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Critique de fuji


fuji
11 février 2016
Rappelons qui est Tiziano Terzani (1938-2004), correspondant en Asie pour le Spiegel et le Corriere, il a officié à travers le monde dans les plus grands conflits.
Dans les années 1990 il découvre l'Inde et sa spiritualité et se retire peu à peu du journalisme, pour vivre le fil de sa vie, ses dernières années différemment.

Mais en 2001 juste après les attentats du 11 septembre, il sort de sa réserve face aux articles d'une consœur Oriana Fallaci, qui condamne l'Islam dans son entier.

Le 19 décembre 2001 il écrit ceci : " Les Etats-Unis, en portant la guerre en Afghanistan aujourd'hui, demain au Soudan ou en Somalie, en Irak ou en Syrie, ne courent aucun risque. Sauf celui d'une riposte éventuelle inversement déséquilibrée : le terrorisme."

Ce pacifiste que l'on ne peut pas accuser de naïveté ou d'angélisme, s'en explique dans ses "lettres contre la guerre".

C'est la voix d'un occidental qui ne s'est pas contenté de traverser le monde mais il s'est immergé dans les différentes cultures, en ouvrant grands les yeux et le cœur sur des civilisations autres mais sans jugement de valeur elles sont autres.

L'autre est un je...

Première réflexion fondamentale de Tiziano Terzani, en mots simples tout est dit " 10 septembre 2001, le dernier jour avant que notre envie de plus d'amour, plus de fraternité, plus d'âme, plus de joie ne soit déroutée vers plus de haine, plus de discrimination, plus d'intérêts matériels et plus de douleur."

Son analyse se décline en 7 lettres.

1) Orsigna en Toscane : Une bonne occasion. 14 septembre 2001.

Le 14 septembre, après la stupeur et des heures à regarder en boucle les médias, la réflexion se met en marche.
Une bonne occasion pour se rappeler que Oussama Ben Laden a été utilisé et protégé par la CIA, car sa première mission a été la construction de grands bunkers en Afghanistan, pour le stockage des armes destinées aux moudjahidin. En 1991 il se révolte une première fois et en 1996 il déclare la guerre aux Etats-Unis.
Depuis 1983 pensons que les Etats-Unis ont bombardé régulièrement le Liban, la Libye, l'Iran et l'Irak.Beaucoup de morts et des enfants morts de malnutrition.
Tiziano Terzani écrit ceci : " Sinon, chaque bombe ou chaque missile qui tombera sur les populations du monde qui n'est pas le nôtre ne servira qu'à semer d'autres dents de dragon et à faire naître de nouveaux jeunes prêts à hurler "Allah Akbar", en précipitant un autre avion rempli d'innocents contre un gratte-ciel ou, demain, en larguant une bombe bactériologique ou une bombe atomique de poche dans un de nos supermarchés."
En conclusion le 11 septembre aurait du être une "bonne occasion" de voir l'univers "comme un tout dont chaque partie en reflète la totalité et dont la grande beauté réside dans sa diversité."

2) Florence : le sultan et Saint-François. 4 octobre 2001.

En réponse à Oriana Fallaci : un rappel de leur origine commune et une demande de ne pas se laisser dominer par ses émotions, face à une situation nouvelle.
"Comprendre, parce que je suis convaincu que le problème du terrorisme ne se résoudra pas en tuant les terroristes, mais en éliminant les raisons qui les rendent tels."
Remise en cause de la dépendance économique occidentale vis-à-vis du pétrole.
Remise à plat des relations pouvoir-médias
S'imposer comme journaliste (donc observateur) de prendre ses responsabilités en "créant des champs de compréhension et non des champs de bataille."

3) Peshawar : raconteurs d'histoires. 27 octobre 2001.

