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3,84

sur 1517 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'écriture de Tesich est extrêmement imagée et a la capacité d'aller fouiller dans les méandres obscurs de notre inconscient pour réveiller des souvenirs, des sensations ou des pensées…
Parfois un simple mot, une tournure de phrase ou une description suffisent à déclencher une sensation de "déjà-vu" et on se met à trouver des parallèles et des rapprochements avec des situations vécues.

J'ai une admiration sans bornes pour ce type d'écriture, qui m'a rappelé Herzog de Saul Bellow ou La conjuration des imbéciles de J.K Toole.

Il y a une sorte d'intelligence palpable dans la construction des personnages qui va au-delà de simplement raconter une histoire.
Les personnages ne sont finalement que des objets au service de l'auteur pour exprimer sa vision de la société et de ce que peuvent devenir les hommes dès que la foi en quelque chose de plus grand les quitte et dès que la médiocrité et la banalité prennent possession du monde qui les entoure.

L'incapacité à nouer des relations intimes avec des gens que nous aimons le plus est traitée ici avec désillusion et cynisme, mais laisse un goût amer de vérité.

La désintégration psychique qui ronge Saul Karoo nous a certainement déjà frôlée au moins une fois de près ou de loin et nous savons cette menace réelle et dangereuse.

Réécrire des scénarios de films comme si nous pouvions réécrire tous les chapitres ratés de nos vies, leur apporter les améliorations nécessaires, effacer les culpabilités et les erreurs… une jolie utopie pleine de bon sens!

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Saul Karoo est bien étrange : insensible à l'alcool alors qu'il voudrait tellement être ivre, fermé et malgré tout plein d'humour, aimant son fils mais ne supportant pas le voir en tête à tête, détestant l'homme qui lui procure son travail mais lui passant ses quatre volontés…J'arrête ici, je ne veux pas dévoiler cette histoire sidérante.

Ce type bourré de contradictions nous mène en bateau pendant 592 pages. En tout cas, moi, malgré son air cynique aux yeux de tous, je l'ai trouvé attendrissant, surtout face à sa harpie d'ex-femme.
J'ai adoré suivre sa vie dans ses méandres les plus tortueux : car quand le producteur de cinéma (qu'il déteste, n'oublions pas) lui propose un travail crapuleux, il va tomber sur des écueils de taille, à commencer par l'amour.

On a comparé Steve Tesich à Philippe Roth, je vais lire Philippe Roth.
J'ai été plongée au coeur de l'Amérique, de ses faux-semblants, de son hypocrise et de ses mensonges.
Steve Tesich n'est pas tendre avec ses contemporains, non. Et pourtant, j'ai l'impression qu'il les aime, quand même.

Vous ne me croyez pas ? Eh bien lisez ce roman éblouissant, jusqu'à la dernière ligne.
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On n'est jamais le scénariste de sa propre vie.

Les Grecs nous apprennent que l'hybris guette et rattrape celui qui à l'instar de Saul Karoo, après des années de sous-estimation de soi, se prend soudain pour Dieu et croit pouvoir réparer, parce qu'il a quelque talent pour cela, le scénario bancal et les manques douloureux de sa propre vie. Et les vieux mythes de ce même peuple grec - celui d'Oedipe qui meurt d'avoir voulu orchestrer sa vie et la mène au désastre et celui d'Ulysse qui s'absente si longtemps de la sienne qu'à force de la rêver, il la perd pour toujours quand il croit enfin la rejoindre-ces vieux mythes éternels, donc, parrainent dignement cette moderne résurgence de la Tragédie Humaine.

Comme me l'annonçait pourtant la première de couv' raffinée des éditions Monsieur Toussaint Louverture, avec ses étranges pugilistes jumeaux, cravatés et sans tête, je viens de me prendre un grand coup de poing dans la gueule et je crois que je vais, séance tenante, changer un de mes six- livres- pour –une- île- déserte : Karoo va de toute évidence évincer l'un d'eux et prendre, dans mon panthéon littéraire, une place de choix.

. Karoo – le pays de la soif en khoïkhoï nous dit plaisamment l'éditeur- est la plus forte émotion, le plus grand coup de coeur littéraire depuis bien longtemps. Les 5 étoiles ne suffisent pas à en évaluer les qualités : il y faudrait une pléiade…mais la constellation est déjà prise !

