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Au programme aujourd'hui : « Le Téléphérique » de Sylvain Tesson. En fait un petit livre regroupant six nouvelles : « Le barrage » - La bataille » - « La ligne » – « L'ermite « – « La lettre « – « Le téléphérique ». Six petites nouvelles qui font un tour et puis s'en vont… Avec cet écrivain-journaliste-voyageur des temps modernes qu'est Sylvain, dont je lis dès que je le peux ses ouvrages et que j'admire pour son courage, toutes ses expéditions – président de la Guilde Européenne du Raid (ce que j'ai découvert avec « Éclats d'actions » de Jean Mouzet que j'ai chroniqué récemment) – amoureux de la Russie, de l'Asie centrale – intrépide jusqu'à sa dernière « bêtise « (pour rester polie) mais qui ne l'a pas empêché de reprendre son bâton de pèlerin avec « Sur les chemins noirs » (chroniqué également) alors qu'il était encore un peu bancale… bref, un écrivain passionnant et attachant. Ayant remarqué ce petit livre c'est par curiosité que je l'ai pris (et il faut reconnaître aussi à cause de l'auteur) car je ne suis pas une grande adepte des nouvelles. Mais je suis en train de réparer cela car elles peuvent souvent révéler de bien bonnes surprises. Mais ici la question est : « Comment parler de ces six nouvelles aussi variées ? Je vais donc écrire quelques lignes sur chacune : * La première, « Le barrage » a surtout pour sujet une belle description du fleuve Mékong, ce fleuve d'Asie du sud-est, qu'il va voir avec sa femme Marianne, récemment épousée. C'est l'occasion d'admirer la course de ce fleuve ocre, appelé par Marianne « de la terre liquide », Marianne qui, pour l'occasion, s'est mise à apprendre par coeur le fameux « Tao-tö-king » (dàodéjīng “道德經” « « Le livre de la Voie et de la Vertu », ouvrage écrit par Lao Tseu aux environs de 600 avant J.C. et fondateur du taoïsme). Cette nouvelle est l'occasion pour l'auteur de parler de ce voyage vers « Le Fleuve Bleu, dragon serpentin aorte sacrée de l'Empire céleste ». L'occasion aussi de dénoncer les ravages causés par le progrès pour fournir « l'énergie » de la fée lumière à un peuple désireux de sortir de l'obscurité. le texte ressemble à un plaidoyer contre ce progrès et l'orgueil du pouvoir. D'ailleurs j'ai relevé en page 21 : « C'était l'un de ces chantiers prométhéens tels que l'Europe de l'Ouest, anesthésiée par ses régulations, tétanisée par ses doutes, intoxiquée de haine de soi aurait été incapable de mener. Aux Trois-Gorges, il s'agissait de rien moins que de retenir les eaux détournées du Yang-tseu-kiang. Lui, le fleuve Bleu, le dragon serpentin, aorte sacrée de l'Empire céleste, allait se voir étranglé, jugulé, asservi par la volonté des ingénieurs, des hommes politiques et du peuple assoiffé d'énergie. (…) La lumière s'était allumée au plafonnier de la nouvelle Chine. A Pékin, on voulait son Assouan. » C'est un très beau texte comportant également le fameux humour de notre écrivain ainsi que beaucoup de poésie. * Je passe sur « La bataille », intéressante oui, mais j'ai moins été séduite. * Pour « La ligne », il est question de coupure de courant et de la façon tout à fait stoïque de la population pour faire face et de montrer comment on peut se contenter de peu (question d'habitude). * Dans « L'ermite », des pensées sur la solitude, de belles descriptions de la taïga coupée par la Lena. * Concernant « La lettre », j'ai été un peu désorientée : qu'est venue faire cette nouvelle dans ce recueil ? J'aurais préféré rester dans la continuité bien que l'on puisse apprécier une certaine philosophie dont l'auteur sait faire usage. Donc, pas plus de « 解说词” (« commentaires). * Et enfin, ô victoire, on arrive à ce fameux « Téléphérique » qui a donné le titre au recueil : cerise sur le gâteau, une nouvelle à savourer comme une friandise, s'en délecter et bien sûr, en rire. C'est à l'occasion d'un Noël dans un chalet près du Mont Cervin, le majestueux Matterhorn (que j'ai eu la chance d'approcher lors d'un voyage à Zermatt – fermez la parenthèse personnelle). Greta s'acharne à préparer un repas pantagruélique, comme d'habitude, tandis que « Zermatt bruissait d'une nervosité anormale. (…) « Dans les rues, les rafales soulevaient des tourbillons de neige » (page 97). Mais on apprend que « deux pauvres types » affublés de noms d'oiseaux, allaient gâter la fête car ils sont dans une benne apparemment bloquée au-dessus du vide, alors qu'il fait déjà nuit. Mais au lieu de « deux pauvres types », il s'agit tout simplement de Ernst et Karl qui ne pouvaient plus supporter ces repas plus que copieux. Malins, ils avaient fait en sorte de bloquer cette satanée nacelle et comptaient bien se payer un petit gueuleton au milieu des étoiles. Ils avaient prévu leur festin bien à eux et comptaient faire bombance dans une tranquillité tant attendue « digne de Zarathoustra ». Ils sont hilares, ravis de leur bonne blague quand… patatras… à suivre. C'est vraiment hilarant. Autant vous dire que j'ai bien savouré cette petite lecture même des nouvelles qui m'ont moins intéressée. Il y a toujours une petite leçon à en tirer. L'ensemble est un petit régal et démontre bien que Sylvain Tesson a du talent à revendre. Mais on sait cela depuis bien longtemps. Vivement une de ses prochaines lectures, gros livre, petit livre, nouvelles… peu importe, je suis réconciliée car toute est passionnant avec lui. Il m'a gagnée à sa cause depuis un certain temps pour ne pas dire un temps certain et de plus, un autre bon point pour lui, il adore la Russie – il n'a pas peur du danger, au contraire il en rit, ce qui fait que je ne l'en estime que plus. + Lire la suite |
Extrait de "Éloge de l'énergie vagabonde" de Sylvain Tesson lu par Léo Dussollier. Parution numérique le 17 décembre 2021.
Pour en savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre-audio/eloge-de-lenergie-vagabonde