Dominique Terrier nous a déjà gratifiés dans «Tuez-moi demain», son petit bijou de polar humoristique.

Après cet hommage au polar et ses femmes fatales, parfaitement compréhensible pour un auteur dont le livre de chevet du genre est «Le facteur sonne toujours deux fois», les nouvelles suivantes s'inspirent fortement du vécu de l'écrivain: Son rapport à l'écriture, son enfance, son parcours professionnel.
S'ensuivent de belles pages qui m'ont ramené des années en arrière - j'ai quasiment le même âge que l'auteur – certaines me parlant plus particulièrement.

Je ne m'attarde pas sur les nouvelles dont le titre rappelle une chanson ou un album, avec parmi elles un bien bel hommage au grand Miles Davis, et d'autres plus surprenantes où j'ai eu du mal à suivre la pensée de l'auteur, avec l'impression de lire un texte quelque peu déjanté.

Plus poétique, une belle ballade écossaise le long des parcours de golf, au milieu des «Loch», avec un air vivifiant à l'odeur délicatement tourbée qui caresse le visage, des embruns au goût de malt qui titillent les muqueuses, se termine bien évidemment dans ce que l'Ecosse abrite de plus précieux : une distillerie de whisky, mais pas n'importe laquelle, Edradour, la plus petite d'Ecosse.

L'auteur raconte avec beaucoup de tendresse et de nostalgie son enfance dans la cité lyonnaise, lorsqu'encore gone, il accompagne son grand-père sur les pentes de la Croix-Rousse pour y découvrir la boule lyonnaise, dans un de ces clos boulistes qui, s'il en reste, font partie d'un patrimoine régional d'une autre époque.
Il évoque également sa grand-mère, à l'origine de sa passion pour l'humour à force d'écouter sur un électrophone Teppaz des comiques que les moins d'un certain âge, voire d'un âge certain, peuvent difficilement connaître: Fernand Raynaud, Roger-Pierre, Jean-Marc Thibault...
Le Teppaz a disparu, mais le 45 tours avec «Deux croissants» et «Le 22 à Asnières», je l'ai toujours.

L'enfance pour Dominique Terrier c'est également certaines séries télé cultes.
«Le fugitif», qui a scotché toute une population dans l'espoir que le docteur Richard Kimble, «innocente victime d'une justice aveugle», prouve son innocence en attrapant l'ignoble manchot après qui il court désespérément d'épisode en épisode.
«Les envahisseurs», au petit doigt raidi comme unique signe distinctif, que seul David Vincent, perdu sur une route de campagne, a vus débarquer et que bien sûr personne ne croit.
Sans oublier L'amitié entre Sonny, le petit australien, et Skippy son bondissant compagnon.
Quel plaisir de revenir à cet âge d'insouciance et de découverte, avec une seule chaîne ORTF qui représentait des moments de pur bonheur. Je rajouterai pour ma part deux séries qui m'ont marqué de façon différente : «Belphégor» le summum de l'angoisse pour un gamin au début des années soixante, et «Chapeau melon et bottes de cuir» pour la délicieuse Madame Peel.

La dernière partie, moins romantique, raconte le parcours d'un ouvrier qui, fraîchement devenu fraiseur, se retrouve embauché dans la grande famille de l'usine Berliet, devenue RVI, mais toujours Berliet dans les esprits. On a droit à une une visite guidée des ateliers les plus sales et bruyants de cette glorieuse institution de la région lyonnaise, pour laquelle une armée d'anonymes - dont mon paternel - se levait dès potron-minet pour prendre un car dans lequel ils espéraient grappiller quelques minutes de sommeil et rattraper un temps perdu qui ne se rattrape jamais. L'auteur découvre alors le monde syndical et utilise ses talents d'écrivain à la rédaction des tracts pour défendre le monde ouvrier et les «camarades travailleurs», à une époque où ces notions avaient une signification profonde.

Si j'osais, je dirais qu'il y a du Maupassant dans certains textes, un Maupassant élevé au beaujolais et au tablier de sapeur, qui aurait partagé quelques moments privilégiés avec Frédéric Dard et Michel Audiard.
Je pourrais continuer à évoquer le plaisir que j'ai pris à lire ces textes d'un «penseur sans bagages», d'un auteur qui, sans se prendre au sérieux, écrit superbement. Mais je vais m'arrêter là car, comme le dit le grand Jacques, «il est tard Monsieur, il faut que je rentre... chez moi»
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
1990. Ou l'année d'avant. Amphithéâtre de Vienne. Dans l'Isère. Pas en Autriche. Un pote m'a filé des places gratos. Miles Davis. En chair et en os. Surtout en os le pauvre.
...
Juste assez de souffle pour nous faire partir. Loin. Très loin. Le son de sa trompette vient de l'espace. Une galaxie pleine de courants d'air où des tuyaux biscornus, traversés par des tempêtes thermiques résonnent dans un désordre anarchique et mélodieux.
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Ballotté de toutes parts, mon corps essaie de rattraper le sommeil perdu. La bataille est inutile, on ne rattrape jamais ce qui est perdu. Proust, qui s'est longtemps couché de bonne heure, nous a infligé sept tomes de son interminable recherche pour arriver au même constat. Il aurait pu résumer son œuvre en quelques lignes, mais il ne travaillait pas en usine, il avait du temps à perdre, alors il écrivait.
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