J'ai évidemment commandé Price, le tout premier livre de Tesich, après cette révélation tardive -bien des babeliotes avisés l'ont connue avant moi. Mais je sais déjà que rien ne pourra m'étonner, me faire rire, pleurer, me séduire, me bouleverser, me faire réfléchir comme ce dernier livre-là. Car Tescih est mort brutalement peu après sa parution. C'est donc une sorte de testament, plein d'humour et de déchirante tendresse, mais c'est le mot de la fin..Je ne pourrai qu'aller à reculons à la découverte de ce grand écrivain, scénariste de cinéma- La bande des quatre, le monde selon Garp,…- qui se croyait écrivaillon alors qu'il avait tant de choses à dire et avait trouvé un ton si particulier pour le dire- j'ai pensé à Philip Roth, mais avec une émotion tout à fait différente : le rire est moins grinçant, la rigolade est toujours toute proche d'un redoutable pincement au coeur…

Qu'y a-t-il de plus extraordinaire que de s'attacher, comme à un très vieil ami, à Saul Karoo, cet antihéros dérisoire et à bien des égards odieux- n'est-il pas lâche, mythomane, pusillanime, d'un égocentrisme crasse ? - et plus étonnant encore de souffrir avec lui de toutes ses turpitudes tant il se montre d'une impitoyable lucidité à l'égard des rapports humains qu'il entretient ...avec une stratégie très au point de l'évitement ?!

Mauvais père, mauvais époux, excellent scénariste mais incapable de résister aux sirènes de la flatterie qui l'engagent dans tous les mauvais coups, Karoo est frappé d'étranges « maladies » qui sont comme la somatisation du regard décapant qu'il jette sur lui-même : il boit comme un trou mais ne ressent même plus l'ivresse, qu'il est contraint de feindre pour satisfaire la compassion méprisante de son entourage ; il redoute l'amour des siens- celui de son fils adoptif en particulier- et le fuit dans toutes les échappatoires que lui offre le cortège des Banalités, merveilleux dérivatif aux conversations profondes et aux face-à-face sincères. Il craint la maladie, la décrépitude mais fait en sorte de ne pas être assuré contre leurs atteintes et la déchéance qu'elles entraînent…

Un jour, le hasard- mais y a-t-il un hasard dans ce récit fait au moule de la tragédie antique, même s'il a souvent le ton de la farce ?- le hasard, donc, lui offre la possibilité de donner un sens à sa vie, de sauver ceux qui ont son amour en le leur témoignant, enfin, de façon éclatante – mais au prix d'une trahison qui n'engage justement que sa probité et son talent professionnel.

Pas grave : l'Art a si souvent sacrifié les individus, c'est bien à son tour de l'être pour que les individus soient sauvés.

Mais tel Oedipe fuyant l'oracle qui le menace, et se jetant dans la gueule du loup, Saul précipite la catastrophe en scénarisant la vie des siens, et celle-ci s'accomplit comme dans la tragédie le meurtre du père, au carrefour des Trois Routes, au confluent des trois fleuves de Pittsburgh..

Ne reste plus , alors, qu'un vieil Ulysse malade, recru de fatigues et de douleurs qui ne retrouve à Ithaque ni ses rêves, ni son foyer, ni lui-même.

Cette grande ombre philosophique et pensive de la Tragédie donne au récit sa profondeur, son vibrato

Mais Karoo n'est pas une lecture au sérieux rebutant : le ton ironique, la formulation à l'emporte-pièce souvent réjouissante d'insolence, les portraits acidulés des personnages- une ex-épouse aux robes « zoologiques » pontifiante et emmerdante à souhait, une actrice ratée, pathétique et attendrissante, un producteur diabolique et manipulateur, un fils désarmant et désarmé –pimentent délicieusement cette gravité.

L'agencement subtil des épisodes et le talent incontestable de scénariste de Steve Tesich font de cette lecture un véritable « page-turner » : voici 600 pages, que j'ai pour ma part dévorées en deux jours, entre le rire salvateur et la tristesse poignante.

Comme dit Karoo, il n'y a pas de petits chefs d'oeuvre : en voici donc un grand, un total, qui satisfait à tous les critères : le goût du style, la pénétration de l'analyse, la richesse de la pensée et l'intemporalité des références.

* Merci à l'amie Caro qui m'a fait découvrir Karoo, et m'a aiguillée sur Babelio , afin d'écouter le chant des Sirènes : Piatka, Viou, merci à vous!
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J'espère vraiment que le phénomène de la liseuse et des e-books ne mettront pas un terme au livre papier. Comment aurais-je pu flasher sur Karoo sans accroche visuelle ? Son design épuré, naturel, tout en simplicité a tout de suite attiré mon attention parmi toutes les autres couvertures ternes ou trop colorées et souvent peu séduisantes.
Une belle couverture couleur sable en relief, du papier d'une douceur rare, bref un très bel objet très agréable au toucher, bravo aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.
Le petit truc en plus, sur la toute dernière page : la liste des caractéristiques matérielles du livre, type de matériaux employés, type de police d'imprimerie, les dimensions :

« L'ouvrage ne mesure que 140 mm de largeur sur 195 mm de hauteur. Pourtant, la chute qu'il raconte est vertigineuse. »

Et voilà comment on achève de convaincre la lectrice que je suis de rentrer chez elle le livre en main.

