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sur 1449 notes
Avec Sylvain Tesson, chez moi, c'est haine et passion.

Il a, d'abord une fâcheuse tendance à m'énerver de par son orgueil, sa façon de balancer son savoir littéraire, ses leçons de géographie et d'histoire (qui ne nous apprennent rien de plus que d'autres manuels), et son faux côté cool dans les moments difficiles.

Et, j'oubliais ses aphorismes à deux balles qui nous sont envoyés, certainement pendant une intraveineuse de vodka.

Et puis, il y a cet autre côté du personnage de Tesson, qui m'aimante et qui me pousse à l'admiration. C'est un type "no limit", un électron libre, un casse cou, un forcené aux pieds d'argile; un peu comme le pays qu'il arpente depuis des années : la Russie.
Pour Tesson, tout est à explorer chez ce voisin Slave, et le territoire et l'âme. Il est un amoureux indéfectible de cet Empire qui a vu naître Tolstoï et Dostoïevski.Il baigne, là bas dans une Vodka de bonheur, quitte à s'y noyer. Parce que Monsieur Tesson veut toujours explorer cette Russie, jusqu'à la mort s'il le faut. C'est un suicidaire qui n'a de comptes à rendre à personne.

Entre cette haine et cette passion que je rumine, j'ai donc attaqué ce énième récit de cette figure de proue de la littérature voyageuse française. Je m'y suis engouffré :
- pour suivre l'épopée Napoléonienne en Russie?
- pour suivre les nouvelles aventures de ce post-adolescent, fils à papa de Tesson?
- pour vivre jalousement son périple que je ne serais pas en mesure de faire?
...
Le livre, je l'ai fermé avec les mêmes questions qu'avant. J'ai envie de débiner ce géographe (comme moi), comme j'ai envie de l'encenser. Je n'arrive plus à prendre du recul.
Mais, c'est sûr, son prochain livre, je le lirai.
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Il y a ceux qui reconstituent les batailles de l'Empereur avec des soldats de plomb. Et puis il y a Sylvain Tesson qui à bord d'une Oural, aux mêmes dates, nous fait suivre la route empruntée par la grande armée.
L'auteur nous emmène sur son side-car et nous fait découvrir à l'aide de nombreux documents, le trajet suivi pour revenir en France, la description des lieux et les réflexions qu'imposent le retour sur ces hauts lieux chargés d'histoire sont émouvants, tant de détresse, de souffrances humaines et animales. Sylvain Tesson cherche d'une certaine façon des raisons pour cette guerre, ces hommes qui suivaient l'Empereur de campagnes en campagnes. A la page 203, il nous dit : " L'Empereur avait réussi une entreprise de propagande exceptionnelle. Il avait imposé son rêve par le verbe. Sa vision s'était incarnée. La France,l'Empire et lui-même étaient devenus l'objet d'un désir, d'un fantasme. Il avait réussi à étourdir les hommes, à les enthousiasmer, puis à les associer tous à son projet : du plus modeste des conscrits au mieux né des aristocrates." Les français avaient fait un rêve qui s'achevait avec la Bérézina.
C'est un livre que j'ai énormément apprécié pour les connaissances qu'il m'a apporté et puis qui n'aurait pas envie de faire la route sur une Oural cheveux aux vents sur les traces de l'auteur. Je me dois aussi de remercier Nadiouchka, une e amie, sans ses critiques de Sylvain Tesson, je n'aurais peut-être pas rencontré cet auteur auquel je laisse le mot de la fin :
"Qui était Napoléon ? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'histoire ? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit."
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C'est après avoir déposé ce livre chez son éditeur que Sylvain Tesson a eu son accident stupide dont il est miraculeusement ressorti mais non sans séquelles. C'est avec impatience que j'attends ses écrits de l'après car je pense que cet accident l'aura mûri. J'entame la lecture de Berezina, bérézina, une expression commune mais j'avoue connaître moins les faits historiques qui en ont fait un nom commun tout en n'ignorant pas cette guerre menée par Napoléon en Russie. Une chose qui m'a étonnée est qu'il n'ait fallu que treize jours pour couvrir la distance de Moscou à Paris. Sylvain Tesson, Goisque, Gras et deux Russes embarquent à bord de side-cars Oural, marque Russe, et entreprennent plus ou moins le même itinéraire qu'a suivi Napoléon deux cents ans plus tôt, Napoléon en décembre 1812 et l'équipe de Sylvain Tesson en décembre 2012. Un voyage éprouvant, il neige et les températures sont négatives tout comme deux cent ans auparavant à la différence que Sylvain et ses amis ont le gîte assuré tous les soirs, la chaleur d'un lit et la vodka pour déconner entre amis. Les narrations de l'époque Napoléonienne et le présent se suivent dans un même chapitre, ceux-ci étant titrés suivant les énièmes jours du voyage. de la campagne Napoléonienne, les faits que racontent Sylvain Tesson sont crus, la réalité dépasse l'imagination, il faut avoir le coeur bien accroché mais toutes les guerres sont cruelles et la cruauté est le propre de l'homme.
J'ai apprécié Berezina comme tous les livres que j'ai lu de Sylvain Tesson ; en attente du suivant.
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Sylvain Tesson, grand voyageur amateur de vodka et russophile de longue date, a choisi, pour son nouveau périple, de nous conduire à bord de son side-car, une Oural, sur les traces de Napoléon Bonaparte et de la Grande Armée au moment où celle-ci, après s'être trop enfoncée dans les terres russes, se voit contrainte de rebrousser chemin face à un ennemi absent, une terre hostile et un froid de plus en plus mordant.