Ville au nord du Pakistan, frontalière avec l' Afghanistan et l'Asie centrale, au bazar le monde se fait et se défait mais même en ce lieu une certaine uniformité s'est installée.
Tiziano Terzani se rend au coeur des villages voir de ses yeux se qui se passe. Il constate la misère toujours plus grande, des écoles avec des enfants faméliques à qui seul le Coran est enseigné et la guerre.
Cette société est chargée de haine mais celle des occidentaux l'est-elle moins?

4) Quetta : Taliban-Ordinateur. 14 novembre 2001.

Toujours au Pakistan, cet homme éclairé, avance pour comprendre..."L'unique façon de résister est de s'obstiner à penser avec sa tête et surtout de sentir avec son coeur."
Il discute avec un maximum de personnes qui lui disent "la mort éventuelle du mollah Omar, le chef des talibans ne changera rien car le conseil des sages est constitué de mille mollahs Omar et chacun d'eux peut lui succéder.
Ce dernier est mort en 2013. Qui a vu du changement?
Un comparatif très intéressant entre les mosquées et nos églises : après les attentats du 11 septembre , les églises italiennes faisaient leurs prêches avec le même passage de l'évangile, sans évoquer le terrible événement...

5) Kaboul : vendeur de pommes de terre- cage aux loup. 19 décembre 2001.

Il constate que cette ville n'en est plus une. Elle a perdu tous ses trésors elle n'est plus qu'un "immense cimetière poussiéreux" à cause non d'une catastrophe naturelle mais de la guerre.
Il a une lettre de recommandation pour le conservateur du musée de Kaboul : ce dernier est devenu vendeur de pommes de terre.


6) Delhi. 5 janvier 2002.

L'Inde pays de la non-violence est devenu un pays comme les autres, n'ayant pas su dire "ni avec vous, ni avec les terroristes."
Une raison : les dirigeants pensaient résoudre le problème du Cachemire...
Toujours non résolu, et 14 ans de plus conflits : le plus vieux conflit de l'humanité.
Pays qui n'a pas su ou pas pu ou pas voulu mettre en avant sa spiritualité pour aller vers la paix.

7) Himalaya. Que faire ? 17 janvier 2002.

Une conclusion aussi spirituelle qu'humaine...
"Alors arrêtons-nous. Imaginons notre moment présent dans la perspective de nos arrière-petits-enfants. Regardons aujourd'hui du point de vue de demain pour ne pas devoir regretter ensuite d'avoir perdu une bonne occasion. L'occasion de comprendre une fois pour toutes que le monde est un, que chaque partie a son sens, qu'on peut remplacer la logique de la compétitivité par l'éthique de la coexistence, que personne n'a le monopole de rien, que l'idée d'une civilisation supérieure à une autre n'est que le fruit de l'ignorance, que l'harmonie, comme la beauté, est dans l'équilibre des contraires et que l'idée d'éliminer l'un des deux est tout simplement sacrilège. Que serait le jour sans la nuit ? La vie sans la mort ?
Cette manie de vouloir tout réduire à une uniformité est très occidentale."


Ce livre est une pépite pour la réflexion sur la situation internationale, pour aider à réfléchir différemment et ne pas croire que nous occidentaux détenons une vérité applicable à toutes les nations.
Mais c'est aussi un gouffre de désolation car écrit en 2001 donc voilà 15 ans tout y était prévu : le terrorisme et son explosion dans tous les coins du monde.
Ces innocents qui paient pour des gouvernements qui ne pensent que profits et jamais humanité.
On termine la lecture des lettres de ce grand sage que fut Tiziano Terzani en cherchant pourquoi les représentant de tous les pays ne se réunissent-ils pas pour remettre une situation à plat, éradiquer l'inutile pour aller à l'essentiel : l'Homme au cœur de la vie.
J'espère juste vous avoir donner envie de faire ce voyage beaucoup plus informatif que tous les médias actuels.
"La route est longue et reste souvent encore à inventer."
" Alors bon voyage ! Au-dehors comme au dedans."

Un grand merci à Babelio et aux éditions INTERVALLES.
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