Saul Karoo travaille dans l'industrie du cinéma. Son rôle est de réécrire des scénarios peu convaincants et de transformer des navets en chefs d'oeuvre. Sa renommée dans le milieu n'est plus à faire, il est riche, reconnu, tout semble aller pour le mieux.
Mais Saul Karoo n'est pas ce qu'on pourrait appeler un modèle de vertu. Séparé de sa femme qu'il a trompé à de nombreuses reprises, il évite soigneusement tout contact avec son fils, ne cesse de boire, ment comme un arracheur de dents et, disons le franchement, se comporte comme un gros porc.
Jusqu'au jour où il est atteint d'un phénomène curieux : Karoo ne parvient plus à atteindre l'ivresse. Il a beau picoler comme un trou, il reste sobre. C'est toutefois grâce à cette curieuse maladie qu'il va enfin prendre conscience de son comportement odieux. Il va alors décider de se racheter une conduite, d'obtenir le pardon de ceux qui finalement comptent pour lui. Mais le destin lui refusera la rédemption et lui préférera le châtiment.

Gros coup de coeur pour ce sublime roman d'un auteur malheureusement disparu.
Pourtant je ne cache pas que je commençais à trouver la première partie un peu longue. On y fait la connaissance de Saul, de son entourage, de sa vie, de sa mentalité. le récit, effectué à la première personne, nous permet d'accéder à ses pensées les plus intimes. Saul nous fait part de ses réflexions sur la société dans laquelle il évolue et se fait aussi son propre critique non sans humour. Saul est un personnage très cynique, il ne semble pas avoir de scrupules et prend tout à la légère. Mais Steve Tesich le fait évoluer subtilement vers la prise de conscience.
D'après les critiques que j'ai lues, beaucoup de lecteurs ont de loin préféré cette partie au reste du roman qu'ils ont trouvé plus fade. Je ne suis pas du tout de cet avis. J'ai adoré la suite du récit et son progressif glissement vers le tragique. On sent qu'il va se passer quelque chose de dramatique. J'ai essayé de deviner où l'auteur voulait m'emmener mais il a vraiment réussi à me surprendre. J'ai fini par prendre Saul en pitié, il m'a vraiment fait mal au coeur. Et lorsque le châtiment survient, l'auteur bascule de la première personne à la troisième. J'ai ressenti ça comme une distanciation punitive, une façon de symboliser le rejet de Saul, de le repousser encore plus mais aussi une manière de montrer qu'il n'est plus celui qu'il était.
Ce roman souligne à quel point les gens ont le pardon difficile et à quel point il est compliqué de faire oublier ses erreurs passées. On peut corriger un scénario de film très facilement mais lorsqu'il s'agit de la vie d'une famille il en va tout autrement.
Steve Tesich était un auteur vraiment talentueux, son texte est très bien écrit, habilement mené, bourré de réflexions intelligentes mais aussi d'humour. Une réussite complète.
Le texte original date pourtant de 1996. La France aura du attendre 2012 pour enfin le découvrir. Un autre roman de Steve Tesich semble prévu pour 2014. Je l'attends avec impatience.
En tout cas, un grand merci et encore un grand bravo aux éditions Monsieur Toussaint Louverture pour nous avoir permis de découvrir un auteur de talent.

Lien : http://booksandfruits.over-b..
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Karoo est le type qu'il ne faut pas avoir dans sa vie. Il écume les soirées en faisant semblant d'être saoul, puisqu'il n'arrive plus à s'enivrer, regarde son épouse, presque ex, se pavaner dans de belles robes et évite son fils adoptif. Il n'oublie pas de souiller les sanitaires de ses hôtes pour être crédible, se fait agresser par son médecin qui lui reproche son état et sa prise de poids et part le dernier de la soirée.



Karoo est menteur, lâche, a peur de l'intimité quelle qu'elle soit, surtout celle avec son fils, bref un pur raté, un quinquagénaire qui traîne son mal de vivre dans les soirées ou en compagnie de son épouse presque ex. Il n'a plus d'assurance santé et s'en moque éperdument malgré les avertissements de son médecin. Son travail est de massacrer les chefs d'oeuvre du cinéma pour les faire rentrer dans des standards bien plus vendeurs.