C'est accompagné de Julien Gras, autre voyageur de renom, du photographe Thomas Goisque et de deux compères russes, que l'expédition se met en route au départ de Moscou, direction Paris, réalisant en deux semaines un trajet que l'Empereur et son Armée auront mis deux mois à faire.

Au fil de son périple, Sylvain Tesson nous replonge en pleine campagne napoléonienne, faisant sans cesse des sauts entre 2012 et 1812, raccordant ainsi les étapes de son parcours à la grande Histoire et agrémentant celle-ci d'anecdotes et d'explications pour le moins intéressantes. Malheureusement, si toute la partie sur Napoléon, ses troupes et la débâcle m'a véritablement passionnée (mes connaissances en histoire étant plutôt limitées…), je dois dire que je n'ai pas ressenti le même intérêt pour le voyage de l'auteur…

Je trouvais pourtant l'idée de départ géniale et l'aventure tout à fait exaltante, mais la façon dont Sylvain Tesson se met en scène et la répétition de ses mésaventures ont fini par me lasser. On a finalement assez peu d'informations sur le visage, 200 ans après, des pays qu'il traverse et sur les rencontres qu'il va faire. Ce sont elles aussi qui rendent le récit de voyage vivant et enrichissant, or je trouve qu'elles manquent au texte… le style, cependant, est encore une fois très littéraire, travaillé et agréable à lire. L'humour, un brin grinçant, reste également très présent et permet d'alléger la lecture.

Finalement, le mélange récit de voyage/ récit historique s'avère un peu décevant car difficile à doser, mais, point positif, « Berezina » me donne envie de combler mes lacunes et de me plonger dans un ouvrage entièrement consacré à Napoléon !


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La relation entre signifiant et signifié fait naître des locutions cocasses. Par exemple ce « motocyclette à panier adjacent » a un côté pratique et descriptif, à la limite du mignon. Je vois déjà une vieille mémé au guidon de sa mopette, fichu sur la tête, se rendant au marché; le « panier adjacent » ne serait pas autre chose que son panier de courses accroché à l'épaule. La définition réelle de cette locution est bien différente puisqu'il s'agit d'un rutilant side-car prêt à avaler les kilomètres de bitume pour le plaisir de deux personnes, l'une étant aux commandes tandis que l'autre à la place du mort – dans le panier.

C'est ainsi que Sylvain Tesson a relié Moscou à Paris en motocyclette à panier adjacent en empruntant le même chemin que pris Napoléon lors de sa Retraite de Russie en 1812. Cela donne le livre Berezina. Analyse.

