L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est l'obligation de vivre avec eux. Le mieux consiste donc à construire un donjon solitaire avec le ciment de son rêve suffisamment solide pour que le ressac du monde extérieur s'y fracasse.
Le voyageur à pied, lui, peut quitter la route fréquentée pour des sentes mieux traitées par les hommes, c'est-à-dire moins battues. (p. 21)
Pour bien vagabonder, il faut peu de choses : un terrain propice et un état d'esprit juste, mélange d'humeur joyeuse et de détestation envers l'ordre établi.
Fidèle à l'image de l'impassibilité, saint Augustin prêchait que le bonheur était de «désirer ce que l'on possède déjà» ...
Vivre, c'est faire de son rêve un souvenir
Les bois : dernier endroit du monde où remontent à la surface de nos âmes perdues les vieilles terreurs et les nouveaux élans.
Il est cependant une autre catégorie de nomades. Pour eux, ni tarentelle ni transhumance. Ils ne conduisent pas de troupeaux et n'appartiennent à aucun groupe. Ils se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes, parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins de monde. Ils vont seuls, avec lenteur, sans autre but que celui d'avancer.
Le vagabond évite tout ce qui risquerait d'enlaidir sa vie. Comme le faisaient les Celtes, il évite les êtres difformes, et rejette les situations conflictuelles, persuadé que la vilenie de l'âme s'exprime dans la laideur extérieure. Au moindre nuage menaçant son esthétique de vie, il prend la tangente. N'avoir qu'un bâton et un chapeau à plume permet de tourner les talons si le climat se gâte.....
Ce n'est pas par goût de la souffrance que j'use mes semelles mais parce que la lenteur révèle des choses cachées par la vitesse.
Un voyageur digne de ce nom ne peut s'intéresser à lui-même et cherche hors de soi matière à l'émerveillement. Pourquoi partir si c'est pour faire le tour de soi ? La mosaïque du monde est riche de tant de carrés, comment perdre du temps sur son misérable tas de secrets intérieurs ?