En visionnant un film, il découvre une jeune femme qui va bouleverser sa vie. Il a déjà entendu sa voix, il en est certain et les souvenirs vont affluer. IL est persuadé pouvoir se racheter une conduite, enfin faire le bien, réunir deux personnes qu'il aime, devenir une sorte de héros. Et parce que je suis une femme lisant une histoire d'homme incapable d'anticiper, je me suis mise à râler mais aussi à rire jusqu'à la fin du livre. La chute de cet homme est vertigineuse, sans retour possible. C'est cynique, décapant, jouissif et terriblement dramatique. Un véritable chef d'oeuvre !
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Saul Karoo, correcteur talentueux de scénarios, imagine pouvoir guérir de ses difficultés affectives et existentielles en transformant le cours de la vie de ceux qu'il aime. Mais il n'est pas Dieu et son désir de rédemption ne sera pas assouvi par cette ultime manipulation qui le conduira au bord de la folie.

Drôle, ironique, lucide, intelligent, ce roman est une réflexion sur la vacuité de la vanité humaine, la découverte de la spiritualité comme sens ultime de la vie. Un livre dense et profond qui apparaît comme le testament halluciné d'un écrivain mort quelques jours après l'avoir achevé. Une oeuvre remarquable.


Lien : http://livreapreslivre.blogs..
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Parfois ma lecture d'un roman tient au détail. Ici, avec la parution posthume du roman de monsieur Tesich, auteur serbo-américain, ce n'est pas les prix ou les critiques dithyrambiques qui m'ont convaincue. C'est une bricole dans la présentation du livre -version brochée- : on compare Karro aux ouvrages de Easton Ellis. Je voue à ce dernier une admiration mêlée parfois de haine depuis des années. Bref, je suis fascinée par son travail. Et quand on compare un inconnu -pour moi- à l'écrivain, je ne peux généralement pas m'en empêcher, il faut que je vérifie moi-même ce qu'il en est. Ce fut le cas ici, surtout que le résumé pouvait laisser présager du pire comme du meilleur...

Beaucoup de lecteurs semblent avoir apprécié essentiellement le premier tiers du roman. Nous faisons alors connaissance avec notre personnage/narrateur : Saul Karoo. Tout un monde de vacuité et de cynisme vain nous explose alors au visage. Un anti-héros comme on peut en voir régulièrement dans la littérature américain depuis les années 80 : détestable, vide, pitoyable et finalement presque attachant dans sa grotesque humanité. Ensuite, une partie des avis reproche au livre de sortir de ce cynisme pour tomber dans un récit plus mou, moins féroce et parfois -ô comble de l'horreur- sentimental. La fin -déjantée et tragique- a réconcilié certains lecteurs avec le roman.

Quant est-il de moi ? Et bien c'est un peu l'inverse. Si j'ai pu apprécier l'humour présent au début du roman et la qualité de l'écriture, je n'ai cessé de me dire : mon dieu encore un récit qui porte le cynisme en bandoulière, qui se veut peinture d'une société pathétique toussatoussa. Sauf que Easton Ellis l'a tellement bien fait que j'ai tendance à m'essouffler rapidement sur le sujet. Puis le roman m'a prise par surprise. Ce que les autres ont vu comme la mollesse centrale du bouquin, je le vois comme le symptôme que Karoo est un chef-d'oeuvre, oui n'ayons pas peur des mots. Ce sentimentalisme, cette pseudo-rédemption porte en elle-même la critique de la mécanique précédente. Tesich ose tout détruire même le début de son roman. Et au moment où tout cela risque de tourner en rond, on comprend -avant le narrateur- l'anagnorèse qui va bientôt surgir. La férocité revient puissance dix mille et l'ouvrage se termine dans un délire mythologique hallucinant qui justifie tout le reste.

Alors non, ce roman n'est pas reposant, il n'est pas simple d'accès vu la densité du récit, vu son foisonnement littéraire. Mais quand j'ai refermé l'ouvrage, j'ai eu une seule pensée : la littérature est loin d'être morte et c'est bien rassurant.
Lien : http://altervorace.canalblog..
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Saul Karoo corrige les scénarios boîteux des films à Hollywood. Il peut aussi les retoucher au montage. C'est là son travail. de temps en temps, son producteur lui donne rendez-vous dans son immense bureau et après avoir lui avoir tapé sur l'épaule, il lui met dans la main une enveloppe jaune, qui contient quelque chose de nouveau à rafistoler.