Le titre du livre est bien évidemment celui de la bataille épique qui opposa l'empire français au russe sur les rives de la rivière Berezina. La débâcle qui suivi est entrée dans le jargon populaire. C'est la Berezina! Qui d'autre que Sylvain Tesson pour nous conter cette histoire à cheval sur la culture russe et française. Ce dandy franchouillard. Cet amoureux de l'âme slave. Ce casse-cou un brin réactionnaire jamais à court d'aphorismes:

« En Russie, l'art du toast a permis de s'épargner la psychanalyse. Quand on peut vider son sac en public, on n'a pas besoin de consulter un freudien mutique, allongé sur un divan. »

Au niveau purement historique, l'auteur français nous apprend qu'une des raisons clés, qui a transformé cette Retraite de Russie en débandade, est le mépris avec lequel Napoléon traitait la météorologie, croyant plus en sa destinée qu'aux lois rugueuses de l'hiver. Il avait beau être un fin stratège, c'est finalement une trop haute estime de lui-même qui entraînera sa chute.

Sylvain Tesson, en coupant le moteur de son side-car Oural dans des endroits stratégiques de l'ancien bloc de l'Est rend non seulement hommage à Napoléon et Koutouzof, ainsi qu'aux centaines de milliers d'hommes morts sur les champs de bataille mais aussi au nombre incalculable de chevaux morts, dépecés, mangés, dont la peau a été utilisée comme vêtements de secours. Ainsi la peinture de Bernard-Edouard Swebach, sobrement intitulée Retraite de Russie, donne une représentation de l'atmosphère générale même si elle ne va pas aussi loin que Tesson dans la description de cette boucherie équine:

« Ils furent les grands martyrs de la Retraite. On les creva sous les charges, on les écorcha vifs, on les bouffa tout crus, à même la carcasse ou bien en quartiers, braisés au bout d'un sabre. Pour les bâfrer, on ne prenait pas l'égard de se détourner des bêtes encore vivantes. »

Au delà de nous conter certaines facettes de l'Histoire, Sylvain Tesson nous livre le récit de son voyage sur les routes de l'Europe de l'Est où il se gèle les miches toute la journée sur son side-car en compagnie d'une poignée d'acolytes eux aussi motorisés. Cela se termine chaque soir, dans un bistro paumé où la joyeuse bande d'adolescents se verse des rasades de vodka jusqu'à plus soif comme dans un film d'Andreï Zviaguintsev. Cela refait le monde à chaque toast, cela se chamaille comme une bande de bons potes et ça décuve, le lendemain, sur les routes de l'Europe de l'Est en espérant que les motocyclettes à panier adjacent ne tombent pas en panne jusqu'à la prochaine étape.

Avec Berezina, Sylvain Tesson nous plonge avec brio dans les détails de cette désastreuse Retraite de Russie où s'est joué le début de la fin pour Napoléon. Grâce à ses digressions personnelles sur le paysage et la géographie de ces mille-quatre-cents kilomètres, l'auteur français (géographe de formation si je ne m'abuse) a réussi à me donner envie d'en savoir plus, non seulement sur ce pan de l'Histoire napoléonienne mais aussi sur ces pays que sont la Biélorussie et la Pologne.
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Ayant fait connaissance avec Sylvain Tesson et son Petit Traité sur l'Immensité du Monde, sur le chemin de St jacques, grâce à mon ami Raphaël, je m'étais depuis intéressé à l'homme. Comme lu sur Babelio, certains petits travers m'agaçaient : côtés donneur de leçons et bobo se retirant du monde -sous l'oeil des medias- au bord du Baïkal.
Mais finalement l'homme reste terriblement attachant ! Derrière l'avis sur tout se cache effectivement une grande culture et une pensée vive, pleine d'humour et d'énergie brute... ainsi je retrouve chez Tesson les écrivains voyageurs du siècle précédent que j'affectionne.
Berezina est un beau récit de voyage, et l'idée de croiser la lecture des mémoires de Caulaincourt protégeant l'Empereur dans la retraite de Russie avec le raod trip en Oural sur les routes modernes de Moscou à Paris était excellente ! Sylvain Tesson analyse avec finesse les événements historiques relatés et les lie avec maestria à sa folle équipée de motards russo-français programmée avec le bon vieux Goisque et sa boîte à images.
Sylvain Tesson nous emporte dans son side avec la gouaille des plus grands. il réveille et dépoussière le wanderer romantique on y mêlant du Godard. La lecture est facile et la réflexion philosophique a la saveur des cafés. En bon grognard, l'homme se préoccupe d'abord d'isoler ses mitaines ; mais le plan d'attaque est juste et le trait est vif. Dans ses plus belles chevauchées, il se mue en maréchal Ney, ressuscitant le mythe de l'Empereur tout en en dévoilant maints faits histiriques du quotidien. Une défaite certes, et une virée mi vodka mi gasoil, mais quelle campagne et quel voyage !
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Mon péché mignon en lecture est l'évasion. Il permet de s'émerveiller et de sortir de la morosité du quotidien. Cette année particulière n'est pas propice aux voyages et donc un petit Tesson contentera mon besoin d'ailleurs.
Et si la Grande Histoire se mêle au récit du globe-trotteur, le plaisir ressemblera à un Magnum double: un délice de crème glacée.
Deux siècles après les troupes napoléoniennes, Tesson , le séduisant Gras et le photographe Goisque roulent sur les pas des Grognards qui tentaient de rejoindre la France.
Accompagnés par deux amis russes et juchés sur leurs motos Oural, les cinq hommes se piquent de suivre la même route et ceci en plein hiver. Bien entendu les conditions sont différentes. Si un bon lit chaud, un bortsch ou un sauna les attendent en fin de journée, le sort de la Grande Armée est tout autre: désespoir, froid cinglant, fatigue intense et faim tenaillent les hommes qui en arrivent au cannibalisme.
Et les motards de jalonner leurs virées par la lecture des mémoires du Sergent Bourgogne ou de Caulaincourt qui consignait les confidences de Napoléon pendant sa fuite vers Paris. C'est donc un "devoir de saluer la mémoire des soldats" qui entraînent les russophiles sur des routes enneigées où les camions frôlent leurs montures.
Semblables à des ados en quête de sensations fortes, Tesson et ses amis chevauchent leur side-car afin d'honorer l'héroïsme de cette Grande Armée que Napoléon a dû abandonner pour reprendre son trône à Paris. Car l'auteur précise que cette campagne de Russie fut le début de la chute de l'Empire et de son génie.
Un livre que j'ai dévoré d'une traite, happée par le déroulement concomitant de la Grande Histoire et de l'aventure des motards.
Comme toujours chez Tesson, le journal de voyage est maîtrisé par une plume virtuose.
Un récit de fougue et d'illusions perdues rafraîchissant le corps et l'esprit durant cette période d'été caniculaire.


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La débâcle napoléonienne m'a réconciliée avec Sylvain Tesson, écrivain!

Moi qui m'étais tant agacée de son expérience de "bobo" sur les rives glacées d'un lac de Sibérie, je finis ce voyage historique en ayant aimé mettre mes pieds (non gelés) dans les traces de pas des grognards de la Grande Armée, amusée de ce projet excentrique d'aventuriers motorisés sur les routes de la débâcle, et nourrie de documentation "de la mémoire et du mythe".

Deux cents ans après la retraite impériale, ils sont cinq compères traçant la route en motocyclette à panier adjacent, partant de Moscou pour faire le trajet inverse de la glorieuse Campagne de Russie de 1812, ce pitoyable et dramatique retour à pied de l'armée de l'Empereur sur 4000 kms, dans des conditions de froid, de famine, d'épuisement, de maladies et de mort comme rarement vues.

Le périple en side-car n'est sans aucun doute pas aussi cauchemardesque que le calvaire des français de l'époque mais il faudra aussi composer avec le froid, la violence des routes russes, la monotonie éreintante des paysages et des distances, l'imprévu et les beuveries requinquantes.

Tout le long du chemin se posent sans cesse ces questions sur la notion d'honneur et de courage dans notre époque contemporaine faite de confort et d'individualisme, sur le décalage immense des conditions de vie, en rapport avec le climat et les distances.
Et le respect et la reconnaissance historique pour l'homme, capable d'entrainer derrière lui un peuple sur l'idée de grandeur et de fierté jusqu'au sacrifice.