Alcoolique, il ne ressent pas les effets de l'ivresse, et pourtant il feint d'être émêché pour passer inaperçu dans la masse New Yorkaise. Billy, son fils adoptif, est la personne qu'il chérit le plus au monde, et pourtant Karoo n'arrive pas à communiquer avec lui.

Dans un humour constant et grinçant, et énormément d'émotion, ce roman magnifiquement écrit, dresse le portrait de cet homme dont le principal défaut est de fuir les situations d'intimité ou ses responsabilités. Karoo nous livre les clés de sa complexité, et c'est aussi un regard sur le monde qui l'entoure.

Ce livre est une tragi-comédie sur les mensonges, les apparences trompeuses, la fausseté, le show business, ... Karoo décrit des scénettes émouvantes pour en faire des monuments d'humour. Un livre à lire.
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C'est parce que la maison d'éditions Monsieur Toussaint Louverture a eu la bonne idée de rééditer, en édition limitée, le dernier roman de l'écrivain Steve Tesich, que j'ai voulu me faire plaisir. Et plaisirs, il y a eu. Un magnifique livre-objet dans sa pochette cartonnée, une histoire prenante du début à la fin, une très belle écriture, le tout enveloppé d'une magnifique couverture illustrée de Frédéric Bézian, comme les illustrations intérieures représentant des décors en perspective. Vous me direz, que de superlatifs ! Mais réellement, ce livre est le cadeau idéal à se faire ou à offrir.

Karoo. Saul Karoo se raconte. Quel personnage emblématique celui-là ! Il ment comme il respire et même, il ment pour respirer. La cinquantaine bedonnante, en procédure de divorce depuis deux ans, aimant un fils qu'il refuse pourtant de voir, alcoolique sans jamais parvenir à être ivre, Karoo réécrit des scénarios de films.

Nous sommes en 1990 et nous le suivons dans les grandes villes des Etats-Unis, comme dans les cinq parties du livre. Ecrivaillon de scénarios, comme il se définit, chaque film est pourtant une réussite commerciale. L'origine de leur succès vient également du producteur, Cromwell, personnage élégant, qui cultive autant son apparence et ses relations que sa soif de pouvoir sans limite. Mensonges et perversions unissent ces deux protagonistes.

La relation que Karoo entretient avec son épouse Dianah est tout aussi ambiguë. Dianah se lâche et l'insulte sans cesse, tout en gardant un air protecteur, il en rit et laisse faire, voulant lui laisser ce plaisir. Quant à leur fils adoptif, Billy, il se cramponne à l'idée de passer du temps seul à seul avec son père. Jusqu'au jour où une fameuse enveloppe jaune arrive dans les mains de Karoo, avec une proposition de réécrire le chef d'oeuvre d'un grand du cinéma, où y apparaît une serveuse de restaurant au rire inoubliable.

La vie de Karoo aura été une tragi-comédie. Voulant complaire à tous et le mensonge en entraînant un autre, il n'occasionne que rancoeur et sa vie ne sera qu'un imbroglio d'erreurs. Malgré tous les aspects négatifs de la personnalité de chacun, je n'ai pu en détester aucun. Ils sont tellement humains avec leurs mauvais et leurs bons côtés. La psychologie des personnages est extrêmement fouillée, sans que ce soit rébarbatif, bien au contraire. On plonge dans leur vie autant que dans les coulisses du cinéma.
Une lecture intéressante, jubilatoire, avec des scènes d'une grande intensité, comme celle fort humoristique de la visite médicale, et celle très triste des appels téléphoniques dans les cabines de Manhattan.

Je ne connaissais pas l'auteur. Karoo est le dernier roman de Steve Tesich, paru deux ans après sa mort survenue en 1996. Romancier et dramaturge, il a également été scénariste d'un premier film « La Bande des quatre », dont le succès lui a ouvert les portes d'Hollywood… C'est pour ça qu'il en parle si bien.
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Formidable découverte que ce Karoo !

Il me tendait les bras chez mon libraire depuis un bon moment, merci aux Babéliautes dont les critiques avisées m'ont fait franchir le pas.

Le roman s'ouvre sur l'univers superficiel et pailleté de l'entertainment américain, avec une impression de déjà vu qui disparait vite sous la stature imposante bien qu'avachie du cynique, menteur et pathétique narrateur Saul Karoo.

Car c'est à sa chute que nous allons assister.

Et plus l'homme tombe, plus l'écriture devient addictive, plus la superficialité fait place à la profondeur, plus la compassion augmente pour ce pauvre clown, impropre au pardon, privé de réponse à son questionnement ultime.

Les dernières pages sont solaires.
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