Sylvain Tesson nous invite à un double voyage: celui dans le temps, par un récit vivant et poignant, en hommage à une armée de combattants héroïques et à une figure mythique de notre histoire nationale. Et celui dans ses pas de globe-trotteur passionné de la Russie, pays qui le fascine toujours autant.
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Sylvain Tesson, à l'occasion du bicentenaire de la campagne de Napoléon en Russie, décide avec trois autres compagnons de route d'entreprendre la route qu'a suivie l'Empereur lors de la retraite de Russie. Cette route, ils la feront en side-cars russes, des "Ourals", motocyclettes adaptées au climat et aux routes de l'Est.
Le récit alterne les épisodes de leur voyage de 2012 avec l'effroyable odyssée de l'armée française en déroute en 1812.
Les Russes s'efforcent de ne pas la combattre de front, privilégiant plutôt la voir lutter contre l'hiver russe, et la forçant à prendre le même trajet qu'à l'aller, avec pour conséquence de ne pouvoir trouver ravitaillement dans les localités dévastées lors de leur entrée en Russie.
Le récit est vivant, certes le trajet de Sylvain Tesson, non exempt de difficulté pourtant, n'a rien à voir avec l'horrible marche de la grande armée. Cette marche nous est relatée avec précision, elle est bien documentée, l'auteur se basant sur les écrits de deux témoins directs de cette retraite.
La retraite de Russie et la traversée de la Bérézina m'était bien connue, mais se la voir rappelée et la revivre ne fut pas inutile.
Le contraste entre les deux équipées est intéressant et permet à Sylvain Tesson et ses compagnons de relativiser les problèmes, bien réels pourtant, mais sans commune mesure avec ceux encourus par les soldats de. Napoléon.
Beaucoup de touches d'humour, beaucoup de réflexions sur le personnage de l'Empereur parsèment le récit.
Ce fut un moment de lecture très agréable, et j'ai apprécié les belles photos de Thomas Goisque qui illustrent le livre.
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Sur une Oural (side-car) de l'ère soviétique des années 30, un ami assis à l'arrière, un autre dans une panière, notre auteur au guidon, trois « candidats au suicide », nous embarquent avec bicorne et drapeau impérial de la Grande Armée du 19 octobre 1812, de Moscou aux Invalides à Paris, pendant quinze jours, sur les traces de sa défaite et du repli.
Ils « embarquent » aussi les écrits de Caulaincourt, grand écuyer de Napoléon, ceux du sergent Bourgogne : souvenirs horribles, paroles de Napoléon à son « greffier ».
Deux amis russes les rejoindront distillant leur âme...russe.
Les récits des survivants donnent le ton au périple des aventuriers contemporains : charnier humain, charnier animal, cannibalisme, villes closes, suicides, massacres et le froid, le froid, ennemi n°1 d'une armée non préparée à l'hiver russe.
Mort de centaines de milliers d'hommes qui s'en furent, fiers et aveuglés par le soleil de l'Aigle.
Mort de centaines de milliers de russes opiniâtres brisés dans la poursuite de l'ennemi après le feu bouté à Moscou.
Sacrifiés pour la patrie, sacrifiés à la folie des hommes...
Les étapes de Sylvain Tesson et de ses compagnons de route donnent un autre ton : un regard porté sur les lieux du désastre, l'effroi et l'épouvante qui y régnaient, le ressenti « confortable » de cette froidure intense, pénétrante, les perceptions et considérations sur cette déroute, le danger de l'engin piloté et des camions qui les frôlent, les lectures...
Un moment intense lorsqu'ils retrouvent dans le cimetière d'Antalkanis l'endroit où furent inhumés plusieurs dizaines de soldats de l'armée napoléonienne en 2003 ! après la découverte d'un charnier à Vilnius.
Comme toujours chez Sylvain Tesson, ces phrases qui font mouche, une lucidité qui amène son florilège de réflexions misanthropiques ou d'observations sensibles (dans le chapitre 11, belle description du « mouvement »).
L'intérêt de ce livre réside dans l'évocation de cette guerre atroce et lointaine (transformée parfois en folklore dans notre époque avide de reconstitution...).
La réalité nous rattrape au-delà du temps grâce à l'analyse distillée par l'auteur notamment dans le dernier chapitre.
Bien sûr la vodka coule à flot, une ambiance un peu potache en ressort mais l'objet essentiel est ailleurs.
« Berezina » - Horreur et barbarie.

Je me permets de dire ma joie de savoir l'auteur en voie de rétablissement après ce stupide accident qui fit craindre pour sa vie.
D'autres livres viendront avec d'autres sagesses, je les attends.
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